Le 7 mai 2017, les forces armées de la république du Kazakhstan ont célébré le 25e anniversaire de leur constitution. Tirant leurs origines des anciennes forces soviétiques déployées dans le district militaire du Turkménistan de l’époque de la guerre froide, elles s’articulent, aujourd’hui, sur plusieurs branches, ayant chacune son propre commandement relevant de l’état-major général des forces armées.

Les Qazaqstannyñ Qarūly Küshteri (les forces armées kazakhes) ont été constituées après l’effondrement de l’Union soviétique et la dissolution de l’ancien district militaire du Turkestan, où étaient déployées les unités de la 32e armée soviétique, rebaptisée 1er Corps d’armée en 1988, puis, de nouveau, 40e armée en 1991, reprenant ainsi la dénomination des forces soviétiques déployées pendant neuf ans en Afghanistan, jusqu’à leur retrait en février 1989. C’est sur la base des unités demeurées sur le territoire kazakh, après la signature à Paris, en novembre 1990, du traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE), que sont nées les Qazaqstannyñ Qarūly Küshteri. Aujourd’hui, elles alignent au total 37 000 hommes en service actif, dont des militaires professionnels, des engagés volontaires et des conscrits ; le service militaire ayant été réduit récemment à douze mois au lieu de vingt-quatre. 

Placées sous la tutelle du général Saken Adilkhanovich Zhasuzakov, ministre de la Défense depuis septembre 2016, les forces armées kazakhes ont connu plusieurs changements depuis leur constitution. Les plus importants remontent à juillet 2001, avec notamment la mise en place d’une nouvelle structure territoriale, et à février 2001, avec la promulgation d’un décret présidentiel répartissant les responsabilités des deux principales autorités en matière de défense nationale : le chef d’état-major des armées (CEMA), actuellement le général Murat Zhalelovich Maykeyev, auquel sont subordonnés directement les districts militaires et donc l’ensemble des forces armées ; et le ministre de la Défense, dont les fonctions ont été redimensionnées et qui revêt désormais un rôle essentiellement politique ; le chef de l’Etat, le président Noursoultan Nazarbaïev, en fonction depuis avril 1990, étant au Kazakhstan, comme dans la plupart des autres pays du monde, commandant en chef des forces armées. 

Outre la Ulttıq Ulan (la garde nationale), formation paramilitaire rattachée au ministère de l’Intérieur jusqu’en avril 2014, qui est organisée en commandements régionaux (quatre pour la précision, avec QG respectif à Almaty, Karangada, Öskemen et Oural), l’armée kazakhe compte trois autres grandes forces ou branches séparées, chacune avec son propre commandement : les Qurlıq küşteri (forces terrestres), les Äskerï-teñiz küşteri (forces navales), les Äwe qorğanısı küşteri (forces de défense aérienne, autrement dit l’armée de l’air). A celles-ci viennent s’ajouter deux autres types de forces : les Raketa äskerleri men artïllerïyası (forces de missiles et d’artillerie) et les Aéroutqır äskerleri (forces aéromobiles ou d’assaut aéroporté), qui, en mai 2003, ont été institués en tant que branches ou corps séparés au sein de l’armée de terre. Cet ensemble de forces est complété par la Respwblïkanskoy Gvardïï (garde républicaine), chargée d’assurer la protection des deux résidences officielles du chef de l’Etat, à Almaty, principale ville du pays et capitale du Kazakhstan jusqu’en 1997, et Astana, la nouvelle capitale. 

Constituée en mars 1992, la Respwblïkanskoy Gvardïï compte actuellement 2 000 hommes environ, répartis pour l’essentiel au sein de deux régiments dits « présidentiels », basés tout naturellement à Almaty et à Astana, qui sont placés sous le commandement du général Mouktar Ayubaev. Le 21 avril 2014, la garde républicaine et le service de sécurité présidentiel ont fusionné pour former le service de sécurité d’Etat. Les deux régiments, qui sont organisés sur le modèle des unités d’infanterie mécanisée-motorisée de forces terrestres, soit sur trois compagnies, disposent, en plus, d’une compagnie dite « à but spécial » ou arnayı maqsattağı kompanïya, dont les personnels reçoivent une formation identique à celle des opérateurs des compagnies de reconnaissance et d’opérations spéciales de l’armée de terre kazakhe. 

Les forces terrestres aujourd’hui

Depuis 2001, la structure territoriale de l’armée kazakhe s’articule sur quatre grands commandements régionaux (CR) : celui d’Astana et les CR Sud, Est et Ouest, avec QG respectif à Taraz, Semeï (anciennement Semipalatinsk jusqu’en 1994) et Aktioubé. A l’origine, comme nous l’avons dit plus haut, l’armée de terre kazakhe est née par transformation ou incorporation de plusieurs unités rattachées à la 40e armée soviétique, telles que le 1er Corps d’armée kazakh de Semipalatinsk, ou encore la 68e division motorisée, dont les unités étaient déployées dans la province de Kyzylorda, dans le sud du pays (cette province abrite la fameuse base spatiale de Baïkonour), et la 78e division blindée d’Aïagouz, au Kazakhstan-Oriental. Cela avant les réorganisations de l’instrument militaire, réalisées au cours des quinze ou vingt dernières années, qui ont vu notamment le passage du format division à celui de brigade. 

Aujourd’hui, en ce qui concerne les forces terrestres, le CR d’Astana, dont le QG est situé à Karaganda, à 190 km environ au sud-est de la capitale, accueille plusieurs grandes unités, placées depuis novembre 2016 sous le commandement du général Kaydar Karakulov. Parmi ces unités figurent la 7e brigade mécanisée de Karaganda (elle est référencée comme unité militaire 31775 dans la nomenclature militaire kazakhe) ; un groupement d’artillerie au niveau régiment/brigade (trois unités numérotées 401, 402 et 403), déployé à Priozersk ; un régiment de reconnaissance et opérations spéciales (unité 22750) basé à Aqtas ; deux centres d’instruction, celui de Spassk (unité 36352) pour la formation et l’entraînement au combat, et celui de Priozersk (unité 14805) pour l’instruction des personnels destinés au corps de l’artillerie/missiles mentionné plus haut. Le CR d’Astana couvre quatre des 14 provinces que compte le Kazakhstan, en l’occurrence celles d’Aqmola, Karaganda, Kazakhstan-Septentrional et Kostanaï. 

Placé depuis juin 2016 sous le commandement du général Nurlan Kashaganov, le CR Est, dont le QG est situé à Semeï, au Kazakhstan-Oriental, abrite plusieurs grandes unités, la plupart au niveau brigade : la 3e brigade mécanisée (unité 40398), anciennement 78e division blindée, basée à Oucharal ; la 4e brigade mécanisée d’Öskemen (unité 27943), qui tire ses origines de la 155e division motorisée de l’armée soviétique ; la 8e brigade mécanisée de Semeï (unité 30217) ; la 11e brigade blindée d’Aïagouz (unité 10810), formée également à partir d’éléments de la 78e division ; trois brigades d’artillerie, dont deux basées à Semeï (les 102e et 103e ou unités 16752 et 28736) et une à Oucharal (la 34e ou unité 10181) ; la 101e brigade de missiles sol-air de Semeï (unité 36803) ; un régiment de reconnaissance blindé-motorisé (unité 44736) et une brigade de transmissions (unité 44793), tous deux basés également à Semeï. Le CR Est couvre les provinces de Pavlodar et du Kazakhstan-Oriental. 

De son côté, le CR Ouest, qui a son QG à Atyraou et qui est placé depuis décembre 2017 sous le commandement du colonel Kanysh Abubakirov, est le moins étoffé des quatre commandements régionaux. Il compte seulement une brigade d’artillerie, la 100e basée à Aktioubé (unité 30238), où stationne également un bataillon d’infanterie motorisé (unité 66597) ; un régiment de reconnaissance (unité 41433) basé à Atyraou ; un bataillon d’infanterie motorisée (unité 99116), positionné à Beïnéou. Parmi les forces opérant au profit du CR Ouest figure également la 390e brigade d’infanterie de marine (unité 25744), qui stationne à Aktaou, la ville portuaire sur la mer Caspienne. Ouvrons une courte parenthèse pour préciser que cette unité, qui tire ses origines de la 80e division de la garde de l’ex-armée soviétique, est unique en son genre au sein des forces armées kazakhes. Constituée en août 2004 par transformation de la 2e brigade motorisée, elle s’articule sur trois bataillons d’infanterie sur BTR-80/82, deux bataillons de chars sur T-72, un groupe d’artillerie sur D-30 et BM-21, et un bataillon de défense sol-air sur ZSU-23-4 et 9K36 Strela 10 (SA-13 Gopher en code OTAN). Cela dit, le CR Ouest couvre les provinces d’Aktioubé, d’Atyraou, du Kazakhstan-Occidental et de Manguistaou. 

Enfin, le CR Sud, qui a son QG à Taraz et est placé depuis juin 2016 sous l’autorité du général Marat Khusainov, abrite pas moins de six à huit brigades (selon les sources), plus le centre de formation et d’entraînement des forces terrestres, situé à Gardez, dans le district de Kordaï, province de Jambıl. Connu également comme 40e base militaire (unité 30212), ce centre d’instruction, qui a été entièrement rénové en 2007, forme tous les ans plus de 2 000 conscrits et engagés volontaires. Quant à la composante opérationnelle mise à la disposition du CR Sud, elle est constituée pour l’essentiel par la 5e brigade de montagne (unité 85395) de Taraz, qui aligne deux bataillons d’infanterie, un bataillon blindé, un bataillon d’artillerie et un bataillon de reconnaissance ; la 6e brigade mécanisée (unité 35748) de Chimkent, qui devrait être organisée sur le modèle de la 5e brigade, mais avec un bataillon de chars supplémentaire et deux bataillons d’artillerie, semble-t-il ; la 12e brigade mécanisée (unité 21450), qui est souvent appelée brigade de chars par les médias locaux du fait qu’elle aligne trois bataillons de chars ; la 44e brigade d’artillerie de Zariozek (unité 29108) ; la 232e brigade du génie de Kapchagaï (unité 58012) ; la 221e brigade de transmissions de Taraz (unité 28903). Le CR Sud couvre les quatre autres provinces kazakhes, celles d’Almaty, Jambıl, Kazakhstan-Méridional et Kyzylorda. 

Quant aux forces aéroportées que nous avons évoquées plus haut, appelées officiellement forces aéromobiles, elles ont été formées par regroupement de la 35e brigade d’assaut aéroporté, qui tire ses origines de la 105e division aéroportée soviétique, démantelée en 1979, et des nouvelles brigades formées également, pour certaines, à partir d’unités de l’ex-armée soviétique, telle la 36e brigade d’assaut aéroporté, constituée en octobre 2002 par transformation de la 2e brigade d’infanterie motorisée. Outre ces deux brigades, les forces aéromobiles kazakhes, qui sont placées sous l’autorité du général Djumakeev Almaz Janishevich depuis 2015, alignent la 37e brigade, formée à partir du 173e régiment motorisé, et la 38e brigade, la dernière en date, destinée en priorité aux missions extérieures (cette unité est connue aussi sous le nom de Kazakh Peacekeeping Brigade ou KAZBRIG).

Considérées comme forces d’intervention rapide et de réserve stratégique immédiatement disponible pour l’emploi, les quatre brigades rattachées aux Aéroutqır äskerleri sont basées à Kapchagaï pour la 35e, Astana pour la 36e, Taldykourgan pour la 37e et Almaty pour la 38e. Selon des sources russes, les troupes aéroportées kazakhes disposeraient de supports tactiques conséquents, fournis pour l’essentiel par le CR Sud (éléments blindés-mécanisés-motorisés, artillerie, génie, etc.). A noter que les forces aéromobiles/aéroportées kazakhes, qui relèvent directement de l’état-major général, ont été engagées plusieurs fois en opérations extérieures, notamment en Irak, de 2003 à 2008, dans le cadre de la force multinationale. 

Equipement d’origine homogène

Comme on peut facilement l’imaginer, les équipements en service dans l’armée de terre kazakhe sont en majeure partie d’origine russe (ou soviétique pour les plus anciens). Toutefois, au cours de la dernière décennie, quelques engins d’origines diverses ont fait leur apparition au sein des unités. 

C’est le cas, notamment, des troupes aéroportées, qui ont perçu plusieurs véhicules blindés légers 4 x 4 turcs de type Cobra, sur les 17 exemplaires commandés à Otokar en octobre 2012 et dont la totalité a été livrée. Autres véhicules blindés 4 x 4 d’origine différente en service dans l’armée kazakhe : le Humvee, dont plus d’une quarantaine ont été livrés par les Etats-Unis, et le Marauder sud-africain, dont, semble-t-il, au moins une douzaine d’exemplaires seraient en service. Précisons, à propos de ce dernier engin de type MRAP, que Paramount Group a mis en place, en 2015, un site de production à Astana, né du partenariat avec Kazakhstan Engineering Distribution. Selon l’industriel sud-africain, le site de Kazakhstan Paramount Engineering (KPE), qui a déjà démarré la production du 4 x 4 blindé Arlan, une variante locale du Marauder, pourra produire à plein régime plus de 200 véhicules par an. Par ailleurs, signalons l’acquisition récente de deux 8 x 8 ukrainiens BRT-3E avec tourelle de 30 mm et de Sand Cat Stormer, engin blindé 4 x 4 conçu par Plasan en Israël. 

Pour le reste, les équipements et systèmes d’armes en service dans l’armée de terre kazakhe sont homogènes quant à leur origine. Les bataillons de chars des brigades mécanisées-blindées, tous sur trois escadrons, sont équipés de T-72B (environ 300 exemplaires opérationnels sur un total de 600, suivant les sources, les T-62 ayant été tous retirés du service) ; alors que les bataillons mécanisés-motorisés, également sur trois compagnies en général, comprennent des chenillés MT-LB (180 exemplaires) et de 8 x 8 de type BTR-80/80A, soit plus de 250 exemplaires au total, et plus d’une soixantaine de BTR-82A. 

Plusieurs centaines de chenillés BMP-1/2 et de 8 x 8 BTR-70/80 sont également en service. A noter que l’industrie kazakhe produit localement la tourelle du BMP-2 armée du canon 2A42 de 30 mm. Par ailleurs, en 2010, l’armée kazakhe a commandé à la Russie une dizaine de BMPT Terminator, qui ont été livrés entre 2011 et 2013. L’option pour 30 autres, stipulée en 2012, n’a toujours pas été exercée par Astana ; en revanche, un accord avec le constructeur russe UralVagonZavod (UVZ) aurait été conclu en 2014 pour procéder à l’assemblage du Terminator au Kazakhstan. De Russie viennent également les quelque 130 exemplaires de 4 x 4 blindés légers GAZ-2330 Tigr actuellement en service dans l’armée kazakhe, de même que la quasi-totalité du parc artillerie, dont les systèmes les plus anciens datent de l’époque de l’Union soviétique. 

Les unités d’artillerie sol-sol kazakhes utilisent différents modèles, qui vont des automoteurs 2S9 Nona de 120 mm au 2S4 Tulpan de 240 mm, en passant par ceux de 122 mm 2S1 Gvozdika et de 152 mm 2S3 Akatsiya, pour un total de plus de 200 engins. A ceux-ci viennent s’ajouter des adaptations réalisées localement, comme le Semser de 122 mm, qui est basé sur un châssis 6 x 6 KamAZ-63502 sur lequel est installé l’obusier D-30, et l’Aibat de 120 mm, automoteur sur châssis MT-LB équipé du mortier lourd modernisé 2B11 soviétique (respectivement 6 et 18 exemplaires). Ces deux engins ont été réalisés par Kazakhstan Engineering, en collaboration avec l’industrie israélienne, dont Soltan). Côté artillerie tractée, trois modèles sont en service, en l’occurrence l’incontournable D-30 de 122 mm (une centaine d’exemplaires) et les 2A36 Giatsint-B et 2A65 Msta-B de 152 mm (respectivement 180 et 50 exemplaires). 

Enfin, en matière de lance-roquettes multiples (LRM), là également l’origine est homogène et les modèles diversifiés : BM-21Grad de 122 mm (plus d’une centaine, y compris ceux réalisés localement sur châssis 6 x 6 KamAZ-5350), BM-27 Uragan de 220 mm (180 exemplaires environ) et BM-30 Smerch de 300 mm (moins d’une dizaine d’exemplaires). Par ailleurs, l’armée de terre kazakhe, qui a acquis récemment auprès de Moscou trois systèmes TOS-1A Solntsepk à 24 tubes de 220 mm, version modernisée du Buratino, dispose aussi d’un LRM réalisé localement, toujours en collaboration avec les Israéliens, le Naiza sur châssis 8 x 8 KamAZ-6350 (18 exemplaires en service). Ce dernier peut tirer les roquettes standard de 122 et 220 mm des LRM Grad et Uragan, mais aussi les LAR 160 de 160 mm d’Israel Military Industries (IMI). 

Comme l’indique son nom Raketa äskerleri men artïllerïyası, le corps de l’artillerie kazakhe dispose aussi de missiles balistiques tactiques OTR-21 Tochka (SS-21 Scarab, en code OTAN), qui sont mis en œuvre par la 101e brigade (12 systèmes en service), alors que les unités de défense antiaérienne peuvent compter, depuis 2016, sur quelques systèmes sol-air 9K35 Strela-10 (SA-13 Gopher). Pour rester dans le domaine des missiles, précisons que pour le combat antichar plusieurs systèmes sont en service, notamment des 9K114 Shturm (AT-6 Spiral) sur châssis MT-LB, 9K111 Fagot (AT-4 Spigot), 9K115 Metis (AT-13 Saxhorn) et 9M113 Konkurs (AT-5 Spandrel), la plupart de ces derniers ayant été installés sur les Humvee. 

Quant à l’armement léger d’infanterie, nous pouvons dire qu’il est à l’image de la quasi-totalité des équipements en service, c’est-à-dire d’origine russe ou ex-soviétique, à l’exception de très rares modèles occidentaux, tels que le semi-automatique Glock 17/19, le pistolet-mitrailleur HK série MP5, le fusil de précision Sako TRG-22 et le fusil d’assaut Beretta ARX-160, version en 7,62 x 39 mm, avec son lance-grenade GLX-160 ; toutes ces armes équipant uniquement les opérateurs des forces de reconnaissance et d’opérations spéciales.

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