Abdel-Malik al-Houthi, le «guide» du groupe Ansar Allah, a annoncé le 8 mars qu'il donnait quatre jours à Israël pour permettre l'acheminement de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza. Si cela ne se produit pas, son groupe reprendra ses opérations navales en mer Rouge contre des cibles israéliennes. Le délai se termine le 11 mars.

Dans un discours prononcé par la chaîne Al-Masirah du groupe al-Houthi, il a déclaré : « nous annonçons au monde entier que nous accorderons un délai de grâce de quatre jours. Il s’agit d’une période de grâce pour les médiateurs dans leurs efforts. […] si l’ennemi israélien continue, après les quatre premiers jours, d’empêcher l’entrée d’une aide dans la bande de Gaza et continue de fermer complètement les points de passage et d’empêcher l’entrée de vivres et de médicaments à Gaza, nous reprendrons nos opérations navales contre l’ennemi israélien… »

Le 2 mars, Israël avait annoncé sa décision de suspendre l’entrée de l’aide humanitaire dans Gaza sur fond de désaccords avec le Hamas concernant la suite de la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu.

Les attaques de navires par le parti yéménite d’opposition Ansar Allah qui regroupe des forces houthies ont commencé en novembre 2023 « en solidarité » avec les Palestiniens suite à la guerre qu’Israël mène à Gaza.

Ce mouvement armé chiite-zaydite a été fondé par Hussein Badreddine al-Houthi mort en 2004. Ses trois frères Abdel-Malik, Yahia et Abdoul Karim ont pris la relève, les deux autres (Ibrahim et Abdulkhalik) étant décédés. Le premier est le chef du mouvement, le deuxième ministre de l’éducation et le troisième ministre de la défense.

Originaire du gouvernorat de Sadah, ce mouvement occupe depuis 2014 presque tout l’ouest du pays.

Il se définit comme islamiste-nationaliste et se devise depuis le début des années 2000 est : « Dieu est le plus grand, mort à l’Amérique, mort à Israël, malédiction sur les Juifs, victoire à l’Islam.» Elle est copiée sur celle de la révolution iranienne, les Houthis entretenant des liens étroits avec le pouvoir en place à Téhéran.

Il a été désigné comme « organisation terroriste étrangère » par Washington.

En raison de leurs frappes, les Houthis ont forcé nombre de navires à éviter le canal de Suez pour emprunter un itinéraire beaucoup plus long autour de l’Afrique, augmentant les coûts de fret de près de 200 milliards de dollars. Le manque à gagner a aussi été très notable pour l’Égypte.

Sur le plan du bilan, les Houthis ont coulé deux navires, endommagé de nombreux autres, causé la mort de quatre marins et conduit à la prise en otage de nombreux personnels après la saisie d’un navire. Toutefois, nombre d’armes houthies ont raté leur cible.

En réponse à ces attaques, les États-Unis, les Britanniques et dans une moindre mesure les Israéliens ont menés de nombreux raids aériens pour tenter de détruire les infrastructures des rebelles yéménites.

Ils sont confrontés à l’immensité des zones à couvrir et à la capacité des rebelles à camoufler – voire à enterrer – leurs armements et les unités de production.

De plus, malgré le blocus auquel le Yémen est soumis, jusqu’à maintenant, aucune grosse prise de pièces de missiles ou de drones venant d’Iran n’a été faite(1).

Par ailleurs, les Américains et leurs alliés ont été obligés d’utiliser de nombreux missiles mer-air pour assurer la protection des navires commerciaux qu’ils escortaient mais aussi la leur contre les missiles sol-mer et les drones aériens et navals mis en œuvre par les Houthis. Le paradoxe réside dans le fait que ces armements de défense sophistiqués employés sont infiniment plus chers que les munitions attaquantes.

Les services de renseignement occidentaux s’interrogent quant au nombre d’armes dont disposent encore les Houthis, la manière dont ils se les procurent et leur capacité de remplacement.

En effet, malgré la destruction de sites radar côtiers, les nombreuses frappes aériennes citées plus avant ne paraissent pas avoir arrêté la capacité du groupe rebelle à utiliser leurs armes à volonté.

Malgré ce combat en cours, la profondeur et la portée de l’arsenal houthi restent en grande partie un mystère pour les Occidentaux. Des navires de commerce iraniens ont été mis en cause pour le repérage et le guidage des tirs mais rien n’a pu être prouvé.

Pour certains analystes, les Houthis ne sont « pas très avancés technologiquement, mais ils sont assez innovants. »

En janvier, alors qu’un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas a été annoncé, les Houthis se sont engagés à mettre un terme aux attaques contre les navires. Selon le commandement central américain (CENTCOM), la dernière attaque de ce type des Houthis a eu lieu les 9 et 10 décembre, lorsque les destroyers de la marine américaine USS Stockdale et USS O’Kane « ont réussi à vaincre une série d’armes lancées par les Houthis alors qu’ils transitaient par le golfe d’Aden. »

Bien que l’ampleur des stocks d’armes des Houthis soit inconnue, les Américains pensent qu’ils produisent beaucoup en interne et que des composants clés proviennent d’Iran ou d’autres endroits.

Selon CENTCOM, la dernière attaque américaine au Yémen a eu lieu le 8 janvier : les « forces du CENTCOM ont mené de multiples frappes de précision contre deux installations de stockage souterraines d’armes conventionnelles avancées (ACW) des Houthis soutenues par l’Iran […] Les Houthis ont utilisé ces installations pour mener des attaques contre des navires de guerre et des navires marchands de la marine américaine dans le sud de la mer Rouge et du golfe d’Aden. »

Cadre général

Selon le CENTCOM, « le Hezbollah libanais a clairement été très touché par Israël […] Nous voyons que les groupes de milices en Irak [proches de Téhéran] sont actuellement moins actifs. Et donc la seule exception à tout cela, ce sont les Houthis. Vous les voyez très actifs. Les opinions divergent sur le degré de contrôle direct que l’Iran exerce sur les Houthis, mais nous pensons qu’ils continuent de les soutenir par de nombreuses voies différentes. »

Nasr al-Din Amer, le chef adjoint de l’Autorité des médias des Houthis a déclaré sur Shafaq News : « les forces armées yéménites sont prêtes à reprendre les opérations en réponse aux violations sionistes.» Il fait référence au blocage de l’aide humanitaire occasionné par Israël sur la bande de Gaza et exige quelle reprenne avant le 11 mars…

Selon un responsable du Pentagone : « il est trop tôt pour préciser l’ampleur de l’escalade, mais au minimum, Jaffa sera sous le feu. […] On ne sait pas si les Houthis reprendront également leurs attaques contre les navires. S’ils reprennent leurs attaques à distance contre Israël et le transport maritime, on ne sait pas combien de temps ce groupe militant pourra maintenir une telle opération, car sa capacité apparemment résiliente à construire les armes utilisées dans ces attaques reste quelque peu mystérieuse. »

(1) Voir : « Composants d’armements iraniens saisis par l’US Navy » du 19 janvier 2024.