La recréation du district militaire de Leningrad devrait être officialisée le 1er mars 2024. Selon Moscou, cette nième réorganisation est faite pour « parer aux menaces de la Finlande et de l'Estonie. » Parallèlement, le district militaire de Moscou - également recrée - prend à sa charge la direction de l’« opération spéciale » (l’invasion de l’Ukraine.)

Le général Valery Gerasimov, le chef d’état-major général des forces armées russes et premier vice-ministre de la défense avait déclaré en décembre : « sur la base de l’expérience acquise dans le cadre de l’opération militaire spéciale, les mesures nécessaires ont été prises pour améliorer la composition et la structure des forces armées et accroître les capacités des forces à vocation générale. Deux nouvelles unités territoriales stratégiques des forces armées – les districts militaires de Moscou et de Leningrad – sont en train d’être créés en réponse à l’expansion de l’OTAN. »

Cette idée n’est pas nouvelle puisque déjà en décembre 2022, le ministre russe de la Défense Sergeï Choigu avait publiquement annoncé son intention de créer deux nouveaux districts militaires lors d’une réunion du Ministère des armées en décembre 2022.

Le président russe Vladimir Poutine, à son tour, a déclaré le 17 décembre 2023 que la décision de la Finlande de rejoindre l’OTAN avait contraint Moscou à créer le district militaire de Leningrad. Il a ajouté : « il n’y avait aucun problème là-bas, mais il y en aura maintenant, car nous allons créer le district militaire de Leningrad et y concentrer un certain nombre d’unités. » Il a accusé les Occidentaux d’avoir « entraîné la Finlande dans l’Otan.»

Les relations entre les deux voisins, qui partagent une frontière longue de 1.340 kilomètres, se sont détériorées depuis l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022. Inquiète pour sa propre sécurité, la Finlande a rejoint l’Alliance en avril 2023.

Le président russe a néanmoins précisé que la Russie n’avait pas intérêt à se battre avec les pays de l’OTAN, que ce soit sur le plan géopolitique ou économique.

Cette nouvelle réforme entraîne la réorganisation de la flotte du Nord qui perd son statut de commandement stratégique unifié avec le transfert de certaines unités vers le district de Leningrad.

Ce dernier va  comprendre la 45ème armée de l’air et de la défense aérienne et le corps d’armée des forces côtières et terrestres de la flotte du Nord.

Avant la réforme amorcée en 2008, le ministère de la Défense comptait six districts : Moscou, Leningrad, Caucase du Nord, Volga-Oural, Sibérie et Extrême-Orient.

Au cours de la première étape de la réforme et de son « optimisation », il y en avait quatre : l’Ouest (ZVO) avec son quartier général à Saint-Pétersbourg, le Sud (district militaire du Sud) à Rostov-sur-le-Don, le Central (TsVO) à Ekaterinbourg et l’Est (VVO) à Khabarovsk.

En 2019, le cinquième district « Commandement stratégique unifié de la flotte du Nord » est apparu, son quartier général étant à Severomorsk (1).

Il est difficile de bien comprendre les réorganisations qui se succèdent à un rythme régulier dans la défense russe. Il semble que celle en cours est imposée par les pertes humaines et matérielles effroyables connues par le corps expéditionnaire envoyé en Ukraine depuis février 2022. Toutes les unités terrestres ont été impactées du fait des rotations de personnels qui permettent d’envoyer des troupes fraîches sur le théâtre de guerre.

Il est peu probable que la posture des forces basées en Russie soit offensive. Pour le moment, elles n’en n’ont plus les moyens matériels et humains devant concentrer tous leurs efforts à la guerre en Ukraine qui est loin d’être terminée.

En dehors des forces nucléaires et d’une partie de l’aviation qui n’ont pas été vraiment touchées par le conflit – en dehors des quelques bombardiers stratégiques et des avions de reconnaissance lointaines dont deux auraient été abattus récemment-, il faudra des années à Moscou pour reconstruire un outil militaire cohérent et vraiment opérationnel.

Cela dit, Moscou est persuadé qu’une fois le conflit ukrainien terminé (2015 ?), ses forces armées devront rester prêtes à une confrontation avec l’OTAN qui est maintenant à ses portes. En conséquence, l’objectif russe est de mettre sur pied un complexe militaro-industriel performant (qui, accessoirement devrait tirer un certain prestige de la guerre pour exporter ses armements.) Surtout, ses forces armées qui devraient compter à terme deux millions d’âmes sous les armes, sont désormais engagées à mener une guerre classique de haute intensité…

1. Voir : « MENACES SUR L’ARCTIQUE » du 22 février 2024.