Le ministère turc de l’Intérieur a annoncé le 15 février l’arrestation de 718 personnes dont des responsables du parti pro-kurde HDP (Parti démocratique des peuples représenté à la Grande assemblée nationale turque mais ses deux dirigeants sont en prison depuis 2016 ainsi que 26.000 membres ou sympathisants). Ces arrestations font suite à l’assassinat de treize ressortissants turcs retenus en Irak du nord par les séparatistes kurdes du PKK depuis des années. La plupart seraient des membres des services de sécurité ou de renseignement.

Selon une déclaration faite le 14 février par le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar, des commandos turcs ont découvert treize corps (dont douze tués d’une balle dans la tête, le dernier à hauteur de l’épaule) dans une grotte située dans la région de Gara dans le nord de l’Irak où Ankara menait depuis le 10 février l’opération « serres de l’aigle II ». Il est possible que l’armée turque ait tenté une opération « rescue » pour libérer ces otages et que cette dernière ait mal tourné, les gardiens se sentant pris au piège ayant assassiné leurs prisonniers avant de s’enfuir. L’état-major turc affirme qu’une soixantaine d’activistes auraient été neutralisés lors de cette opération et qu’il y aurait eu au moins deux prisonniers. Par contre, trois militaires turcs auraient également été tués lors des combats. Le PKK a reconnu presque immédiatement le décès des prisonniers mais a déclaré qu’ils avaient été tués par les frappes aériennes turques qui avaient précédé l’assaut héliporté.

Les autorités turques qui ont récupéré les dépouilles savent certainement la vérité, une blessure par balle ne ressemblant pas à celles causées par des munitions air-sol. D’ailleurs, le Secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken a reconnu lors d’une conversation téléphonique qu’il a eu le 15 février avec son homologue turc, Mevlüt Cavusoglu, que « les terroristes du PKK » étaient responsables de la mort des 13 otages turcs.

La rafle qui a suivi dans une quarantaine de villes en Turquie est un procédé habituellement utilisé par les autorités turques pour neutraliser tous ceux qui représentent un danger politique pour elles, même si les personnes appréhendées n’ont rien à voir avec l’affaire en cours. Le communiqué a toutefois précisé qu' »un grand nombre d’armes, de documents et du matériel numérique appartenant à l’organisation (PKK) ont été saisis lors des perquisitions ».

Deux partisans de Fethullah Gülen arrêtés en Ouzbékistan

Parmi les personnes arrêtées par les autorités turques figurent de nombreux partisans présumés du prédicateur Fethullah Gülen accusé par Ankara d’être le cerveau du putsch manqué du 15 juillet 2016 (ce qui n’a pas de rapport direct avec le PKK mais comme cela a été précisé plus avant, Ankara ne fait pas dans le détail). Par contre, selon l’agence de presse officielle Anadolu, deux membres de la confrérie Gülen, Urbuz Sevilay et Tamer Avci, ont été « appréhendés » en Ouzbékistan et transférés en Turquie lors d’une opération menée par les services secrets turcs (MIT).

Outre ses liens avec les réseaux du prédicateur Gülen, Urbuz Sevilay est accusé par Ankara d’avoir participé « à la fourniture d’armes » à des miliciens affiliés aux rebelles kurdes du PKK en Syrie (en fait aux Forces démocratiques syriennes -FDS- soutenues par les Américains dans sa lutte contre Daech ; cette entité majoritairement kurde est assimilé par la Turquie au PKK).

Ce n’est pas la première fois que le MIT montre son savoir-faire dans les enlèvements à l’étranger, le plus célèbre ayant été celui d’Abdullah Öcalan (le leader du PKK) au Kenya le 15 février 2019 après une longue traque menée en coopération avec le Mossad et la CIA. Cela dit, les relations entre Ankara et Tachkent étant excellentes, il est vraisemblable que le Service national de la sécurité ouzbek (MXX) ait pudiquement détourné son regard voire même, ait coopéré avec son homologue turc.

Publié le

Texte

Alain Rodier

Photos

DR