Le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT) et ses personnels ont reçu les auditeurs de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) début octobre 2019, à Satory, pour la traditionnelle présentation annuelle des capacités de l’armée de Terre. Un menu qui contrastait un peu avec l’université d’été de la Défense, un mois plus tôt.

Traditionnellement, la présentation de l’armée de Terre à l’IHEDN comprend trois temps : un grand oral du CEMAT, une présentation dynamique, une présentation statique. Sur ce point en tout cas, l’édition 2019 n’était pas différente des précédentes. Par contre, le CEMAT a tout de suite imprimé sa marque dans son discours, rappelant en fait les principaux points de son premier ordre du jour.

Le général Thierry Burkhard a rappelé la nécessité des entraînements (à tous les niveaux du régiment, mais aussi aux niveaux interarmes, interarmées et interallié). Si la sueur de l’entraînement épargne souvent le sang en opex, les opérations multiples dans lesquelles l’armée de Terre est engagée ne doivent pas se faire, non plus, au détriment de ces entraînements. Qui se doivent d’être le plus réalistes possible, et menés dans la plus grande rigueur.

Car l’entraînement peut vite causer des pertes, ou des blessés : on garde en tête l’accident (à la fin miraculeuse) du Caïman retenu par des saisines sur un navire de la Marine (un blessé grave, sur le pont) ou encore un accident d’un camion du 35e RAP dans un camp du Sud-Ouest le 12 novembre (11 militaires blessés).

Pour tenir le choc

Le CEMAT n’élude pas non plus le risque d’un conflit de haute intensité, que l’armée française et, en général, les armées occidentales n’ont pas rencontré depuis des décennies. Pour tenir le choc, il faut des équipements disponibles, des militaires sensibilisés à ce risque, un système de fonctionnement résilient. Or, ici ou là, tous les critères n’y sont pas forcément. La disponibilité des hélicoptères est notamment problématique, alors qu’elle siphonne littéralement le budget MCO (maintien en condition opérationnelle) de l’armée de Terre.

Le général Burkhard a aussi appelé à un changement de vision d’une partie de l’opinion sur les métiers de l’armée de Terre, trop souvent perçus comme peu techniques ou technologiques.
C’est faire fi des réalités du moment, qui vont encore s’accroître. Avec l’arrivée de Scorpion,
il faudra trouver des personnels bien plus adaptables qu’avant, tout en restant des militaires rustiques, pouvant éprouver le chaud ou le froid extrêmes. Une des évolutions les plus visibles est l’avalanche de drones attendus d’ici 2023, pour atteindre un format à 1 200-1 300 engins de toutes tailles en service.

À court terme, c’est une armée de Terre très engagée, qui assure l’essentiel des effectifs en opérations intérieures (plus de 90 % de Sentinelle) et extérieures, que les auditeurs de l’IHEDN et les médias invités (dont RAIDS) ont pu visualiser dans la démonstration dynamique puis rencontrer dans la présentation statique. 

Parmi les forces spéciales

Le 1er RPIMa était présent dans l’espace réservé aux forces terrestres, où était exposé son dernier fusil de tireur d’élite en calibre .408, le Shadow du canadien Cadex. Un premier lot de 30 fusils a été livré et donne apparemment toute satisfaction. Toutes les unités n’ont pas suivi le choix de ce calibre, qui fait l’objet de réserves sur les possibilités d’approvisionnement et de diversité de types de munitions – une antienne, en tout cas, pas entendue dans la bouche des opérateurs présents. L’arme y est décrite comme plutôt rustique, avec une carcasse solide, qui ne nécessite qu’un entretien normal.

Le Shadow était présenté avec une lunette Steiner 5-25 et le RAPTAR-S (Rapid Targeting & Ranging Module – Saber), un module de ciblage optimisé pour le tir à très longue portée développé par Wilcox et Applied Ballistics. De dimensions très réduites
(11 x 8,5 x 4,5 cm), ce dispositif tri-lentilles qui se fixe sur la lunette de tir (ou sur un trépied) intègre un laser infrarouge, un laser visible, une illumination infrarouge et un télémètre laser, ainsi qu’un calculateur balistique compatible avec les smartphones utilisés pour visualiser des informations.
Le boîtier dispose aussi d’un GPS précis à ± 2 m
et d’un Bluetooth permettant la communication avec les périphériques (smartphone, PC…). 

« On peut rentrer jusqu’à 80 profils de fusils différents, apprécie un tireur. Le Shadow peut toucher un homme jusqu’à 2 100 m. On a de très bons résultats à 2 500 m,
et on peut tirer jusqu’à 3 000 m. » 

Le gain de temps est, dit-on, phénoménal. Plusieurs armes (on évoque une dizaine en simultané), dont les informations basiques sont intégrées dans le calculateur avant le début de la mission, peuvent être ainsi alimentées en très peu de temps par un unique RAPTAR-S. Le module pèse moins de 400 g et fonctionne avec un pille lithium 123A, pour une autonomie de plusieurs heures. Il est distribué en France par TR Équipement.

Le Sako TRG 42, qui perd de l’influence au
1er RPIMa, touche jusqu’à 1 200 m : l’arme devrait être remplacée à terme par un .260 (6,5-08).

Le régiment présentait son MCX, une arme également utilisée en groupe THP, et appréciée pour tirer aussi des munitions supersoniques ou subsoniques, avec une capacité de « faire une tête » à 150 m. 

Un VPS2 de Technamm était exposé. Ce véhicule donne manifestement satisfaction à tous ses utilisateurs. D’ailleurs, tous les VPS2 sont déployés en opérations, hormis quelques-uns restant en France pour la formation.

Encore chez les forces spéciales, le 4e régiment d’hélicoptères des forces spéciales (4e RHFS) était aussi présent avec un de ses Minigun M134D sur Gazelle.

Le 13e régiment de dragons parachutistes (13e RDP présentait également quelques équipements : un Izlid Ultra (servant à marquer les cibles), un désignateur Rattler utilisé par les JTAC (Joint Terminal Air Controller).

Chez les conventionnels

Parmi les rares nouveautés présentées, on trouvait la maquette du Serval. Le vrai véhicule, lui, a commencé ses premiers essais dans les mains des experts de la DGA. Le Serval impressionne (comme le Griffon) par ses dimensions, qui en font un engin plus lourd que le VAB actuel. Guère plus de choses à en dire pour l’heure, si ce n’est que l’armée de Terre l’attend (comme le Griffon et le Jaguar) avec impatience pour boucler sa modernisation d’équipement à marche forcée.

Le Caïman du 1er régiment d’hélicoptères de combat (1er RHC), qui en aligne 20 en trois escadrilles, montrait une nouvelle configuration d’aérocordage (qui n’a pas été utilisée dans la présentation dynamique) avec deux potences d’aérocordage par porte,
ce qui peut donc permettre de générer une très haute cadence de largage des commandos. Ces potences se replient en vol, ce qui permet de voler portières fermées, donc plus vite (et au chaud si on est en zone froide). Les cordes lisses offrent des longueurs de 18 à 24 m, soit une dépose à une hauteur de 5,7, 10, 15 m. Pour rappel, les cordes mesurent 30 à 70 m.

Apparemment, la modernisation du kit d’évacuation médicale, évoquée au vu des retex du Sahel (où un ou plusieurs des cinq Caïman présents assurent l’alerte), est en stand-by.

Du retard aussi chez les « dronistes » du 61e régiment d’artillerie (61e RA) qui attendaient avec impatience leur nouveau système de drones tactique (SDT), annoncé pour 2018 à l’origine. L’objectif restant toujours de déployer en opérations une première capacité avec un bataillon Scorpion en 2021.

Le système de minidrones de renseignement (SMDR) a lui aussi pris du retard, notamment suite à un accident de vol au printemps, après une campagne pourtant réussie à Djibouti. Le SMDR était attendu au Sahel dès 2019.

Le 2e régiment de hussards (2e RH) rappelait sa capacité motorisée légère avec un quad équipé
(vu plus tôt dans la présentation dynamique).
À terme, le régiment disposera de 48 quads de dernière génération pour équiper les trois escadrons de recherche.

Le 68e régiment d’artillerie d’Afrique (68e RAA) de La Valbonne présentait, quant à lui, le nouveau radar Murin de Thales, parti au Sahel pour la mission de surveillance et de renseignement. L’appareil est, en fait, à usage plus large, puisqu’il peut détecter des piétons (jusqu’à 12 km), des véhicules légers ou lourds (jusqu’à 24 km), des aéronefs (jusqu’à 21 km, mais optimale entre 0 et 4 km, livrant vitesse et cap), des bateaux (jusqu’à 27 km), et même des minidrones offrant une surface de 50 cm².
Le radar peut aussi découper l’espace en cinq secteurs distincts, ou travailler en modes entrelacés (sol-air, sol-sol, etc.). 

Le 40e RA exposait, pour sa part, sa compétence drones, avec le NX70 et le Black Hornet. Ces engins servent aussi bien au réglage d’artillerie à courte portée qu’à la reconnaissance de positions de tir. Ils servent également aux équipes JTAC (neuf au 40e RA).

Le clou de cette présentation étant les Piranha
de la compagnie A « Wolfpacks » du Bataljon
Bevrijding – 5 Linie : une manière d’illustrer la coopération nouvelle entre Français et Belges autour des programmes Scorpion et Camo, empruntant chacun le Griffon et le Jaguar. Une lune de miel franco-belge désormais multispectrale, avec certes ces deux programmes, mais aussi des entraînements communs et des participations croisées à des cérémonies patriotiques.

Les unités de la présentation IHEDN

Outre celles déjà évoquées dans le texte principal, voici les unités mobilisées pour la présentation (avec les moyens correspondants) : 

94e RI (FORAD/AMX 30 B2/AMX 10 P/GBC/Ford Ranger), RMT (groupe infanterie/VBCI/VBL/VPC), 21e RIMa, (groupe infanterie), 2e Dragons (groupe NRBC), 17e RGP (équipe EOD), 132e RIC (équipe cynophile, 3e RPIMa (GCP), PEC (VAB Ultima), 1er RA (LRU), 40e RA et 54e RA (Mistral), 40e RA (JTAC, Caesar), 12e Cuirs (XL), 13e RG (Souvim/EGRAP), 1er REC (AMX 10 RC/VBL), 1er Spahis (VAB SIR), 54e RT (VAB BISON/PVP PLAE), 511e RT (PPLOG), RMED (VAB SAN), 515e RT (PVP), 516e RT (CCP 10), 511e RT (PEB 700), BSPP (engin-pompe/Echelle/VSAV), UIISC (quad Polaris/Land Rover), STAT (Griffon).

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Jean-Marc TANGUY, DR