La purge au sein des services US: le patron de la NSA et son adjointe virés

Le directeur de L’agence américaine de renseignement NSA, le général d’armée Timothy Haugh, a été limogé le 3 avril en même temps que son adjointe Wendy Noble.
Le général Haugh, qui était également à la tête des opérations de cyberdéfense du Pentagone (Cyber Command), avait pris ses fonctions de directeur de la NSA il y a un peu plus d’un an seulement.
Le sénateur démocrate de l’État de Virginie, Mark Warner, s’est interrogé sur X : « à un moment où les États-Unis font face à des cybermenaces sans précédent (…), en quoi le fait de le licencier met-il les Américains plus en sécurité? »
Le député démocrate Jim Himes a complété : « le général Haugh est un leader honnête et franc qui respectait la loi et mettait la sécurité nationale au-dessus de tout. Je crains que ce soient précisément ces qualités qui aient pu conduire à son licenciement sous cette administration.»
Selon le New York Times, c’est l’influenceuse Laura Loomer qui aurait demandé leur limogeage au président Donald Trump lors d’une réunion ayant eu lieu la veille dans le bureau ovale. Elle a précisé après coup sur X : « le directeur de la NSA Tim Haugh et sa directrice adjointe Wendy Noble ont fait preuve de déloyauté envers le président Trump. C’est la raison pour laquelle ils ont été renvoyés. »
Ce qui leur était reproché était d’avoir été nommés par l’administration de Joe Biden.
Il est vrai que cette habitude surnommée le « système de favoritisme » (spoils system) est un principe selon lequel un nouveau gouvernement doit pouvoir compter sur la loyauté de ses fonctionnaires remplace ceux qui sont en place par ses fidèles. Cette méthode date de la présidence d’AndrewJackson (1829–1837) qui a remplacé la quasi-totalité des membres l’administration fédérale. Ses successeurs ont fait de même.

La nouvelle directrice du renseignement nationale Tulsi Gabbard a été confrontée à une opposition non négligeable, le Sénat l’ayant confirmé à ce poste le 12 février 2025 avec 52 votes « pour » et 48 « contre ».
Elle fait désormais partie d’un groupe de très hauts responsables de l’administration Trump (John Lee Ratcliffe, directeur de la CIA ; Mike Waltz, conseiller à la sécurité nationale ; Pete Hegseth, secrétaire à la Défense ; J.D Vance, vice-président ; Susie Wiles, chef de cabinet ; Stephen Miller, présenté comme le tête pensante de l’équipe du président Trump) directement impliqué dans le scandale de la conversation via l’application Signal à laquelle un journaliste a participé par erreur en mars 2025 . Selon ce dernier, des plans militaires sensibles concernant des frappes contre les rebelles Houthis auraient été évoqués.
Et le ménage n’a pas lieu qu’à la NSA. La CIA a indiqué le 2 avril s’inscrire pleinement dans la lignée des coupes claires exigées par Donald Trump dans l’administration fédérale en ayant engagé un plan de départs volontaires touchant tous ses effectifs (source : Wall Street Journal.)
Son directeur John Ratcliffe a précisé via un porte-parole qu’il « agit rapidement pour s’assurer que les effectifs soient en ligne avec les priorités de sécurité nationale du gouvernement […] Ces décisions s’inscrivent dans une stratégie d’ensemble visant à insuffler une énergie nouvelle au sein de l’agence et permettre à de nouveaux dirigeants d’émerger…».
Mais pour le moment, le recrutement des candidats ayant déjà reçu une offre d’emploi est suspendu.
Pour mémoire ‚ le 28 janvier dernier, les employés fédéraux de plusieurs agences ont reçu un courriel de l’Office of Personnel Management (OPM) leur proposant de leur verser l’intégralité de leur salaire et de leurs avantages jusqu’à la fin du mois de septembre s’ils démissionnaient avant le 6 février.
Le 2 avril, environ 20.000 employés fédéraux (sur les 2,3 millions travaillant pour le gouvernement fédéral) auraient accepté l’offre selon le site Axios.
En dehors de ces mesures de remplacement de fonctionnaires fédéraux, la nouvelle administration tente d’influer sur l’esprit de ses futurs serviteurs. Ainsi, le porte-parole du Pentagone, Sean Parnell a déclaré: « toutes les académies militaires sont pleinement engagées à exécuter et à mettre en œuvre les décrets du président Trump. » Dans un premier temps, les bibliothèques de ces écoles doivent être nettoyées des ouvrages jugés non conformes avec l’idéologie du pouvoir.
Diminution des mesures d’influence extérieures actives


Trump s’est aussi attaqué à un outil d’influence extérieur historique des États-Unis. À savoir que depuis le début de la guerre froide, les États-Unis ont utilisé des médias radiophoniques puis télévisuels en tant qu’organes d’influence pour défaire les régimes communistes.
Ainsi, Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL) et Voice of America (VOA), médias emblématiques financés via l’US Agency for Global Media (USGAM – l’agence fédérale qui supervise les médias publics américains à l’étranger –) traversent une crise sans précédent après la décision de l’administration Trump de supprimer ses subventions.
En février 2025, le ministère de l’« Efficacité gouvernementale » (DOGE) a proposé que la fermeture de RFE/RL et VOA soit envisagée comme une mesure d’économie. Cette dernière proposition fait suite à des suggestions antérieures d’autres responsables gouvernementaux visant à fermer l’USGAM qui est estimée par la nouvelle administration comme une des « structures bureaucratiques superflues. »
Le 14 mars, Trump a finalement signé le décret visant à éliminer l’USAGM (entre autres agences) « dans la mesure maximale compatible avec la loi applicable.»
Du jour au lendemain, RFE/RL et VOA se sont retrouvées privées de centaines de millions de dollars, plongeant les milliers d’employés dans l’incertitude.
Les réductions d’effectifs ont déjà commencé mais les économies réalisées ne suffiront pas à compenser longtemps les manques à gagner.
Fondées au début des années 1950 pour contrer la propagande soviétique, RFE/RL et VOA ont joué un rôle clé dans la chute des régimes communistes en Europe.
Aujourd’hui, ces radios (et télévisions) diffusent au moins en une trentaine de langues vers 23 pays d’Europe de l’Est, d’Asie centrale, du Caucase et du Moyen-Orient touchant près de 50 millions d’auditeurs pour RFE/RL et 250 millions pour VOA.
Après avoir asséché les financements, Washington a coupé sans préavis les services satellitaires essentiels à certaines diffusions, notamment vers la Russie.
Ces organisme de « presse » ont été à l’origine financés par la CIA puis repris à partir du milieu des années 1970 par un organisme appelé le « Board International for International Broadcasting (BIB) » chargé de recevoir les crédits du Congrès, de les reverser aux directions des radios et de superviser l’affectation des fonds. RFE/RL a été unifié en 1976.
Les financements de RFE/RL et de VOA ont augmenté sous l’administration Reagan et ont joué un grand rôle dans la « guerre des étoiles » qui a conduit à l’effondrement de l’URSS.
Lors de la glasnost de Mikhaïl Gorbatchev, RFE/RL et VOA ont largement bénéficié de la nouvelle ouverture de l’Union soviétique, le brouillage des émissions prenant fin.
Mais c’est en réponse à la désignation en 2017 de « Russia Today » comme « agent étranger » aux États-Unis que la réciproque a été demandée par Moscou à RFE/RL et à VOA.
Même si l’efficacité réelle de ces organismes est difficilement quantifiable, leur disparition à terme enlève un moyen d’influence important aux services américains.

Il semble bien que la ligne offensive néoconservatrice adoptée depuis des années par l’establishment américain est en train de prendre fin en dehors d’objectifs plus restreints mais plus ciblés. À titre d’exemple, les renforcements constatés à Diego Garcia et au Proche-Orient(1) ciblent actuellement les Houthis yéménites – vraisemblablement comme un dernier avertissement adressé à Téhéran dont le régime est vraiment considéré comme « ennemi » par la Donald Trump -. Il n’est pas certain que le nouveau président considère Pékin comme un régime « ennemi » comme son prédécesseur mais certainement comme un « concurrent » économique ; son passé d’hommes d’affaire joue certainement dans sa conduite de chef d’État.