Toujours pour rappel, le trafic de drogues n’aurait pas lieu s’il n’y avait pas les consommateurs qui comptent environ 300 millions d’adicts profonds. Si le cannabis reste le plus attractif, la cocaïne est toujours consommée dans une grande partie du monde et aurait même tendance à s’étendre en Europe occidentale.

Selon l’ONUDC, la Colombie a atteint un record de culture de feuilles de coca en 2022, avec 230.000 hectares plantés et une production de 1.738 tonnes de cocaïne.

Mais la chute des prix de la feuille de coca qui en découle ainsi que l’apparition de nouvelles drogues dans le monde – particulièrement es drogues synthétiques faciles à produire et à transporter – ont porté atteinte au commerce de la cocaïne dans le pays. Selon Elizabeth Dickinson, analyste au sein du think tank Crisis Group : « la Colombie ne joue plus un rôle de premier plan dans la chaîne internationale du trafic de drogue ».

Bien que de grandes structures criminelles telles que le Clan del Golfo (voir affiche de recherche ci-après (1)) continuent d’opérer dans le pays, on assiste à un processus d’atomisation des groupes qui réduit leur pouvoir.

En ce qui concerne son exportation puis sa distribution de cette drogue,  des groupes mexicains, albanais, brésiliens, équatoriens (2) et israéliens commencent à gagner en puissance.

Il a été constaté  une augmentation significative des crimes commis en Colombie par des Israéliens attirés par le tourisme sexuel et liés, selon les autorités locales, à des affaires de trafic de cocaïne. En effet, la Colombie a attiré de plus en plus de « visiteurs » israéliens à partir de 2022 et les saisies de cocaïne par les autorités de l’État hébreu ont fortement augmenté à partir de 2019. Il convient d’être conscient que ces opérations policières – ni la lutte contre le rime organisé – ne sont pas la priorité pour les forces de sécurité qui consacrent la majorité de leurs ressources à l’antiterrorisme.

Nathan Jaccard, éditeur pour l’Amérique latine de l’Organised Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), un consortium de journalistes d’investigation estime que d’une manière générale, « le marché est en train de muter ».

Pour lui, l’un des nouveaux points chauds du marché de la cocaïne en Amérique latine est la triple frontière entre la Colombie, le Pérou et le Brésil, une région « relativement calme il y a encore 15 ans ».

Il révèle également que les plantations de feuilles de coca se sont multipliées en Amérique centrale et au Mexique, tandis que la pâte de coca est de plus en plus transformée dans des laboratoires en Europe. De plus, « les trafiquants de drogue décident de se rapprocher des marchés » pour réduire les coûts et les risques, tout en maximisant les profits.

Enfin,  il note le rôle croissant de l’industrie bananière dans l’exportation de la cocaïne. Selon la Commission européenne, 70 % des saisies de drogue en Europe ont lieu dans les ports. Les trafiquants utilisent souvent les cargaisons de bananes pour cacher leur marchandise car les produits frais passent plus rapidement les contrôles douaniers.

Plus globalement, l’« Indice mondial du crime organisé 2023 » révèle son augmentation continue à l’échelle mondiale.

83 % de la population mondiale vivrait dans des conditions de forte criminalité et les capacités de résilience des États seraient par contre en diminution.

L’écart grandissant entre la criminalité organisée et les efforts collectifs de résilience met en évidence le besoin urgent de nouvelles stratégies pour lutter contre la criminalité organisée à l’échelle mondiale. À noter que la guerre russo-ukrainienne a permis au crime organisé de fortement croître dans ces deux pays, l’économie de guerre étant toujours accompagnée des profiteurs qui se servent de la situation pour développer de nouveaux marchés.

La situation géopolitique internationale qui devient de plus en plus chaotique devrait accélérer encore ces tendances, les autorités ayant d’autres préoccupations que la coopération internationale dans le domaine de la lutte contre le crime organisé (quand cette coopération existe encore…) et de nouveaux marchés s’ouvrant pour les malfaiteurs. Si les pays paraissent se replier sur eux-mêmes, les Organisations criminelles transnationales (OCT) coopèrent de plus en plus de façon à partager les juteux bénéfices provenant des trafics en pleine expansion (êtres humains, contrebande, armes, racket, etc.) sans délaisser les plus traditionnels dont celui de la drogue.

 

1. Voir : « Un baron de la drogue colombien condamné aux États-Unis » du 10 août 2023.

2. Voir : « Équateur, nouveau hub de la cocaïne » du 17 août 2022.

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Texte

Alain Rodier