Une nouvelle crise dans le sud de la Syrie a débuté le 11 juillet lorsqu'un groupe de combattants bédouins sunnites a intercepté une voiture sur l'autoroute reliant Souweyda à Damas et a enlevé son conducteur.

En représailles, des miliciens druzes ont enlevé plusieurs Bédouins déclenchant un cycle de violences.
Les deux communautés se sont alors affrontées dans la province de Souweyda compliquée par le fait que les forces druzes ont été épaulées par l’aviation israélienne. Noter que des règlements de comptes inter-Druzes entre ceux qui sont favorables et ceux qui sont opposés à un alignement sur Damas ont eu lieu. Ce sont ces derniers qui semblent avoir eu le dessus…

Le 14 juillet, le ministère syrien de la Défense a publié une déclaration imputant la flambée de violence au « vide institutionnel » qui a alimenté les tensions.
Des troupes du ministère de l’Intérieur et des unités militaires ont été dépêchées dans l’urgence sur place.
Mais l’entrée des forces gouvernementales dans la province de Souweyda a déclenché des affrontements avec des milices druzes dont le Conseil militaire de Souweyda (CMS) formé en février 2025 à partir d’anciens officiers de l’armée arabe syrienne (ASL) se revendiquant du cheikh Hikmat al Hijri (1), un éminent chef spirituel farouchement opposé au nouveau pouvoir en place à Damas.

Dans un premier temps, les forces gouvernementales syriennes ont réussi à s’emparer de plusieurs villages dans les environs de la ville de Souweyda. Mais des avions de chasse israéliens ont frappé plusieurs colonnes de blindés gouvernementaux qui se dirigeaient vers Souweyda.
Très vite, le gouvernement d’Ahmed al-Charaa a cherché un accord négocié avec les chefs druzes, exhortant les milices à désarmer et à se réintégrer dans l’État.
Le 15 juillet, le ministère syrien de l’Intérieur a annoncé l’entrée de forces dans la ville même de Souweyda afin de rétablir la sécurité et imposer un couvre-feu.
Damas s’appuie sur quelques dirigeants druzes dont Laith al-Balous (qui dirige la milice « les hommes de la dignité » – Rijal al-Karameh – de la ville de Souweyda) qui lui sont favorables.

Ces derniers ont publié une déclaration saluant l’intervention conjointe des ministères de l’Intérieur et de la Défense, appelant les factions armées à « coopérer, à s’abstenir de toute résistance et à rendre les armes ».
Mais le cheikh Hikmat al Hijri a rejeté catégoriquement cette initiative et a appelé à la poursuite de la résistance contre les forces de Damas. Cet appel a relancé les affrontements dans la ville et dans ses environs. Le PC de Laith al-Balous a été assiégé par des miliciens se revendiquant d’Hikmat al Hijri.
De nombreuses exactions commises de part et d’autre exploitées par la propagande de tous les camps ont été signalées. Ainsi, les forces gouvernementales auraient tué et humilié des civils druzes, les forces druzes auraient massacré des prisonniers gouvernementaux et des populations bédouines sunnites… Si la guerre est une chose horrible, la guerre civile est encore plus abjecte.
En réponse à l’entrée des forces syriennes dans Souweyda, Tsahal a annoncé avoir ciblé, « conformément aux directives de l’échelon politique », des véhicules militaires appartenant au régime syrien près de la ville.
Le 17 juillet, les forces armées syriennes devant leur échec militaire, ont totalement évacué l’ensemble de la province de Souweyda.
Profitant du vide laissé, des milices druzes fidèles à Hikmat al Hijri sont actuellement en train de se déployer à travers la région même si quelques forces étatiques sont toujours résiduelles. Leur situation risque de devenir critique dans les heures à venir.
Le chef druze Laith al-Balous et ses partisans ont finalement été chassés de la ville de Souweyda ainsi qu’une partie des populations sunnites. Des Druzes incendient des maisons de bédouins sunnites et inversement…
Mais les combats risquent de reprendre rapidement car des combattants sunnites du clan Baggara, le plus grand et le plus influent de Syrie, sont arrivés aux portes de Souweyda le 18 juillet…

Bien que le bilan soit difficile à faire, les affrontements auraient fait au moins 500 morts dont plus de 230 membres des forces gouvernementales, quelques 200 militants druzes et le reste, des civils dont nombre de sunnites.
Devant ces horreurs, même le Cheikh Hikmat al-Hijri très vindicatif appelé le 17 juillet les combattants druzes à respecter les biens et personnes des tribus bédouines…

C’est un échec politico-militaire pour Ahmed al-Charaa car pour le moment, aucune faction druze – d’ailleurs comme les Forces démocratique syrienne – FDS – (kurdes)(1) – , pourtant signataire d’accords via leurs notables, n’a déclaré publiquement son intégration aux ministères de l’intérieur et de la défense.
Même ses partisans qui l’ont soutenu dans sa prise de pouvoir contre le régime de Bachar el-Assad sont furieux de la mansuétude dont il fait preuve vis-à-vis des minorités qu’ils considèrent comme faisant partie des « vaincus de la guerre. »

La région des Souweyda qui est particulièrement pauvre et touchée par une crise sociale et humanitaire ne dispose d’aucunes ressources propres. Les trafics importants qui lui permettaient de vivre (biens de première nécessité, armes, carburants, fuel, drogues – dont du captagon – , etc…) risquent de considérablement s’accroître.
D’ailleurs, pour Laith al-Balous, le Cheikh Hikmat al-Hijri couvrirait ces activités criminelles depuis l’ère de Bachar el-Assad dont il bénéficiait d’une certaine mansuétude. Il convient de rester prudent sur ces déclarations proférées par un belligérant.

La position d’Israël

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a été très clair : « nous sommes déterminés à préserver le sud-ouest de la Syrie en tant que zone démilitarisée à la frontière israélienne. » Il a aussi affirmé lors d’un discours devant les soldats israéliens qu’Israël avait une obligation envers les Druzes.
Mais pour compléter, de nombreux responsables politiques israéliens de tous bords ont exprimé dans le passé leur solidarité avec les Druzes. Mais surtout, la majorité israélienne est favorable à la partition de la Syrie en micro-États un peu comme la Libye.
Alors, pour justifier ses interventions militaires, Israël avance que les tribus bédouines de la région collaborent avec les Pasdarans iraniens, le Hezbollah libanais et – pour faire bonne mesure – avec le PKK via les FDS(2) pour mener des trafics d’armes et de drogue.

Mais dans la réalité, c’est bien le nouveau pouvoir qui est visé. Ainsi, le 16 juillet, les Forces de défense israéliennes (FDI) ont mené des frappes près du palais présidentiel syrien à Damas ciblant détruisant une partie du quartier général militaire du gouvernement au prix de nombreuses victimes.

Tsahal a déclaré dans un communiqué que « le quartier général militaire de Damas est le lieu d’où les commandants du régime syrien dirigent les opérations de combat et déploient les forces du régime dans la région de Souweyda. »
En mai 2025, l’armée israélienne avait déjà frappé une zone proche du palais présidentiel mais sans en donner la raison.
Tsahal a également mené récemment des raids contre des cellules « soutenues » par l’Iran et des installations militaires de l’ancien régime d’Assad dans le sud de la Syrie, là aussi sans autres précisions.

À ce jeu là, Israël risque de se retrouver en porte-à-faux vis-à-vis de Washington et avec la plupart de ses alliés s’il ne parvient pas à clarifier sa politique à long terme en Syrie.
S’il se confirme que son but est la déstabilisation du nouveau régime, il risque d’irriter le président Donald Trump qui lui une Syrie unifiée et stable. Pire encore, Israël risque d’ouvrir la porte à un nouveau chaos ou à la montée en puissance de salafistes-jihadistes encore plus dévoués à leur cause qu’Al-Charaa de l’autre côté de la frontière.
Et si Israël souhaitait conclure une série d’accords historiques avec la Syrie (dans le cadre des accords d’Abraham), c’est pour l’instant très mal parti.

1. Voir : « le problème druze » en Syrie du 5 mai 2025.

2. Voir : « Washington ménage Ankara » du 17 juillet 2025.