La situation se crispe de plus en plus au Proche-Orient en parallèle de la guerre Israël-Hamas. Les milices et autres mouvements chiites liés à Téhéran se livrent à des provocations de plus en plus nombreuses et violentes contre les installations américaines en Syrie, en Irak et maintenant en Jordanie ainsi que contre les navires anglo-saxons ou liés - même de manière très ténue - à Israël, au large des côtes yéménites.

Le président Joe Biden qui devrait concourir pour un nouveau mandat à la Maison-Blanche cette année est obligé de réagir de manière signicative. C’est à la fois une affaire de politique intérieure aux États-Unis mais aussi de prestige à l’international où l’image de la puissance militaire américaine commence à être sérieusement dégradée.

Avant-poste de Tower 22

Ainsi dans la nuit du 27 au 28 janvier, trois réservistes américains de la 718^ème compagnie du génie ont été tués et 34 autres blessés par un drone suicide qui a ciblé l’avant-poste américain Tower 22 situé en Jordanie à proximité immédiate de la frontière syrienne. Huit blessés graves ont été évacués vers des hôpitaux jordaniens.

Selon le Wall Street Journal, cette l’attaque visait une « plate-forme logistique et d’appui  américaine » qui dessert la base opérationnelle d’al-Tanf installée à une quinzaine de kilomètres plus au nord de l’autre côté de la frontière.

Tower 22 qui serait armée de 350 militaires est aussi utilisée par les troupes engagées dans la mission de conseil et d’assistance pour les forces jordaniennes composées de 3.000 hommes. Des unités du génie, d’aviation et de logistique y sont présentes en permanence.

Située dans la région des trois frontières (Jordanie – Irak – Syrie), la base d’al-Tanf a également été la cible d’attaques. Elle a fait l’objet de harcèlements sporadiques depuis la date de son installation en 2016 étant au centre des frappes de drones et de roquettes.

Base de al-Tanf

Sa mission officielle est de combattre Daech mais dans la réalité, les conseillers américains qui y étaient déployés à l’origine encadraient le groupe d’opposition armé à Bachar el-Assad, « la Nouvelle Armée Syrienne » rebaptisée « Armée commando-révolutionnaire » (Maghawir al-Thawra).

En 2024, la base al-Tanf continue d’être le quartier général de cette « Armée » et selon Washington, un « centre de contre-influence » à la coalition Syrie-Iran-Russie dans la région (comme c’est le cas pour les forces US qui encadrent les Peshmergas du Rojava à l’est de l’Euphrate.)

En cela, les Américains sont en infraction juridique avec les lois internationales mais ils avancent la doctrine de l’« autodéfense collective nécessaire pour défendre l’Irak, les États-Unis et d’autres États contre la menace de groupes terroristes actifs. »

Si le conflit dégénère, une batterie Patriot pourrait être déployée de l’autre côté de la frontière près de la frontière jordanienne pour couvrir al-Tanf contre des attaques à plus grande échelle.

C’est la première fois que les soldats US sont tués au Proche-Orient depuis le début de la guerre israélo-Hamas qui a débuté après les massacres commis par le mouvement palestinien (et quelques autres) le 7 octobre.

C’est surtout la première attaque menée directement contre les intérêts américains en Jordanie. Cela explique vraisemblablement que le drone n’ait pas été détecté et qu’il ait fait autant de victimes. La rumeur court comme quoi il aurait suivi un drone de reconnaissance américain qui rentrait à sa base de sur Tower 22 et qu’il aurait pu être confondu avec lui. Cela tendrait à prouver que les assaillants ont bénéficié d’une technologie électronique avancée.

Le président Joe Biden et le secrétaire à la Défense Lloyd Austin ont imputé l’attaque aux milices soutenues par l’Iran. « Nous demanderons à tous les responsables de rendre des comptes à un moment et d’une manière que nous choisirons » a déclaré Biden.

La Résistance islamique irakienne – RII – (al-Moqawamat al-Islamiat fi al-Iraq), un conglomérat de milices chiites soutenues par l’Iran, a revendiqué l’action en affirmant qu’elle avait attaqué trois bases américaines en Syrie, y compris al-Tanf et des installations navales israéliennes à Haifa.

La RII a déjà frappé les installations militaires américaines en Iraq plus de 60 fois et en Syrie plus de 90 fois, avec un mélange de drones, de roquettes, de mortiers et de missiles balistiques.

Cela inclut une attaque massive par des missiles balistiques de fabrication iranienne sur la base aérienne d’Al-Asad en Irak le 20 janvier qui ont blessé plusieurs militaires américains (1).

Toutefois, des combattants soutenus par l’Iran dans l’est de la Syrie ont commencé à évacuer leurs postes de Mayadeen et d’al-Boukamel situés à environ 180 kilomètres au nord-est de Tower 22.

Téhéran a affirmé « n’avoir aucun lien et rien à voir avec l’attaque de la base américaine » décrivant un « conflit entre les États-Unis et les groupes de résistance dans la région ». Mais l’agence de presse officielle iranienne a bien spécifié : « ces groupes répliquent aux crimes de guerre et au génocide commis du régime sioniste [en référence à Israël]. Ils décident de leurs actions sur la base de leurs propres principes ».

L’Iran a par ailleurs annoncé l’exécution par pendaison de quatre dissidents iraniens d’origine kurde accusés d’espionnage au profit d’Israël.

Sami Abou Zahri, un porte-parole du Hamas, a déclaré que la mort des trois soldats « est un message à l’administration américaine […] la poursuite de l’agression américano-sioniste à Gaza fait risquer une explosion régionale. »

De son côté, Amman a déclaré : « la Jordanie condamne l’attentat terroriste qui visait un avant-poste à la frontière avec la Syrie, tuant trois soldats américains et blessant deux autres militaires qui coopèrent avec la Jordanie dans la lutte contre le terrorisme et la sécurisation de la frontière. […] Le Ministre des communications du Gouvernement et porte-parole du Gouvernement, Muhannad Mubaideen, a exprimé les condoléances de la Jordanie aux États-Unis à la suite des victimes de l’attentat, qui a été menée par un drone, et a souhaité aux blessés un prompt rétablissement. »

L’attaque a également été condamnée par l’Égypte, Bahreïn et le Royaume-Uni dont le chef de la diplomatie, David Cameron, a appelé l’Iran à « la désescalade dans la région. »

Il semble que l’on n’en soit plus là. Les opérations offensives au minimum soutenues sinon orchestrées par Téhéran autour du Yémen en passant par la Syrie, l’Irak (et maintenant la Jordanie) vont se poursuivre jusqu’à ce qu’un coup d’arrêt ne soit donné. La seule question est quelle sera alors la suite ?

1. Voir : « Bombardement d’une base américaine » en Irak du 23 janvier 2024.