Ce numéro est consacré à l’attentat perpétré pendant la fête juive de Yom Kippour le 2 octobre devant la synagogue de Higher Crumpsall dans la banlieue de Manchester au Royaume-Uni qui a fait deux morts et plusieurs blessés.
L’assaillant, Jihad al-Chamie, un citoyen de 35 ans né en Syrie naturalisé britannique naturalisé a été neutralisé par la police. Malheureusement cette dernière a aussi tué par erreur un participant à la fête. L’auteur avait appelé les forces de l’ordre pendant son action affirmant son « allégeance au groupe État Islamique. Son objectif était de surtout faire parler de lui.
Ce fait met en exégèse la volonté d’Al-Qaïda de « récupérer » toutes les actions terroristes commises par des individus isolés même si ces derniers se réclament de l’organisation concurrente Daech qu’ils jugent beaucoup plus porteuse, particulièrement au sein de la jeunesse. En effet, les activistes d’Al-Qaïda sont un peu assimilés par les nouvelles générations comme des « anciens combattants ringards » qui, en dehors du 11 septembre 2001, non pas réussi à établir quelque-chose de tangible. Même si cela fut court dans le temps (2014-2017), Daech est parvenu lui à créer un « califat » situé à cheval sur les territoires syrien et irakien. À ce moment là, cette organisation a attiré de nombreux volontaires étrangers – et en particulier européens – attiré par l’idéologie qu’ils considéraient comme « révolutionnaire. » Surtout, cela donnait un sens à leur vie qu’ils considéraient comme perdue.
L’opposition des deux mouvements salafistes-jihadistes
Pour mémoire, cet antagonisme date de la création même de Daech à partir de la branche irakienne d’Al-Qaïda qui s’appelait alors le Tawhid wal Djihad (Unicité et Jjihad) puis l’« État Islamique en Irak » (EII) avant de devenir l’État Islamique en Irak et au Levant (EIIL).
Le Docteur Ayman al Zawahiri – alors numéro deux d’Al-Qaïda – avait rejeté la figure historique du jihad en Irak, le Jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui (neutralisé par les Américains en 2006) jugé trop extrémiste avec les populations chiites qu’il considérait comme des « apostats » qui devaient être éliminés.
Al-Zarqaoui était devenu ensuite le modèle pour son successeur Abou Bakr al-Baghdadi (à partir de 2010 à la mort d’Abou Omar al-Bagdhadi qui a succédé à Zarqaoui en 2006) puis autoproclamé premier calife de Daech en 2014.
La rupture définitive est due à la non-reconnaissance par Al-Qaïda des six « califes » de Daech qui se sont succédé comme chefs religieux des musulmans.
En effet, le chef religieux Al-Qaïda n’a jamais été Oussama Ben Laden ou Ayman al-Zawahiri (peut-être remplacé après sa neutralisation par un drone US en 2022 à Kaboul par Saïf al-Adel) mais le chef des talibans qualifié de « commandeur des croyants » dont le premier fut le mollah Omar (1994-2015)(2).
Et qu’en est-il du nouveau président syrien issu de Daech et d’Al-Qaïda ?
Pour lutter contre l’invasion de l’Irak par la coalition internationale emmenée par les Américains, Ahmed al-Charaa alors connu par son nom de guerre d’Abou Mohammed al-Joulani avait rejoint l’EII en 2003 – qui dépendait à l’époque d’Al-Qaïda -. Après avoir passé plusieurs années comme prisonnier des Américains, il avait rejoint la Syrie pour y mener le jihad contre le régime de Bachar el-Assad pour le compte de Daech. En 2014, il avait rompu avec l’EIIL pour faire de nouveau allégeance à Al-Qaïda, mouvement qu’il fini par quitter en 2016 pour fonder le Hayat Tahrir al-Cham (HTS) qui sera le principal responsable de la chute du régime syrien fin 2024.
Pour ceux qui s’offusquent qu’un ancien « terroriste » devienne un chef d’État, il convient de rappeler que nombre de dirigeants (dont le général de Gaulle et des Israéliens) ont été considérés comme « terroristes » au cours de leur carrière.
Contenu de l’« Inspire Guide » numéro 11
Le magazine décrit l’attaque comme une « réponse au soutien britannique à Israël », offrant un long récit de l’auteur de l’opération, Jihad al-Chami.
Ce numéro comprend une analyse de ce qu’il appelle les « dimensions politiques et sociales » de l’événement, critiquant la position britannique sur le conflit à Gaza et accusant le gouvernement et les médias occidentaux d’« ignorer les souffrances des Palestiniens.»
Nota : la cause palestinienne a été ignorée par les salafistes-jihadistes pendants de très nombreuses années – et d’ailleurs, le groupe État Islamique (Daech) ne s’implique pas directement dans l’affaire, son passif avec les Palestiniens étant lourd(3) -. Sur le plan idéologique, l’EI estime que les mouvements palestiniens, dont le Hamas, sont des « nationalistes » alors que la doctrine salafiste-jihadiste impose de ne pas reconnaître les « États » car l’objectif final est la création du « califat mondial » respectant la charia.
Al-Qaïda qui a été rétive à la cause palestinienne durant des années a fini par comprendre qu’elle était « porteuse » en raison du retentissement qu’elle avait en Occident, surtout depuis le déclenchement de la guerre à Gaza.
Dans ce dernier magazine, AQPA encourage ses partisans et militants occidentaux à mener des attaques similaires à celle de Manchester arguant que les activistes agissent « pour la défense des musulmans ». Depuis longtemps, la ligne éditoriale du magazine consiste à promouvoir ce qu’il appelle le « jihad individuel » ou les « loups solitaires » au sein des pays occidentaux.
Le magazine consacre une part importante de ses éditoriaux à ce qu’il appelle « l’analyse et le développement de l’attaque », conformément à sa stratégie de propagande et opérationnelle qui vise à exploiter les événements mondiaux pour justifier la violence et étendre son influence.
Ce numéro suit la même ligne éditoriale que le précédent, qui était centré sur l’attaque perpétrée par Mohammed Sabri Suleiman dans l’État du Colorado, aux États-Unis, en juin 2025, reflétant une tendance croissante dans le discours du groupe à justifier la violence individuelle en Occident et à la lier à la cause palestinienne dans le cadre d’une stratégie médiatique visant à stimuler l’empathie et à attirer de nouveaux sympathisants.
Le 1er juin 2025 à Boulder dans le Colorado (États-Unis), Mohamed Sabry Soliman, un Égyptien a utilisé un lance-flamme de fortune et des cocktails Molotov pour attaquer un groupe participant à une marche de solidarité pour les otages israéliens retenus depuis les attentats du 7 octobre 2023. L’attaque a fait au moins sept blessés, dont le suspect. Une femme de 82 ans est décédée 24 jours plus tard des suites de blessures. Soliman a crié plusieurs slogans politiques pendant l’attaque, et a déclaré selon la police qu’il visait le groupe parce qu’il croyait qu’ils étaient sionistes.
Le risque d’attentats terroristes est à son plus haut niveau en France dix ans après les évènements tragiques qui ont endeuillé l’année 2015. Pour mémoire, Al-Qaïda était derrière l’attentat contre Charlie Hebdo en janvier et le groupe État Islamique (Daech) derrière les tueries du 13 novembre. Si le scenario d’un commando infiltré de l’extérieur et peu crédible – mais pas impossible – , le passage à l’acte d’activistes endogènes difficilement détectables est la grande crainte des autorités.
En dix ans, l’Occident en général et la France en particulier ne sont pas parvenus à faire obstacle aux idées mortifères prônées par l’islam radical que constitue le salafisme-jihadisme car ils sont incapables de trouver une idéologie qui motive la jeunesse déshéritée qui est de plus en plus nombreuse en vieille Europe. Cette dernière est séduite par ce discours politico-religieux qui reste le seul qui soit considéré comme vraiment révolutionnaire(4) alors que le marxisme-léninisme est mort depuis le début des années 2000.
(1) Voir : « AQPA récupère la cause palestinienne à son profit. » du 12 juin 2025.
(2) Le décès par maladie de ce dernier vraisemblablement survenu en 2013 avait été gardé secret pendant deux ans.
(3) Des groupuscules se revendiquant de Daech se sont bien installés dans la Bande de Gaza. Mais ils ont été pourchassés par le Hamas qui craignait de perdre sa suprématie. Ansar Baït al-Maqdis, la branche d’Al-Qaïda sur zone est devenue en 2015 la Province Sinaï de l’État Islamique en 2025.
(4) Et pourtant, il prône un retour à l’islam des origines dont la charia est la colonne vertébrale : mort aux apostats (les chiites), soumission des juifs et des chrétiens, statut des femmes ultra codifié, quand aux LBGT : « précipités du haut des collines » les survivants étant lapidés, etc.