Troisième et dernière partie de notre dossier consacré au renouvellement des matériels de l’armée de terre, alors que la DGA vient également de choisir (lire par ailleurs dans ce numéro l’article page 12) le fusil d’assaut HK416F comme AIF (arme d’infanterie future).
A court terme, l’armée de terre cherche à augmenter le standard des équipements en opex (voir dans le tableau ce qui est envoyé à Barkhane) : VAB Ultima puis Aravis, Cougar rénové et Caïman. Le constat du patron de la Section technique de l’armée de terre (STAT) est logique : il faut valoriser ce qui avait été acquis pour les urgences opérationnelles (UO) d’Afghanistan, et qui n’avait pas resservi depuis. Plutôt que de laisser dormir ces matériels dans des dépôts, il serait plus judicieux, désormais, d’arrêter d’entretenir des microparcs issus de l’adaptation réactive et des urgences ops, et de consommer les potentiels dès que ces matériels sont acquis. Car ces UO ont les défauts de leurs avantages : le contrat d’achat ne comporte pas ou peu de maintien en condition opérationnelle (MCO). Innovation provenant de la STAT, un catalogue numérique de ces matériels disponibles, issus des UO, existe désormais, et est accessible jusqu’aux chefs des bureaux opérations instruction (BOI) des régiments partant en opex. La visualisation de ce catalogue permet de stimuler leur réflexion ; ce qui ne veut pas dire pour autant que ces matériels seront déployés.
Le directeur de la STAT constate aussi qu’il faut profiter des synergies interarmées et interalliées pour éviter de faire trop d’essais de nature redondante, entre la DGA (essais) et les centres d’expérimentation des armées (STAT, CEAM, CEPA et CEPN). La STAT a ainsi mis au point un programme avec DGA Essais en vol (EV) pour réduire le temps d’essais qui sera nécessaire sur le Patroller par exemple. Et, sur l’AIF (arme d’infanterie future), elle s’est réparti le travail avec la division aérotactique (DAT) du Centre d’expertise aérienne militaire (CEAM) : à l’armée de terre, les tests de l’AIF en version longue (pour l’infanterie), et à la DAT, celle de la version courte (qui sera utilisée pour les unités d’appui). L’armée de l’air a également donné ses informations sur l’intégration d’un lance-grenade de 40 mm sur véhicule au commandement des forces spéciales Terre (CFST) qui souhaitait aussi le fair
Que reste-t-il de l’adaptation réactive et des UO afghanes ?
En Afghanistan, l’armée de terre envoyait tout ce qu’elle avait sous la main, y compris des matériels neufs livrés récemment. Et ce qui lui manquait, elle l’achetait. La problématique est différente au Sahel : seuls quelques matériels issus des UO afghanes ont pris le chemin de la bande sahélo-saharienne (BSS). Au début de Serval, on expliquait que l’urgence dictait ces décisions, mais on est désormais en 2016, soit trois ans après le début de cette opération… Globalement, bien des matériels pourraient être déployés au Sahel, comme les DROGEN (drones du génie), acquis pour soutenir les sapeurs, tout comme les Aravis qui ne sont engagés que maintenant.
Protéger
L’explosion qui a été fatale à trois tringlots, en avril, rappelle combien les mines et IED restent une des menaces principales au Sahel. Bien avant, la STAT avait motivé l’envoi en avril de six des 14 Aravis en parc pour les équipes EOD de Barkhane. Initialement, 15 véhicules avaient été commandés pour protéger les EOD de Pamir, en Afghanistan. Ils sont très blindés, si bien que l’habitabilité peut en souffrir, mais ils sont très manœuvrables, plus qu’un VAB, et disposent d’un TOP. Les six véhicules arment l’équipe EOD de chaque GTIA (ouest et est), ainsi que les équipes « munex ».
Autre parade, faire travailler le dispositif d’ouverture d’itinéraires piégés (DOIP) créé, au sein du 13e RG, pour l’Afghanistan. Problème : les étendues à travailler n’ont plus rien à voir avec les quelques hotspots assez bien identifiés sur les routes de Kapisa, sur seulement quelques dizaines de kilomètres. Ici, les centaines ont remplacé les dizaines, rendant ce travail bien plus complexe. Mais signe que l’armée de terre croit aux capacités de son génie, un module réduit du DOIP du 13e RG est prêt à partir pour le Mali, avec un Souvim 2, un VDM et au moins un Buffalo, qui disposerait de deux DROGEN. Ces « drones du génie » avaient été commandés pour les sapeurs d’Afghanistan, pays qu’ils n’ont jamais vu. On évoquait le Mali dès 2013, mais il aura fallu attendre plus de trois ans pour s’en rapprocher (ils ne sont toujours pas envoyés…) : dans le génie, on parle de problèmes de fonctionnement qui ont généré des pertes.
La STAT n’a pas baissé les bras pour autant, en identifiant un radar de pénétration de sol (GPR) monté sur des Husky, dans l’armée espagnole. Un voyage d’études a permis de saisir les performances de cet équipement qui voit à 4-5 m dans le sol, y compris des mines en plastique, comme les PRBM3 belges dont est truffé le Nord-Sahel.
130 dispositifs portables de sondages du sol VMR3 sont en cours de commande chez la société allemande Vallon, en urgence opérationnelle. C’est la déclinaison du Ground Penetrating Radar (GPR) que la France pourrait acquérir… ou se faire prêter. Le VMR3 est sorti dans une première version en 2005 : il concentre un détecteur de métaux et un GPR dans un équipement de 4 kg porté à la main, au bout d’un manche télescopique.
Reste à trouver des parades pour tous les autres militaires. Rappelons que les VAB Ultima, dont seulement 20 exemplaires auraient été déployés au Sahel (soit moins de 10 % du parc), disposent de protections antimines, par rapport au VAB standard. S’il apparaissait que les IED sont radiocommandés ou déclenchés par téléphone, la France pourrait ressortir les brouilleurs de l’Afghanistan, qui s’étaient avérés très efficaces. Quatre VAB Ultima Génie ont été déployés en avril, afin de pouvoir armer une section de génie combat. C’est leur première opex.
Face à une menace évanescente mais bien réelle, la STAT avait déjà amélioré la protection de force à Gao, en déployant des radars GA10 de Thales, acquis en UO pour l’Afghanistan. Ce système peut offrir jusqu’à 30 secondes de préavis, avec des gyrophares qui préviennent dans le secteur concerné par la trajectoire de la roquette. La STAT avait aussi, dès 2014, promu le déploiement du système Syprop, qui empruntait au Spectre, un programme développé à l’origine pour protéger une compagnie sur le terrain. Il avait été abandonné comme programme en 2009, mais avait poursuivi son bonhomme de chemin, comme Syprop, déployé au Liban, mais aussi au Mali (Gao) et en RCA (à Bangui). Ce système permet de renforcer la protection tout en réduisant l’emprunte humaine du système classique de sentinelles et de rondes. De cette expertise, la STAT a développé un système basique pour les… dépôts de munitions, qui fut déployé à Miramas en quelques heures (système prototype), avant d’être réutilisé à la STAT, à Satory.
Pour offrir une meilleure capacité d’autodéfense, le tourelleau téléopéré (TOP) Wasp (weapon under armor for self protection) de RTD (Panhard à l’origine) a aussi été déployé pour la première fois en avril au Sahel, sur quatre VB2L (donc au 2e RH) et sur deux VBL. Dans les deux cas, l’arme portée est une mitrailleuse 7,62 mm (le Wasp peut aussi porter du 5,56 mm). Ce déploiement est une vraie victoire, car la mise au point a été laborieuse, et les acquis du Wasp ont permis sans conteste à RTD de remporter, depuis, les marchés pour les TOP T1 et T2 du programme Scorpion, autrement plus complexe. Wasp avait été lancé comme un crash program, avec un minimum de risques, puisque la lunette infrarouge non refroidie, comme la caméra en couleurs CCD, était issue du Félin de l’infanterie. De jour, le capteur peut déceler un adversaire à 600 m, de nuit à 200 m. Le pointage en site oscille entre – 40° et + 80°. La masse totale équipée, avec arme et caisse de 200 cartouches, atteint les 60 kg.
180 armes ont été commandées.
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EMA
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