Le 28 septembre, le Hezbollah a communiqué le message suivant : « Sayyed Hassan Nasrallah a rejoint ses compagnons martyrs […] dont il a conduit la marche pendant près de trente ans"» confirmant la mort de son leader annoncée la veille par Tsahal lors de son opération baptisée « Ordre nouveau ».
L’autorisation de tir a été donnée par le Premier-ministre Benyamin Netanyahou depuis New-York où il était en déplacement au siège de l’ONU.
De manière à l’atteindre dans les sous-sols de son PC situé sous des immeubles d’habitations, les Israéliens ont mis en œuvre des dizaines de bombes anti-bunkers dont des BLU-109B.
Selon l’agence officielle iranienne Irna, le brigadier général iranien Abbas Nilforoushan, l’un des adjoints du chef des Gardiens des la Révolution (pasdarans) et responsable du front syrien et libanais pour la force Al-Qods chargée des opérations extérieures a aussi été tué à ses côtés lors de la frappe de vendredi.
Selon le ministère libanais de la Santé, le nombre de personnes décédées en un an lors de bombardements israéliens au Liban s’élève à plus de 1.500 dont 700 dans la dernière semaine de septembre.
Ainsi, vendredi 27 septembre à partir de 15h30, l’armée israélienne a mené des frappes intenses dans le quartier de Haret Hreik dans la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah. Les bombardements se sont élargis ensuite à l’est et au sud du pays.
Le lendemain, Tsahal a indiqué avoir mené des attaques ciblées sur « 140 cibles du Hezbollah », centres de commandement et de transmissions, dépôts de munitions, rampes de lancement de missiles, etc.
Selon un communiqué militaire israélien, Ali Karaki présenté comme le commandant du front sud du Hezbollah, ainsi que d’autres commandants du mouvement ont été neutralisés lors des bombardements de vendredi.
L’armée a ensuite affirmé que la « plupart » des hauts dirigeants du Hezbollah avaient été « éliminés » lors de ses opérations israéliennes menées ces derniers mois.
Le chef d’état-major de Tsahal, le général Herzi Halevi a averti dans un communiqué : « le message est simple : quiconque menace les citoyens d’Israël, nous saurons comment l’atteindre ».
Et à ce titre, d’autres mouvements terroristes ont été touchés dont un appartement appartenant à la Jamaa Islamiya dans un appartement situé dans le quartier de Cola à Beyrouth intramuros. Quatre personnes auraient été tuées. La branche armée de ce groupe islamique proche des Frères musulmans, les Forces al-Fajr, ont lancé des missiles sur Israël tout en précisant que la Jamaa Islamiya n’est « pas alignée » sur le Hezbollah mais « à ses côtés en termes de résistance contre Israël ».
Le vieux mouvement révolutionnaire marxiste-léniniste né en 1967, Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), a précisé que trois de ses responsables ont trouvé la mort dans cette même frappe contre le dernier étage d’un bâtiment résidentiel du quartier Cola.
Enfin, le chef du Hamas pour le Liban aurait également été neutralisé…
Image du ministre de la Défense, Yoav Gallant, de Herzi Halevi et du chef de l’armée de l’air, Tomer Bar, réunis dans un centre de commandement lors de l’opération « Ordre nouveau ».
Un responsable israélien a indiqué qu’Israël se tenait prêt à une possible incursion terrestre, qui serait « aussi courte ». Mais il est évident que forts des expériences antérieures non couronnées de succès, Tsahal ne devrait intervenir que ponctuellement sur des objectifs que son aviation ou son artillerie ne parviennent pas à réduire.
Hassan Nasrallah
Hassan Nasrallah entre l’Ayatolllah Ali Khamenei et le défunt général Qassem Soleimani, l’ex-chef de la force Al-Qods des pasdarans.
Né en 1960 à Beyrouth dans une famille modeste de neuf enfants, après avoir suivi ses études dans un lycée public où les chiites sont mélangés avec les chrétiens, il part suivre un cursus ecclésiastique à Nadjaf en Irak. En 1978, il est obligé de rentrer au Liban car la répression du régime de Saddam Hussein sur les religieux se fait de plus en plus pressante.
Il rejoint alors le mouvement Amal, une organisation chiite politique et paramilitaire. Les années de guerre civile puis l’invasion israélienne du sud du Liban en 1978 l’amènent à se rapprocher de la révolution iranienne qui va amener les mollahs au pouvoir. Il étudie et enseigne ensuite à l’école du cheikh Abbas Moussaoui leader du mouvement Amal. Lors de l’invasion israélienne du Liban en 1982, Moussaoui et Nasrallah quittent Amal pour rejoindre la nouvelle organisation chiite libanaise, le Hezbollah, une « créature de Téhéran ».
La première opération internationaliste du Hezbollah a lieu le 23 octobre 1983 avec les attentats contre le QG Marines à Beyrouth ( 241 tués dont 220 Marines) et contre l’immeuble Drakkar (55 para de la 3ème Cie du Cne Jacquy Thomas et trois membres du 9ème RCP dont nombre d’entre-eux, appelés volontaires pour un service long ont été tués).
Selon les services de renseignement américains, le Hezbollah avait été chargé par Téhéran en guerre contre l’Irak de « punir » les Occidentaux pour leur soutien à Saddam Hussein. Ces actions ont été revendiquées par le « Mouvement de la révolution islamique libre », couverture du Hezbollah naissant.
Mais le Hezbollah a aussi agi pour son propre compte. Constatant que la France refusait d’entériner sa domination sur une partie du Liban, il s’est livré à plusieurs attentats et prises d’otages.
Ainsi, entre décembre 1985 et septembre 1986, des attentats qui lui sont imputés ont fait 14 tués et plus de 300 blessés en région parisienne ( Galeries Lafayette Haussmann, Printemps Haussmann, galerie marchande de l’hôtel Claridge, librairie Gibert Jeune, magasin Fnac Sport du Forum des Halles, TGV Paris Lyon, train 607, voiture 6, galerie Point Show avenue des Champs-Élysées, bureau de poste de l’hôtel de ville de Paris, cafétéria Casino aux Quatre Temps, centre commercial de La Défense, Pub Renault, 53 avenue des Champs-Élysées (engin explosif déplacé dans un sous-sol de la rue Marbeufoù il explose), magasin Tati rue de Rennes, service des permis de conduire de la préfecture de police).
Après la mort d’Abbas Moussaoui tué par un tir de missile israélien le 16 février 1992, Hassan Nasrallah, devient secrétaire général du parti avec le soutien total de l’Iran.
Il deviendra un « héro » après la guerre de 2006 lorsque le Hezbollah est parvenu à résister à l’offensive lancée sur le Sud-Liban par Tsahal. Son autre « fait de gloire » et l’aide que son mouvement apporte au régime syrien de Bachar el-Assad confronté au printemps arabe de 2011.
Enfin, le Hezbollah a ouvert un front contre Israël au début de la guerre à Gaza déclenchée suite au pogrom du 7 octobre 2023 mené par le Hamas (et d’autres mouvements de « résistance » palestinien), son allié.
Pour mémoire, si généralement les sunnites n’apprécient pas les chiites qu’ils considèrent comme des « apostats » (des traitres à l’islam) – les radicaux salafistes-jihadistes considérant qu’il faut les massacrer -, l’inverse n’est pas vrai. Les mollahs iraniens chiites ont bien compris tout d’intérêt qu’il y avait pour eux à soutenir des mouvements d’opposition à Israël même s’ils sont composés de sunnites pour tenter d’encercler l’État hébreu.
Enfin, moins connu, pour se financer le Hezbollah a développé un réseau international de trafic de drogues, en particulier en Amérique latine.
La justice argentine a déclaré que l’Iran était le commanditaire et le Hezbollah l’exécutant des attentats du 17 mars 1992 contre l’ambassade d’Israël à Buenos Aires (29 morts et 242 blessés) et cle 18 juillet 1994 contre un bâtiment abritant plusieurs associations juives, dont l’Association mutuelle israélite argentine (85 morts et 230 blessés).
Enfin, s’il y a bien eu des manifestations pro-Hezbollah en Iran, en Irak, au Yémen, ce n’est pas le cas dans les pays et les régions sunnites où l’écho semble être totalement inverse.
Et la suite ?
Le Hezbollah est temporairement décapité au plus haut niveau mais aussi aux échelons intermédiaires grâce à l’opération des bipeurs et des talkies-walkies (2). Selon les autorités israéliennes, il a toujours 90% de ses munitions sol-sol disponibles mais moins de 50% du personnel pour les servir, souvent « à l’aveugle » car ses services de renseignement ont également été durement impactés.
Ses unités présentes en Syrie pour soutenir le régime de Bachar el-Assad sont pour le moment quasi-intactes. Elles risquent toutefois de voir leur chaîne logistique amoindrie du fait de l’effondrement de la structure centrale du mouvement au Liban. Cela représente un risque pour leur capacité opérationnelle et pourrait provoquer une fragilisation du régime de Damas que Moscou a bien senti d’où sa condamnation de l’assassinant de Nasrallah. En effet, la Russie engluée en Ukraine et en Afrique n’a pas les capacités de renforcer le théâtre syrien actuellement…
Mais Moscou a un besoin vital des fournitures iraniennes pour se guerre en Ukraine.
Le sponsor iranien du Hezbollah semble de son côté fort démuni comme « sonné » par ce qui arrive à sa « créature » libanaise. Il ne bénéficie plus de son effet dissuasif représenté par une éventuelle frappe massive sur l’État hébreu par des milliers de roquettes, missiles et autres drones lancés depuis le Sud-Liban par son poulain.
Le régime iranien se sent désormais en première ligne et vulnérable à une réaction d’Israël (et des États-Unis) s’il se lance dans une opération de représailles disproportionnées.
Or, la situation du pouvoir des mollahs est actuellement fragilisée par de nombreux facteurs. Il convient toutefois de rester prudent dans d’éventuelles supputations. Les seules forces qui semblent aptes à prendre le relai des mollahs sont les Pasdarans.
Et au final :
Hachem Safieddine ou Hashim Safi Al Din, figure éminente Hezbollah étroitement lié à Téhéran serait le successeur de son cousin Hassan Nasrallah.
Il est l’un des membres les plus importants du Conseil de la Choura. Comme Nasrallah, il arbore le turban noir des Sayyed, les descendants du prophète Mahomet. Il a fait des études de religion en Iran. Son fils est marié à Zeinab, fille du puissant général iranien Qassem Soleimani liquidé par les Américains en 2020 en Irak.
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