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Le gouverneur la ville, Cláudio Castro, un allié politique de l’ancien président Jair Bolsonaro, a déclaré : « cette opération a commencé en application de décisions de justice et une enquête qui a duré plus d’un an. Elle a été préparée pendant plus de 60 jours […] Une opération d’État contre les narcoterroristes… »
 
 
			Le groupe Comando Vermelho (CV) est né dans une prison de Rio de Janeiro à la fin des années 1970 en tant que groupe d’autoprotection de détenus de droit commun et d’extrême-gauche arrêtés lors de la dictature militaire (1964-1985). Son nom d’origine était : « Falange Vermelha » (Phalange rouge).
 
 
			Il a abandonné progressivement son côté politique (mais ce passé lui permet encore de bénéficier d’une certaine « sympathie » chez quelques intellectuels et activistes) pour verser totalement dans des activités criminelles : trafics de drogues, d’armes, racket, enlèvements contre rançons, etc. Très décentralisé, il est devenu une des plus importantes organisations criminelles latino-américaine nouant des relations avec d’autres cartels, mais il a toujours maintenu une base de pouvoir dans les favelas de Rio de Janeiro. C’est dans le terreau fertile de la jeunesse miséreuse qu’il recrute ses nouveaux membres attirés par l’argent facile et abondant mais aussi séduits par l’« action sociale » développée par le CV dans les favelas qui pallie les incuries de l’État.
Rafael Soares, un journaliste criminologue brésilien, a déclaré à la BBC que ces dernières années, le Comando Vermelho s’était montré très offensif à Rio de Janeiro se réappropriant des territoires qu’il avait perdu face à son principal rival né dans les années 1990 dans les prisons, le Primeiro Comando da Capital (PCC), Premier Commandement de la Capitale (qui, comme son nom l’indique, a son PC à São Paulo)(1).
 
 
			Plusieurs dirigeants de l’organisation criminelle ont été arrêtés. Le gouverneur a également indiqué que plus d’une centaine d’armes longues avaient été saisies au cours de l’opération ainsi que plus d’une tonne de drogue.
 
 
			Selon le gouverneur, les affrontements entre la police et les trafiquants se sont produits principalement dans des zones à forte densité de population où des criminels ont tenté de bloquer des rues comme l’Avenida Brasil.
Les criminels ont particulièrement utilisé des drones pour cibler les policiers et les militaires.
Toutes les forces de sécurité de Rio de Janeiro sont désormais en alerte pour contrer d’éventuelles représailles.
Le gouverneur Castro a souligné que l’utilisation « de la technologie, de la stratégie et du renseignement » avait été fondamentale pour le succès de l’opération, mais il a critiqué le manque de soutien du gouvernement fédéral.
« Notre police est seule (…) malheureusement, une fois de plus, nous n’avons aucune aide ni des forces blindées, ni fédérales, de sécurité ou de défense. C’est Rio de Janeiro complètement seul. »
Interrogations et critiques de l’opération lancée par le gouverneur Castro
Il semble que les autorités fédérales et même le président Luiz Inacio Lula da Silva n’avaient pas été informés en amont du déclenchement de cette opération.
Le juge de la Cour suprême Alexandre de Moraes a ordonné au gouverneur Castro de fournir de plus amples informations sur l’opération lors d’une réunion programmée avec les chefs de la police militaire et civile lundi 3 novembre à Rio.
Le ministre brésilien de la Justice, Ricardo Lewandowski, il a même a été « étonné » que le gouvernement fédéral n’ait pas été informé ou qu’aucune demande de coopération préalable n’ait été déposée.
Lors d’une visite dans l’État de Ceara, il a qualifié le raid de « très sanglant » et a présenté ses condoléances aux familles de ces « innocents » tués. Il a déclaré que le président Lula était «horrifié» par l’ampleur des décès.
La violence est un enjeu clé avant les élections nationales prévues l’année prochaine. Selon des sondages locaux, près de 50% des Brésiliens pensent que la sécurité s’est détériorée sous la présidence de Lula.
Il a bien tenté de rattraper le coup en déclarant sur les réseaux sociaux que le crime organisé au Brésil « continue de détruire les familles, d’opprimer les résidents et de propager la drogue et la violence dans les villes. »
La veille, les députés de l’opposition l’avaient accusé de protéger les groupes criminels. Notamment, le député du Parti social libéral (PSL) et ancien officier de police fédéral Gilvan Aguiar Costa alias Gilvan da Federal réputé pour ses prises de positions violentes a déclaré devant le congrès : « Le président des trafiquants doit être contrarié. Il a perdu des électeurs à Rio » en référence aux membres de gangs tués dans l’opération de Rio de Janeiro.
L’opération a aussi été critiquée par les organisations de la société civile.
Selon le Two Novos Ilegalisms Studies Group de l’Université fédérale Fluminense, cette dernière opération est la plus meurtrière jamais enregistrée dans la région métropolitaine de Rio de Janeiro depuis 1990. Ce groupe de recherche souligne que les trois opérations policières les plus meurtrières enregistrées se sont produites sous l’administration du gouverneur Castro,  les deux autres s’étant produites en mai 2021 (27 civils et un policier tués) et en mai 2022 (23 personnes tués.)
Pour le groupe d’enquête, cette politique de sécurité axée sur les opérations de police dans les favelas, en plus de provoquer de nombreuses pertes en vies humaines « s’est révélée inefficace dans le contrôle de la criminalité, incapable de réduire les actes criminels et de contenir l’avancée du contrôle territorial armé. »
Pour Isabelle Damasceno, de l’ONG Movimentos, il n’est pas possible de considérer que l’action de la police a été couronnée de succès : « Les opérations policières violentes à Rio de Janeiro ne sont pas une nouveauté pour nous qui vivons en périphérie. Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons pas cautionner une opération qui a tué plus de 60 personnes. »
La brutalité du raid de cette semaine a même suscité des critiques de la part de Marta Hurtado, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme : « Nous comprenons parfaitement les défis liés à la nécessité de faire face à des groupes violents et bien organisés tels que le Commandement rouge » mais elle a appelé le Brésil à « briser ce cycle d’extrême brutalité et à veiller à ce que les opérations d’application de la loi soient conformes aux normes internationales concernant l’usage de la force. »
Cesar Munoz, directeur de Human Rights Watch au Brésil, a qualifié ces décès de « tragédie ». Il a ajouté que « la succession d’opérations meurtrières qui n’entraînent pas une plus grande sécurité pour la population mais qui en fait causent l’insécurité révèle l’échec des politiques de Rio de Janeiro.».
Mercredi, des habitants de Penha se sont rassemblés à côté de dizaines de corps disposés sur une place, criant « justice ! » avant que les autorités médico-légales arrivent pour récupérer les dépouilles.
 
 
			La violence est endémique au Brésil comme dans bien d’autres pays d’Amérique latine. Les autorités alternent les politiques répressives et des périodes de « négociations » avec les gangs. Mais depuis des décennies, rien n’y fait pour deux raisons :
. la puissance financière des organisations criminelles grâce aux bénéfices juteux des activités auxquelles elles se livrent : trafic de drogues, d’armes, de carburant, d’être humains, racket, etc. , qui leur permet parfois d’avoir plus de moyens que l’État et surtout, de pouvoir corrompre du haut au bas de l’échelle sociale et même au sein des forces de sécurité…
. la pauvreté d’une grande partie des populations qui, de plus, sont de plus en plus jeunes ; une partie d’entre eux se laisse aisément séduire par les sicarios. 
Face à cette situation insoluble, les unités chargées du maintien de l’ordre, particulièrement à Rio de Janeiro, ne font pas dans la dentelle à l’image des célèbres BOPE ; le « Batalhão de Operações Policiais Especiais », Bataillon des opérations spéciales de police.)
 
 
			(1) Voir : « Brésil : le Commando Vermelho (CV) à l’assaut des milices » du 26 septembre 2024.
 
  
 
				 
				 
				 
				 
				 
				