Felix Minor alias Micanò et Wa Mikana, chef du gang « Wharf Jérémie » aurait ordonné le massacre de plus d’une centaine de personnes âgées à Port-au-Prince à Haïti. Il aurait été informé par un prêtre vaudou que ces personnes « pratiquaient la sorcellerie pour faire du mal » à son jeune fils qui était tombé malade (ce dernier serait décédé le 7 décembre).

Les victimes auraient été assassinées entre le 6 et le 7 décembre par ses hommes qui opèrent dans le quartier de Cité Soleil, l’un des plus pauvres de la capitale.

Selon un communiqué publié par le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), les membres du gang ont tué leurs victimes par balles ou à l’aide d’armes blanches dont des machettes puis ont brûlé les corps dans les rues,

Les estimations du nombre de morts varient considérablement, un phénomène courant à Haïti, où les zones contrôlées par les gangs sont souvent inaccessibles aux observateurs extérieurs.

Un haut responsable des droits de l’homme des Nations Unies a déclaré que cette attaque avait fait au moins 184 morts mais sans préciser ses sources.

Le gouvernement haïtien a condamné le massacre, promettant pour la nième fois d’« éradiquer » les groupes criminels responsables de ce qu’il a qualifié d’« acte barbare d’une cruauté indescriptible ».

Le gang « Wharf Jérémie » fait partie d’une multitude de groupes criminels armés qui ont resserré leur emprise sur Port-au-Prince ces dernières années, submergeant le gouvernement et terrorisant les populations.

Bien qu’il contrôle un territoire stratégique près d’un port de commerce et de l’aéroport, il ne figure pas parmi les groupes désignés comme les plus violents du pays.

Deux jours plus tard, neuf personnes ont été tuées au cours de l’attaque du gang « Gran Grif » dans la commune de Petite-Rivière-de-l’Artibonite au Nord de la capitale.

Les criminels ont envahi deux quartiers (…).Neuf cadavre ont ensuite été découverts mais plusieurs personnes auraient été enlevées. Une dizaine de maisons ont été incendiées.

Cette attaque est survenue après l’annonce par la police haïtienne de la reprise en main de cette zone, avec l’appui de la mission multinationale menée par le Kenya.

Cette attaque est perçue comme une volonté de représailles à l’encontre de la population, qui aurait apporté son soutien aux forces de l’ordre.

Déjà en octobre, le gang « Gran Grif » avait assassiné plus de 70 personnes  lors d’une tuerie dans le département de l’Artibonite, juste au nord de Port-au-Prince.

Ces derniers massacres de masse à Haïti mettent en évidence la profondeur du contrôle criminel dans la capitale du pays, Port-au-Prince, où l’État, en grande partie absent, expose les citoyens aux attaques de gangs déchaînés. L’aide internationale dans le domaine sécuritaire semble être quasi insignifiante.

Malgré la réouverture de l’aéroport Toussaint Louverture, le régulateur américain de l’aviation (FAA) a annoncé el 11 décembre la prolongation pour trois mois de l’interdiction de survol de Port-au-Prince par les avions civils américains, cela, après une interdiction totale, décidée en novembre à la suite de tirs sur des appareils.

La propagation des gangs en Haïti a coïncidé avec l’unification Le 29 février 2024 de factions rivales, qui opèrent désormais sous la forme d’une coalition criminelle baptisée Viv Ansanm (Vivre ensemble). Elle est née de la fusion de deux anciennes alliances rivales: G9 et alliés, et le G-Pèp. Jimmy « Barbecue » Chérizier, aun ancien policier devenu criminel est son porte-parole. Cette coalition exerce son contrôle sur plus de 80% de Port-au-Prince ainsi que sur les zones situées dans le périmètre immédiat de la capitale. Elle est à l’origine d’une série d’attaques en 2024 contre des communautés et des infrastructures essentielles à Port-au-Prince et ailleurs.

Selon l’ONU, plus de 5.000 personnes ont été tuées en Haïti depuis le début de l’année.

Malgré l’arrivée au pouvoir d’un nouveau Premier ministre, Alix Didier Fils-Aimé, en novembre, et le déploiement d’une mission multinationale d’appui à la police haïtienne, menée par le Kenya et soutenue par l’ONU et les États-Unis, les violences perdurent.

Haïti a demandé à l’ONU de transformer cette force en une mission de maintien de la paix à part entière afin d’obtenir un financement plus solide. Les États-Unis et d’autres membres de l’Organisation des États américains (OEA) ont également soutenu la demande du gouvernement haïtien.

Pour le moment, le gouvernement haïtien et la communauté internationale sont dans l’impossibilité de maîtriser la situation car les forces de sécurité sont insuffisantes en nombre et mal équipées en matériels. Mais le point principal reste la situation économique désastreuse qui pousse les populations à considérer les gangs comme les seuls capables à subvenir à leurs besoins élémentaires – et curieusement – à leur sécurité.

1. Voir : « LE PREMIER MINISTRE HAÏTIEN NE PEUT PAS RENTRER DANS SON PAYS » du 7 mars 2024.

Publié le

Texte

Alain Rodier