Au sein de l’armée malaisienne, le 21 Grup Gerak Khas (GGK) est la plus importante unité de forces spéciales, de la taille d’une brigade. Ses membres ont gagné une reconnaissance au niveau international après avoir affronté au cours des années 70 et 80 l’insurrection communiste retranchée dans la jungle de Malaisie.

Créées en 1965, les forces spéciales malaisiennes se sont illustrées ces dernières années par un grand nombre de missions remplies avec succès. Leur devise, Cepat Dan Cergas (que l’on pourrait traduire par « rapides et agiles »), rassemble des hommes déterminés et dotés d’un solide esprit de corps.

50 ans d’histoire

 

La Direction des forces spéciales de Malaisie fut créée au début des années 60 par le ministre de la Défense Allahyarhama Tun Abdoul Razak ben Hussein, afin de coordonner les opérations de ses régiments de forces spéciales, menées au cours du conflit entre la Malaisie et l’Indonésie.

Un appel à volontaires fut lancé début 1965 au sein de l’armée de terre et de la marine afin de participer à un entraînement commando. Le 25 février de cette année-là commençait la phase préliminaire du Basic Commando Course, une formation de six semaines encadrée par le 40 Commando des Royal Marines britanniques, à l’issue d’une sélection rigoureuse à laquelle participèrent plus de 300 personnels et dont seuls 15 furent finalement retenus.

Sur ces 15 hommes, quatre officiers et neuf hommes du rang furent badgés, entamant l’histoire du groupe de forces spéciales malaisiennes le 7 mai 1965. A la fin de l’année, l’unité était pourvue à 70 % de son effectif théorique, alors que ses membres étaient envoyés à l’étranger pour être formés au parachutisme, au franchissement, à la guerre non conventionnelle et aux opérations amphibies, ainsi que pour participer à des entraînements bilatéraux avec des unités spéciales étrangères.

L’unité commença à participer à des missions contre le mouvement communiste dans l’est de la Malaisie, notamment lors des événements du 13 mai 1969.

Malgré ses coûts opérationnels, qui équivalaient à ceux de deux divisions d’infanterie, l’unité avait fait ses preuves et fut élargie à la taille d’un régiment.

Elle déménagea au camp de Sungai Udang, à Malacca, et le 1er août 1970, elle fut rebaptisée 1 Rejimen Pertama Gerak Khas Malaysia (1 RGPKM) ; sa structure et son organisation étaient calquées sur celles des Royal Marines.

Le 1er août 1976, une académie des forces spéciales, baptisée Pusat Latihan Peperangan Khas (PULPAK), fut créée à Sungai Udang afin d’assurer la sélection et la formation des membres du 1 RGPKM. Un second régiment de forces spéciales fut ensuite créé le 1er janvier 1977, lui aussi basé à Sungai Udang.

L’état-major des forces spéciales, le  Markas Grup Gerak Khas, fut établi à partir de janvier 1981 au camp d’Imphal, à Kuala Lumpur, suivi d’unités de soutien et de services. Les forces spéciales malaisiennes continuèrent de s’entraîner avec des unités spéciales britanniques, néo-zélandaises, australiennes et américaines, afin d’enrichir leur spectre de compétences. A la même période, les régiments de combat furent redésignés 21e et 22e régiments de para-commandos. Ce dernier fut recaserné à Kuala Kubu Bharu en 1983, tandis que 

son unité sœur, les deux régiments de soutien ainsi que les unités de commandos marine PASKAL étaient déplacés sur la nouvelle base des forces spéciales de Kem Iskandar, près de Mersing, face à la mer de Chine méridionale, rejoints ensuite par le Markas Grup Gerak Khas.

Cette nouvelle base, qui s’étend sur près de 2 000 acres, comprend 200 bâtiments, 20 km de routes, trois ponts, un port, des héliports, des places d’armes et d’autres installations.

Actuellement, le 21 GGK est rattaché à l’état-major des armées et à celui de l’armée de terre. L’unité est dirigée par un général de brigade dont le quartier général est situé à Mersing, et intègre les 21e et 22e régiments de commandos, un régiment de forces spéciales et des unités de soutien (sapeurs, entre autres) et de logistique.

Le rôle du 21 GGK est de conduire des opérations spéciales tant parachutistes que maritimes, en mode couvert ou en coopération avec les unités conventionnelles lors de missions conjointes en territoire ennemi.

La cellule opérations du 21 GGK est composée d’une vingtaine de personnels chargés de la planification et de la coordination des ressources et des équipements. Ils conseillent notamment l’emploi des forces spéciales lors d’entraînements bilatéraux, lors de missions aéroportées et amphibies. Ils gèrent les besoins des unités en équipements, leurs plans de carrière, leur formation et leur doctrine d’emploi.

Les 21e et 22e régiments commandos, de type 75th Ranger Regiment ou Royal Marine Commando, alignent 900 personnels chacun, spécialisés dans la reconnaissance profonde, le sabotage, l’assaut aéroporté et amphibie.

Le 11 Rejimen Gerak Khas (11 RGK), calqué sur le modèle SAS, est dédié aux actions directes, aux libérations d’otages, au renseignement, à la contre-insurrection et au contre-terrorisme. Il détient, en outre, une expertise de renommée internationale en combat de jungle, ainsi qu’en survie et évasion. Le 11 RGK, dont le volume équivaut à un bataillon, aligne deux escadrons (« Sierra » et « Tango ») spécialisés dans le recueil du renseignement, la surveillance et le sabotage, un escadron (« Uniform ») focalisé sur le contre-terrorisme, et plusieurs cellules de soutien. D’autre part, le 11 RGK intègre depuis peu un escadron de type SBS, le Perahu Khas, composé de trois équipes spécialisées dans les opérations spéciales navales.

La « route de l’enfer »

 

L’entraînement des membres du 21 GGK est un processus long et exigeant, formant des opérateurs loyaux et endurants, avec un fort esprit de corps. Les futurs opérateurs entrent au Pusat Latihan Peperangan Khas (PULPAK), où ils sont formés au saut HALO et HAHO, au sniping, à la plongée offensive, à l’alpinisme et à d’autres spécialités. Les forces spéciales malaisiennes s’entraînent régulièrement avec leurs homologues indonésiennes, ainsi qu’avec les SAS britanniques, australiens, néo-zélandais, avec le 1st SFG et avec les Marine Raiders. 

Les candidats au 21 GGK doivent avoir servi au moins deux ans dans les forces conventionnelles avant de se présenter à la sélection. Celle-ci teste les limites physiques et l’endurance des candidats, ainsi que leur volonté dans des situations de stress. Ils doivent ainsi parcourir 5 km en moins de 18 minutes en tenue de combat complète, effectuer un parcours nautique en moins de trois minutes et plonger à plus de 15 m. 30 % des candidats abandonnent à ce stade. Ceux qui réussissent sont envoyés au Kursus Asas Kommando 3, un cursus de formation initiale organisé trois fois par an et découpé en cinq phases sur une durée totale de 12 semaines. La première phase, d’une durée de cinq semaines, vise à accroître la résistance physique et mentale des futurs opérateurs. Le running, la survie, le parcours d’obstacles et le tir sont pratiqués quotidiennement. En outre, plusieurs marches de 25 km et deux marches de 76 km (une de jour et une de nuit) sont au programme. Le stage est clôturé par une marche de 138 km à réaliser en moins de 36 heures avec une charge de 15 kg.

La deuxième phase dure deux semaines et porte sur les opérations en jungle. Les candidats étudient les techniques de survie, de patrouille et d’assaut, et effectuent plusieurs marches de 90 km. Elle inclut également la Jalan Lasak (« route de l’enfer »), une marche de 160 km effectuée en jungle avec une charge de 40 kg, en moins de trois jours et deux nuits.

La troisième phase se déroule dans une zone marécageuse et dure une semaine. Elle est dédiée à la survie et enseigne aux candidats comment durer en jungle sans nourriture avec un équipement réduit au strict minimum. Le cours de survie met l’accent sur le travail d’équipe, ainsi que sur l’identification de la faune et de la flore des marais afin de connaître les sources de nourriture.

La quatrième phase s’étend sur deux semaines et a lieu en mer, où les futurs commandos apprennent les assauts amphibies ainsi que les infiltrations sous-marines et de surface. Le canoé est pratiqué sur des distances de 20 km, et de 10 km avec orientation.

Le cinquième et dernier volet, d’une durée de deux semaines, est une phase de restitution combinée de toutes les connaissances acquises au cours des dix semaines précédentes, à travers une série d’exercices à haut niveau de stress au cours desquels les réactions des candidats sont soigneusement observées.

Une partie du groupe est affectée à la conduite d’assauts et d’opérations de sabotage suivis de retraits tactiques, avant que le reste des candidats soit chargé de partir à la poursuite des assaillants pour les capturer et les interroger. Sous l’œil de personnels médicaux chargés de veiller à éviter les malaises et les mauvaises réactions au stress, les candidats capturés doivent résister et ne donner aucune information qui pourrait compromettre leurs camarades. Cet exercice se déroule dans une zone d’un rayon de 120 km, de laquelle les assaillants doivent s’extraire en moins de cinq jours.

Les candidats ayant réussi toutes ces épreuves se verront remettre le béret vert du 21 GGK. Ils poursuivront leur formation par les stages suivants : saut HALO-HAHO, patrouille profonde en équipes réduites, renseignement humain, extraction de personnels, CQB, corps à corps, pathfinder (Pandu Arah Udara ou PANDURA), secourisme au combat, insertion en canot gonflable, plongée et démolition.

Une fois la formation de spécialité terminée, ils seront affectés dans un escadron de forces spéciales (soit celui des régiments commandos, soit dans ceux du 21 RGK), au sein duquel ils travailleront durant plusieurs années avant d’être réévalués et de réintégrer leur unité d’origine.

Au combat

 

La première expérience opérationnelle du RGK eut lieu lors de la guerre entre le Commonwealth et l’Indonésie entre 1962 et 1966. De 1966 à 1989, ses membres combattirent les rebelles communistes du PKM, fondé en 1930, dans la jungle et les marais de Malaisie.

Le RGK fut également déployé en 1993 à Mogadiscio, en Somalie, avec un régiment de l’armée malaisienne ; il participa, avec des unités pakistanaises, à l’extraction des Rangers et de la Delta Force lors de l’opération Gothic Serpent, au cours de laquelle un membre de l’unité fut tué.

En 1998, des membres du 21 GGK participèrent à la sécurité des 16th Commonwealth Games avec le Pasuka Gerakan Khas (PGK) de la police malaisienne.

Le 21 GGK fut ensuite engagé en Bosnie-Herzégovine. Au Timor oriental, il participa à l’opération Astute de l’armée australienne, de concert avec le PGK et la 10e brigade parachutiste.

En juillet 2007, le 21 GGK fut déployé avec les mêmes unités qu’au Timor oriental, et avec le PASKAL, afin de rechercher et extraire six pilotes de l’armée de l’air malaisienne dont l’hélicoptère S61 Nuri s’était écrasé près de Genting Sempah. Tous furent retrouvés morts, et leurs corps furent rapatriés.

La même année, des unités du 21 GGK et d’autres unités de forces spéciales malaisiennes prirent part à la FINUL au Liban, ainsi qu’à l’ISAF en Afghanistan, où ils assistèrent l’armée néo-zélandaise dans la province de Bamiyan.

Les dernières missions connues du régiment furent la capture des terroristes du groupe Sulu dans la zone de Lahad Datu en 2013, ainsi que la recherche du vol MH370 de la Malaysia Airlines disparu le 8 mars 2014 entre Kuala Lumpur et Pékin.

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