À Rio de Janeiro, l’équilibre des forces pourrait basculer des « milices » criminelles vers l’un des plus puissant groupe mafieux de la ville, le « Commando Vermelho », CV (« Commandement Rouge »).

Ce gang originaire du système pénitentiaire de Rio qui, comme tous ses homologues brésiliens est géré par le crime organisé, a récemment intensifié ses efforts pour reprendre des territoires aux « milices », un puissant réseau d’organisations de type paramilitaire qui contrôlent de nombreux quartiers pauvres de la ville depuis au moins une décennie.

Ainsi, en juin, le favela  de Rio das Pedras dominé par les milices a été l’objet d’attaques presque quotidiennes du Commando Vermelho qui tentait de prendre le contrôle de la zone.

Les habitants ont signalé des extorsions généralisées et des tirs constants, les milices ayant prétendument mis le feu pour bloquer l’avancée du CV et l’empêcher de s’emparer du quartier.

Selon l’organe de presse O Globo, le Commando Vermelho a désormais investi au moins trois quartiers de Rio qui étaient auparavant sous le contrôle des milices, et se bat pour en sécuriser quatre autres, dont Rio das Pedras encore disputé.

Selon l’universitaire brésilienne Carolina Grillo qui étudie la dynamique criminelle dans la région, les milices bien qu’ayant perdues environ 20% de leur territoire au cours des deux dernières années, restent profondément enracinées contrôlant plus de 60% de la ville en raison de leurs puissantes connexions politiques et institutionnelles.

Elle précise : « nous avons constaté une diminution du contrôle territorial armé, en particulier en dehors des favelas, et ce sont les milices qui ont subi les plus grandes pertes ».

Le Commando Vermelho et les milices remontent tous deux à la dictature militaire du Brésil de 1964 à 1985.

Le CV est né d’un mouvement de défense des droits des prisonniers d’inspiration marxiste dans les pénitenciers de l’État.Il est le plus ancien et le deuxième gang en importance du Brésil après le Primeiro Comando da Capital ou PCC (Premier Commandement de la Capitale).

Ce dernier est une organisation mafieuse brésilienne, très puissante dans le milieu carcéral.

Pour se financer, le PCC a mis en place un système de « cotisations », les « frères » emprisonnés payant chaque mois une somme d’environ 15 euros. Selon ses besoins, le PCC contrôle le trafic de drogue dans les prisons, planifie des assassinats (à l’intérieur ou à l’extérieur). Il peut opérer en quasi impunité dans les prisons en ayant organisé une corruption à grande échelle des gardiens. Le PCC est aussi de plus en plus à l’origine d’actions criminelles hors des prisons à São Paulo et sa région.

Les milices, quant à elles, sont des organisations de type paramilitaire, composées d’anciens policiers mais plus grave, de membres des forces de l’ordre en activité.

Depuis les années 2010, elles dominent une grande partie de l’économie criminelle de la ville par l’extorsion, le trafic de drogue et le contrôle des services publics.

Leur influence est renforcée par des liens étroits qu’elles entretiennent avec les responsables gouvernementaux et les forces de sécurité.

Des factions comme Escritório do Crime et Bonde do Zinho ont diversifiées leurs activités de racket en monopolisant illégalement Internet, la télévision par câble, les transports publics et l’immobilier dans certaines parties de Rio.

Elles obligent les habitants – sous la menace de violences – à utiliser leurs réseaux et à pratiquer des prix gonflés, tout en empêchant les entreprises légitimes d’opérer dans la région.

Ce monopole constitue une source importante de revenus pour les milices et renforce leur contrôle sur la communauté tout en étendant leurs opérations de racket.

Au fil du temps, le CV a également élargi son catalogue criminel au-delà du trafic de drogue dans des domaines autrefois dominés par les milices, comme le marché immobilier, où ces groupes financent des projets de construction et vendent des appartements.

À partir de 2022, le CV a fait des progrès significatifs dans la reconquête de quartiers clés de Rio auparavant sous le contrôle des milices mais leur réputation criminelle rend plus difficile pour lui de conserver un territoire sur le long terme.

Le gang opère en établissant un système de gouvernement parallèle dans les favelas où il parvient à avoir un contrôle quasi total sur le territoire physique.

Les hommes de main du CV patrouillent la zone et maintiennent un contrôle strict des entrées et des points d’accès pour s’assurer de ne pas être surpris par une intervention des groupes rivaux ou des forces de l’ordre (dont les BOPE sont les plus connues).

Les milices, quant à elles, maintiennent des liens avec l’État, en particulier avec la police, ce qui signifie qu’elles peuvent contrôler le territoire avec beaucoup plus de facilité car quasi « légalement ».

Leurs contacts offrent également un certain niveau d’impunité. Selon Maria Isabel Couto, directrice des données et de la transparence à l’Institut Fogo Cruzado : « les milices ont une méthode d’exploitation économique territoriale et de maintien du soutien politique qui les différencie des groupes de trafiquants de drogue, leur donnant plus de stabilité et de pouvoir ».

Mais toutes les forces de police ne sont pas favorables aux milices. Comme le souligne Couto, une récente intensification des opérations policières dans les zones contrôlées par les milices a peut-être affaibli l’emprise des milices, entraînant des pertes territoriales au profit du CV.

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Texte

Alain Rodier