Dans les deux prochains mois, les responsables militaires américains « évalueront la nécessité de procéder à des réductions supplémentaires », a rapporté le Times. L’un de ces responsables a précisé : « les chefs militaires ont recommandé le maintien [à terme] d’au moins 500 soldats américains en Syrie.»

Dans un premier temps, les troupes américaines devraient se retirer des régions à majorité arabe de Deir ez-Zor et de Raqqa, marquant ainsi une évolution significative de la présence militaire de Washington dans le nord-est de la Syrie.
Cependant, les États-Unis souhaitent conserver le contrôle opérationnel de l’aéroport Abou Hajar de Rumailan (dans la province d’Hassaké à l’extrême nord-est du pays) pendant au moins un an de plus préservant ainsi un point d’ancrage stratégique dans la région à mesure que les effectifs diminuent. Ce discret aérodrome avait été modifié de manière à pouvoir accueillir les gros porteurs américains et des hélicoptères. Il servait essentiellement de base logistique.

Bien qu’il soit stipulé que le contrôle de Deir ez-Zor et du sud de Raqqa sera à terme transféré au gouvernement syrien de Damas, aucun plan opérationnel pour cette passation de pouvoirs n’est pour le moment en place.
Afin de préserver leur influence et de gérer la dynamique post-retrait, les États-Unis prévoient d’établir une base de coordination conjointe près du barrage et du réservoir de Tichrine. Ce site est situé à la croisée des chemins entre les Forces démocratiques syriennes (FDS) composées majoritairement de militants kurdes du YPG (branche armée du PYD qui gouverne le Rojava mais qui est assimilée par Ankara au PKK), la nouvelle armée syrienne issue du Hayat Tahrir al-Sham (HTS) d’Ahmed al-Charaa qui a fait tomber le régime de Bachar el-Assad et l’Armée Nationale Syrienne (ANS), force paramilitaire au service de la Turquie. Les rapports entre ces trois entités sont pour le moment pour le moins très ambigus.

Les forces d’opposition syriennes qui combattaient le régime de Bashar el-Assad entraînées à la base américaine de Tanf et des éléments de l’armée syrienne libre (des groupes formés par les Américains) devraient être déployées aux environs de Tichrine.
Ces unités devraient servir de force de coordination entre les États-Unis, la Turquie et le gouvernement syrien. En réalité dans un premier temps, elles serviront de sorte de force d’interposition soutenue par Washington. La suite reste floue le nouveau pouvoir en place à Damas souhaitant absorber toutes les forces existantes (ce qu’il vient de réaliser dans le sud du pays avec des unités druzes de Deraa.)
Suite au retrait américain, la nouvelle armée syrienne devrait prendre position le long de la frontière entre la Turquie et la Syrie. Mais quid des FDS ?

Il n’empêche qu’en même temps que cette nouvelle du retrait américain sortait dans la presse, l’Observatoire syrien (SOHR) des droits de l’homme signalait un convoi de 70 camions transportant du matériel militaire et des fournitures logistiques entrant en Syrie le 19 avril depuis la région autonome du Kurdistan irakien par le poste frontière d’Al-Waleed. Les camions ont ensuite rejoint la province septentrionale d’Hassaké près du camp de Kharab al-Jeir.

Selon le SOHR, le convoi était chargé de véhicules blindés, d’artillerie à longue portée, de systèmes radar et d’autres armes. À des fins de sécurité, deux hélicoptères militaires ont escorté le convoi. Il est probable que ces matériels sont destinés aux FDS.
Point de vue officiel américain

Le porte-parole du Pentagone, le vétéran Sean Parnell, a publié un communiqué le 18 avril 2025 expliquant : « aujourd’hui, le secrétaire à la Défense a ordonné la consolidation des forces américaines en Syrie… pour sélectionner des emplacements »…
Il a néanmoins précisé que malgré la réduction drastique de la présence américaine en Syrie, cela n’affecterait en rien la capacité du Pentagone à frapper le groupe État Islamique (Daech) si nécessaire : « la menace terroriste ne se limite pas au Moyen-Orient, et nous resterons vigilants sur tous les continents pour nous assurer que l’EI n’ait nulle part où se cacher […] Nous sommes déterminés à garantir la capacité de nos partenaires à affaiblir davantage l’EI et les autres terroristes dans la région […] Le ministère de la Défense (DoD) continue de maintenir des capacités importantes dans la région et la possibilité d’ajuster dynamiquement sa posture de force en fonction de l’évolution de la situation sécuritaire sur le terrain. »
Pour mémoire, des dizaines de milliers de combattants étrangers de l’EI sont détenus dans des prisons et des camps d’internement gérées par des Kurdes dans le nord-est de la Syrie. Parnell fait une déclaration choc sur ce sujet : « un axe essentiel pour affaiblir l’EI consiste à réduire le nombre de personnes déplacées et détenues liées à l’EI dans les camps et les centres de détention du nord-est de la Syrie […] Nous appelons la communauté internationale à rapatrier ses ressortissants.»
Plus globalement, Donald Trump a toujours exprimé son profond scepticisme quant au maintien de troupes américaines en Syrie. Lors de son premier mandat, il avait appelé à un retrait rapide et complet en 2019 mais cette mesure n’avait jamais été mise en œuvre son mandat prenant fin en 2020.
Va-t-il suivre les conseils de ses chefs militaires ou va-t-il décider de se retirer complètement de Syrie. L’homme est imprévisible…
Alors que les islamiques du HTS ont été à la base de l’offensive éclair de décembre 2024 qui a renversé le régime Assad, Trump a écrit que Washington devrait « ne pas avoir oublié […] La Syrie est un gâchis, mais ce n’est pas notre amie, les États-Unis ne devraient pas le faire. Ce n’est pas notre chance.»
Les Russes eux restent
Il semble que les négociations entreprises par Moscou avec le nouveau pouvoir en place a Damas aient abouti. Ils auraient obtenu l’autorisation de rester à Tartous et à Hmeimim en échange de pétrole amené par bateau.
