Astana, la capitale du Kazakhstan, accueille les 3 et 4 juillet 2024 le 24ème sommet régional l'Organisation de coopération de Shanghaï (OCS) créée en 2001.

Cette organisation économico-politique intergouvernementale qui regroupe la Chine, l’Inde, l’Iran, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, l’Ouzbékistan, le Pakistan et le Tadjikistan et à partir du 4 juillet la Biélorussie, est considérée comme une plateforme de coopération concurrente des organisations occidentales destinée contribuer à l’avènement d’un monde « multipolaire » en dehors de la tutelle des États-Unis.

Outre les pays membres cités plus avant, l’OCS comprend en outre quatorze États « partenaires » dont la Turquie et des pays arabes du Golfe persique et l’Egypte.

L’OCS regrouperait environ 40% de la population globale et environ 30% du PIB mondial (23.000 milliards de dollars.)

Les principaux participants à ce sommet

Les participants à ce sommet sont le président chinois Xi Jinping, son homologue russe Vladimir Poutine, le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif, les présidents ouzbek Shavkat Mirziyoyev, tadjik Emomali Rahmon, kirghize Sadyr Zhaparov, biélorusse Alexandre Loukachenko, turc Recep Tayyip Erdoğan et azeri Ilham Aliyev.

Le ministre des Affaires étrangères indien S Jaishankar représente le Premier ministre, Narendra Modi.

L’Iran, qui attend de désigner son nouveau président lors du second tour de la présidentielle vendredi 5 juillet est représenté par son président par intérim, après la mort mi-mai du dirigeant Ebrahim Raïssi dans un accident d’hélicoptère.

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, devrait être personnellement présent à Astana.

Les intérêts des uns et des autres

Le président Poutine a affirmé le 3 juillet en rencontrant son homologue chinois Xi Jinping arrivé à Astana que l’OCS « s’est affirmée en tant que l’un des piliers clés d’un ordre mondial multipolaire juste. »

Il convient de souligner que l’Asie centrale est un maillon essentiel du projet chinois des « nouvelles routes de la soie », vaste chantier d’infrastructures lancé il y a plus d’une décennie par Xi Jinping. À noter qu’à l’issue du sommet d’Astana, Pékin assurera la présidence tournante de l’OCS pour la période 2024-2025.

L’OCS se donne notamment pour objectif de lutter contre ce que Pékin appelle les « trois maux » : le séparatisme, le terrorisme et l’extrémisme.

Le président biélorusse Loukachenko a déclaré à l’agence de presse kazakhe Kazinform : « le principal est de démontrer au monde qu’il existe des plates-formes internationales alternatives, d’autres centres de pouvoir, où les intérêts de tous les États sans exception sont respectés. »

Au moins 24 documents majeurs seront examinés lors du sommet. Il s’agit notamment de la Déclaration d’Astana de l’OCS, de la Stratégie de développement de l’OCS jusqu’en 2035, de la Stratégie de développement de la coopération énergétique jusqu’en 2030, du Programme de coopération dans la lutte contre le terrorisme, le séparatisme et l’extrémisme pour 2025-2027 et de la Stratégie antidrogue de l’OCS pour 2024-2029.

L’un des documents majeurs sous le feu des projecteurs est l’initiative sur l’unité mondiale pour une paix et une harmonie justes, proposée par le Kazakhstan.

« Il vise à renforcer les mesures de confiance et à maintenir un développement stable de tous les pays du monde. Cette initiative reflète les intentions sincères et la détermination des pays de l’OCS à développer la sécurité mondiale et régionale », a déclaré Aliya Mussabekova, experte en chef du département des études asiatiques de KazISS.

Le président Erdoğan – qui joue sur tous les tableaux (1) – présent au sommet en a profité pour inviter son homologue russe à venir en Turquie en visite officielle. Pour mémoire, le président russe est sous le coup d’un mandat d’arrêt décrété par la Cour pénale internationale (CPI) et si la Turquie suivait la règle, elle devrait arrêter le président russe à son arrivée…

L’OCS regroupe des pays qui ont des contentieux bilatéraux : Chine-Inde, Inde-Pakistan, Khighizistan-Tadjikistan(2), etc. Mais cette organisation a parfois permis d’en régler à l’amiable un certain nombre. Surtout, elle a un adversaire : l’Occident emmené par les États-Unis. Une partie de ses membres jouent sur les deux tableaux dont les plus importants sont l’Inde et la Chine, sans parler de la Turquie (qui n’est que « partenaire ».)

Il n’empêche que l’OCS si elle ne constitue pas une menace politico-militaire à proprement parler, représente un danger économique important à long terme pour les pays évoluant dans la sphère des États-Unis – au premier rang desquels se trouvent l’Europe occidentale et le Japon – surtout si elle parvient à remettre en cause la monnaie d’échange principale actuelle : le dollar.

En cela, il est utile de la superposer au BRICS+ (c/f carte ci-après), où l’on retrouve la Chine, l’Inde, la Russie… mais pays auxquels il convient d’ajouter l’Argentine, le Brésil, l’Afrique du Sud…

Les deux pays « bannis » et mis sous « sévères sanctions » par les Occidentaux, Russie et Iran, font partie de ces organisations alors qu’ils sont présentés comme « isolés ». Il ne faut pas s’étonner que ces sanctions ne fonctionnent pas à la hauteur de ce qui était espéré.

Enfin, et peut-être le plus important, il semble que les valeurs dîtes « universelles » en vigueur en Occident ne semblent pas avoir prise sur la majorité des populations et des gouvernants membres de cette organisations. La volonté de les imposer est même considérée par beaucoup comme un nouveau « colonialisme.»

 

1. Voir : « Rapprochement lent de la Turquie vers la Syrie » du 2 juillet 2024.

2. Voir : « Conflit entre le Kirghizistan et le Tadjikistan » du 19 septembre 2022.

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Texte

Alain Rodier