La guerre en Ukraine est un révélateur pour l’armée française. Comme le déclarait le CEMA, le général Thierry Burkhard, qui, en avril 2022, invitait celle-ci « à changer d’époque, d’échelle et d’enjeux », c’est une véritable révolution de modèle d’armée qui doit être entreprise. La guerre dite de haute intensité impose une massification des forces, une politique de construction de matériel militaire et une importante réserve opérationnelle à former. C’est l’ensemble des armées qui doit être massifié, et non une partie des unités destinées à opérer au sein de projections lointaines.

Du reste, sachant que les forces armées seront avant tout sur le territoire national, pourquoi ne pas faire appel, pour certaines opex, à des sociétés militaires privées (SMP), comme le font toutes les grandes armées ? Pour des questions de disponibilité des forces, de discrétion, mais aussi de coûts, les armées russes, américaines, chinoises, britanniques ou turques sous-traitent une partie de leurs missions à des SMP.

Les intérêts sont multiples : un contractor coûte moins cher qu’un soldat recruté pour vingt ou trente ans ; la société sous-traitante est rémunérée pour la mission ; et en fonction de celle-ci, il est possible de recruter d’anciens militaires ou policiers spécialistes.

On peut même envoyer des éléments d’une SMP au combat, à l’image du groupe Wagner, force de premier échelon en Ukraine. D’ailleurs, c’est la première fois que l’on voit une SMP combattre dans une guerre de haute intensité.

Pour les experts, la France est restée sur le modèle des années 60. Les compétences existent, mais les réticences sont fortes, qui ont toujours empêché la montée en puissance des entreprises de service de sécurité et de défense (ESSD) nationales. Car après vingt ans de tergiversations sur le sujet, il n’y a pas encore de prise de conscience d’un besoin d’externalisation. Toujours selon les spécialistes, la sous-traitance militarisée est bloquée par le « tout régalien ». Pourtant, d’autres pays ne s’y sont pas trompés. L’arrivée en force de l’armée américaine avec l’AFRICOM en Afrique en est un exemple. Washington n’a pas eu de blocage mental ou idéologique : l’argument qui a prévalu, c’est la recherche exclusive de l’efficacité. Une nouvelle philosophie s’impose, pour une doctrine d’emploi des forces de l’armée française encore à inventer.

Bonne lecture
Eric Micheletti

Retrouvez tous les articles du numéro 452 en cliquant ICI.

Vous pouvez également feuilleter le magazine en ligne en cliquant ICI :

 

Publié le