Devant la catastrophe humanitaire qui s’abat sur l’Afghanistan suite à la prise de pouvoir par les taliban à l’été 2021, un miracle « collatéral » vient de se produire. L’Inde qui entretient des relations exécrables avec son voisin pakistanais, aurait décidé de solliciter l’aide d’Islamabad dans le domaine humanitaire pour porter secours à Kaboul.
Les maux qui perdurent entre les deux pays sont multiples: contestation de tracés des frontières, de souveraineté de territoires, soutien de mouvements séparatistes – et terroristes -, conflits religieux et même risque de déclenchement d’une guerre qui pourrait atteindre très rapidement le seuil nucléaire, etc.
Même vis-à-vis de l’Afghanistan, les deux pays ne se sont jusque là jamais entendus, le Pakistan ayant soutenu les talibans dans le passé et New Delhi les pouvoirs « légitimes » en place. Islamabad considère l’Afghanistan comme son « espace stratégique » qui lui serait utile en cas d’une guerre avec son voisin indien. D’ailleurs, l’ambassade d’Inde a été la cible le 7 juillet 2008 puis le 8 octobre 2009 d’attentats à la bombe meurtriers (58 morts, 141 blessés et 17 morts, 63 blessés). Attribués aux taliban, les services de renseignement occidentaux ont toujours vu la main de la Direction pour le renseignement inter-services (Inter-Services Intelligence – ISI -) pakistanaise derrière ces deux opérations d’influence.
New Delhi (qui n’agit jamais sans l’accord au moins tacite de Washington et qui entretient les meilleures relations avec Moscou) a décidé d’engager une procédure diplomatique pour demander au Pakistan son autorisation (et son aide) pour faire transiter une aide humanitaire de 50.000 tonnes de blé, ce qui correspond au chargement de 5.000 camions dont 200 devraient emprunter des routes souvent enneigées dans les deux-trois prochains mois qui viennent. Islamabad aurait donné son accord mais les discussions portent désormais sur les modalités techniques. Le point d’entrée au Pakistan serait le célèbre poste frontière de Wagah pour ensuite rejoindre la Khyber pass.
Il est évident qu’un tel périple ayant lieu dans des régions troublées et difficiles d’accès (surtout à l’approche de l’Afghanistan) nécessite une aide massive des forces de sécurité et de la logistique pakistanaises. Ces convois vont attirer l’attention de tous les groupes criminels et terroristes qui écument la zone de la Khyber pass. Ensuite, ce sera aux taliban de prendre le relais sécuritaire et pour la distribution de la marchandise, vraisemblablement avec le concours de quelques ONG triées sur le volet.
C’est le principe politique qui est aussi important car ce premier accord – s’il se confirme – signifie qu’Islamabad accepterait désormais que New Delhi entretienne des relations normales avec Kaboul.
Si une importante aide humanitaire n’arrive pas en urgence en Afghanistan, le système bancaire va s’effondrer, l’économie basculer dans le chaos total et des millions de réfugiés vont tente de quitter le pays. Il est probable que les taliban ne contrôleront plus le pays et les groupes terroristes comme l’IS-K (la province de l’État Islamique du Khorasan) vont se développer sur la misère populaire. L’enjeu sécuritaire est donc mondial.
New Delhi et Islamabad semblent avoir pris la mesure de la catastrophe régionale qui s’annonce et aient décidé de coopérer, ce qui peut être considéré comme un « miracle » pour deux pays ennemis ancestraux.
Malgré ses déclarations anti-occidentales virulentes, le Premier ministre Imran Khan, montre depuis peu un certain pragmatisme. Cela lui a valu un demi-tour du président Joe Biden qui a fini par décider de l’inclure dans la liste des invités du sommet de la démocratie qui doit se tenir les 9 et 10 décembre.
Enfin, il est possible que même si le régime taleb n’a encore été reconnu officiellement par aucun pays, certains, en particulier ceux situés aux premières loges en cas d’exode migratoire, ne soient obligés de participer rapidement à l’effort humanitaire : l’Iran, la Chine, et les pays d’Asie centrale avec derrière eux la Russie. Le président Poutine a été reçu en Inde le 5 décembre par le Premier ministre indien, Narendra Modi. Les hommes ont abordé les sujets de l’énergie et de la défense mais il aurait également été question du problème afghan.
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