
Il a abordé de nombreux sujets détaillant en particulier le désarmement du PKK(1) et l’avenir des Kurdes en Syrie tout en abordant les relations entre les États-Unis et la Turquie.
Sur ce dernier point, il a insisté sur les bonnes relations existant entre les présidents Trump et Recep Tayyip Erdoğan qui vont « bien au-delà » des rapports entretenus entre deux pays membres de l’OTAN.
Par ailleurs, Trump aurait « félicité » Erdoğan pour avoir donné une chance au nouveau régime syrien.
Barrack a conclu sur ce sujet en louant le complexe militaro-industriel turc jugé très performant.
À propos, des Kurdes de Syrie, il a aligné son discours sur celui d’Ankara : « les Forces démocratiques syriennes (FDS) sont les ‘les Unités de protection du peuple – YPG -. Les YPG sont un dérivé du PKK […] Les YPG étaient une branche du PKK avec laquelle nous nous sommes alliés pour combattre Daech. »
Il a cependant précisé : « je n’ai jamais dit que les FDS étaient un dérivé du PKK. […] Il n’est pas impensable que les partisans des YPG ou des FDS, quels qu’ils soient, aient pris leurs distances avec le PKK. Je ne pense donc pas qu’il s’agisse d’un dérivé. C’est une autre organisation.»

NdA : de son côté, le président Erdoğan assure que les FDS créées sous l’égide des États-Unis avec comme colonne vertébrale le parti de l’Union démocratique – PYD – dont les bras armés sont ‘Les Unités de protection du peuple YPG (pour les hommes)’ et les ‘Unités de défense de la femme’ YPJ (pour les femmes) sont directement liéees au PKK (via les YPG). La nuance faite par l’ambassadeur est donc d’ordre purement sémantique, à l’évidence, c’est pour s’attirer les bonne grâces de la Turquie dont l’importance est jugée comme incontournable pour la politique américaine au Proche-Orient.


Il poursuite à propos des Kurdes syriens : « les problèmes qui surgiront sont des désaccords avec les gouvernements syrien et turc. Le gouvernement américain a déclaré qu’il examinerait toutes leurs questions et ferait de son mieux pour garantir une décision juste et équitable. S’ils souhaitent venir vivre aux États-Unis avec nous, ils peuvent le faire […] Ce n’est pas à nous d’arbitrer le débat intellectuel. Est-ce la bonne chose à faire ? Est-ce la mauvaise ? Voulez-vous un système parlementaire ? Voulez-vous une république ? Voulez-vous un système confessionnel ? Comment concilier et protéger les droits des minorités ? […] Nous voulons voir ce que vous allez faire des combattants étrangers. Les intégrez-vous ? Ne les intégrez-vous pas ? Les renvoyez-vous chez eux ou non ? »
Barrack poursuit : « il existe donc un sentiment fort : parce qu’ils étaient nos partenaires, nous leur devons quelque chose. La question est : que leur devons-nous ? Nous ne leur devons pas la possibilité d’avoir leur propre gouvernement indépendant au sein d’un gouvernement […] Il est très important de les orienter vers leur intégration dans un nouveau gouvernement syrien.»
NdA : le nouveau gouvernement syrien a lancé des négociations pour intégrer les branches armées du PYD sous la houlette du Ministère de la Défense d’ici la fin de l’année à la fin de l’année(2). Elles avaient théoriquement abouti mais il semble qu’il n’en soit rien.
En effet, Barrack déclare : « il y a eu un accord en mars. Ils sont parvenus à un accord de principe, mais il n’a pas fonctionné. Pourquoi ? Parce que tout le monde s’est précipité pour conclure un accord sans clarifier les détails. Les détails comptent. Il est maintenant temps de clarifier les détails, de rassembler tout le monde. »
L’ambassadeur américain reconnait que le nouveau gouvernement syrien rejetait le fédéralisme et a qualifié d’irréalisables les tentatives de division du pays selon des critères ethniques ou confessionnels : « on ne peut pas avoir une force druze distincte, habillée comme des Druzes, une force alaouite distincte, habillée comme des Alaouites, une force kurde distincte, habillée comme des Kurdes, et ainsi de suite. Il n’y aura qu’une seule entité.»
NdA : Washington ne veut pas d’une Syrie éclatée ni fédéralisée. Les problèmes actuellement rencontrés par Damas avec les Kurdes au nord-est et les Druzes au sud du pays inquiètent à juste titre les Américains qui craignent un embrasement général car le nouveau pouvoir syrien n’a pas les moyens de juguler tous les désordres, étant lui-même menacé d’implosion entre « radicaux » et « encore plus radicaux »…
Il n’empêche que Barrack a bien précisé que les États-Unis prévoient de réduire le nombre de bases militaires américaines en Syrie de huit à trois avec comme objectif final de maintenir une seule base à Al-Tanf.


Plus crument il a déclaré : « Nous vous réunirons, nous arbitrerons, nous servirons de médiateurs, nous vous aiderons, mais nous ne resterons pas indéfiniment […] Si vous n’êtes pas d’accord, ne soyez pas d’accord, mais nous ne resterons pas éternellement là pour jouer les baby-sitters. »
NdA : les Kurdes syriens sont prévenus : ou ils acceptent que les YPG (et YPJ mais cela va poser un problème les islamistes n’acceptant théoriquement pas les femmes soldats) soient placés sous la tutelle du ministère de la défense de Damas, soient ils ne seront plus soutenus à terme par Washington.
Il reste le problème des quelques 30.000 détenus salafistes-jihadistes et leurs familles gardés dans des camps du nord-est par les YPG …


En conclusion, pour l’ambassadeur Barrack : « le président Donald Trump a déployé notre armée en Syrie avec un seul objectif, la lutte contre Daech. Nos forces ont achevé avec succès 99 % de cette mission. »
NdA : Cela ne semble pas correspondre à la réalité de terrain les désordres étant de plus en plus importants dans le pays même s’ils ne sont pas uniquement le fait de Daech. Voir ce qui se passe dans le sud du pays où on dénombre plus de 350 morts en quatre jours entre Druzes, tribus anciennement alliées de Bachar el-Assad et forces gouvernementales (sans parler des interventions israéliennes « en protection » des Druzes…)
a/s guerre en Ukraine et à Gaza

Abordant les questions de défense, Barrack a salué les avancées du complexe militaro-industriel turc : « Les drones turcs sont probablement les meilleurs au monde. Les TB2 Bayraktar sont utilisés dans la guerre en Ukraine (NdA : ce sont les ukrainiens contre les russes.). »
Il a souligné le rôle clé d’Ankara dans les relations entre l’Ukraine et la Russie et au Moyen-Orient, saluant ses liens étroits qu’Erdoğan avait su maintenir avec tous les acteurs, y compris avec les États-Unis.
Barrack a aussi salué le chef des services spéciaux turcs (le MIT), Ibrahim Kalın, et le ministre des Affaires étrangères, Hakan Fidan (et ancien directeur du MIT), pour leurs contributions essentielles.

NdA : il est vrai qu’Erdoğan est le seul responsable politique qui peut parler à tout le monde. De plus, au Proche-Orient, il bénéficie d’une force d’intervention conséquente (et de proxies) qui en fait réfléchir plus d’un, en particulier les Kurdes de Syrie. Avec Israël, c’est un peu plus compliqué mais il semble que des contacts indirects existent. Communiquer avec les « infréquentables » est une des missions – peu connue – de tous les services spéciaux.)
Ainsi, l’ambassadeur Barrack a souligné les efforts constructifs de la Turquie dans les grandes crises actuelles : « la Turquie a joué un rôle majeur dans l’accord céréalier entre l’Ukraine et la Russie et dans les tentatives de cessez-le-feu à Gaza. La diplomatie dans la région ne pourrait se poursuivre sans la Turquie et le Qatar. La Turquie est devenue l’un de nos médiateurs les plus puissants à Gaza. »
En conclusion, il a réaffirmé l’importance accordée par l’administration Trump à la redéfinition des liens avec la Turquie : « la Turquie possède la deuxième armée de l’OTAN et occupe une place centrale. Elle a réalisé des progrès significatifs dans le secteur de la défense. Si des problèmes comme celui des S-400 sont résolus, le processus de développement des F-35 pourra reprendre. Le président Trump a fait preuve de souplesse sur ce point. Nous sommes convaincus que notre coopération prospective avec la Turquie s’intensifiera. »
NdA : pour mémoire, la Turquie a acquis des batteries anti-aériennes russes S-400 mais ne les a jamais déployées de manière opérationnelle. En rétorsion, Washington a bloqué la participation de la Turquie au programme des chasseurs F-35.

1. Voir : « Dissolution du PKK, les suites ? » du 13 mai 2025.
2. Voir : « Accord entre Damas et les minorités Kurdes et Druzes » du 12 mars 2025.