1/ Opération “Homo” au Liban : Le 2 janvier 2023, un drone a tué Saleh al-Arouri, un haut responsable du Hamas dans un immeuble à Dahiyeh, un quartier de Beyrouth contrôlé par le Hezbollah libanais. Cette personnalité avait déjà été directement menacée en 2021 pour ses activités subversives menées en Cisjordanie. L’Egypte avait averti à l’époque le Hamas qu’Israël allait reprendre ses éliminations ciblées.tion “Homo” au Liban
Selon l’agence de presse officielle libanaise ANI, six autres personnes ont été tuées lors de l’explosion survenue dans un bureau du Hamas en précisant qu’« une réunion des formations palestiniennes s’y tenait ».
Parmi elles, deux adjoints de Saleh al-Arouri, Samir Findi et d’Azzam Al-Aqraa. Les quatre autres victimes seraient des gardes du corps.
Israël s’est engagé à traquer tous les dirigeants du Hamas après l’attaque meurtrière du 7 octobre contre Israël, qui a fait quelque 1.200 morts, majoritairement des civils, et a entraîné la prise en otage de plus de 240 autres personnes.
Bien que non revendiquée, cette opération « Homo » porte toutes les caractéristiques des services israéliens : renseignements dans le temps et dans l’espace précis, action complexe ciblée de manière à éviter les pertes collatérales, efficacité du résultat…
Qui était Saleh al-Arouri
Saleh al-Arouri était l’un des membres fondateurs de la branche armée du mouvement terroriste palestinien, les Brigades Izz al-Din al-Qassam. En 2017, il avait été élu chef adjoint du bureau politique du Hamas dirigé par Ismaël Haniyeh. Il était recherché par le Département de la Justice américain avec une prime de cinq millions de dollars sur sa tête.
Surtout, il était considéré comme le chef de la branche militaire du Hamas en Cisjordanie.
Il était considéré comme un proche d’Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah libanais.
Le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, à droite, rencontrant Ziad al-Nakhleh, le chef du Jihad islamique palestinien, au centre, et Saleh al-Arouri, à Beyrouth, au Liban, le 25 octobre 2023. (Crédit : Bureau des relations avec les médias du Hezbollah, via AP)
Les services de renseignement israéliens pensent que, parmi de nombreuses autres attaques, Arouri a été l’un des cerveaux de l’enlèvement et du meurtre en juin 2014 de trois adolescents israéliens – Gil-ad Shaar, Eyal Yifrach et Naftali Fraenkel -.
Il a purgé plusieurs peines dans des prisons israéliennes et a été libéré en mars 2010 dans le cadre des négociations visant à échanger des prisonniers contre le caporal de Tsahal Gilad Shalit, un citoyen franco-israélien enlevé par le Hamas en 2006. En 2011, il était parvenu à obtenir la libération de plus de 1.000 prisonniers palestiniens dans le cadre de cet échange.
Il s’était installé à Istanbul, mais il avait dû rejoindre la Syrie après que les relations entre la Turquie et Israël s’étaient réchauffées. Depuis la guerre de Gaza, les relations se sont de nouveau détériorées entre les deux pays.
Arouri s’est finalement installé à Beyrouth, d’où il a dirigé les opérations du Hamas en Cisjordanie, encourageant les activités violentes et organisant le transfert de fonds pour financer la lutte.
Le 7 octobre, alors qu’il regardait le Hamas diffuser en direct des vidéos de leur attaque sanglante contre Israël, Arouri, ainsi que Ismail Haniyeh et d’autres membres de la direction du mouvement ont été filmés – sans doute au Qatar – « se prosternant en signe de gratitude ».
Le 8 octobre, il a déclaré à Al Jazeera : « nous avons un plan pour toutes les étapes de ce conflit […] à la fois en cas de demande israélienne de cessez-le-feu et en cas de poursuite de l’escalade de la violence. Nous sommes préparés à toutes les options […] Nous ne nous sommes pas engagés dans cette bataille pour quelques heures seulement. Nous y sommes entrés en sachant qu’il y aurait des conséquences, et nous n’avons pas d’autre choix que de nous battre pour atteindre nos objectifs élevés ».
Il a toutefois a joué un rôle déterminant dans les négociations pour la libération de certains otages en novembre au cours d’une trêve d’une semaine contre près de 300 prisonniers palestiniens incarcérés en Israël.
Début décembre, il a affirmé encore à Al Jazeera que les négociations avec Israël en vue de nouvelles libérations d’otages en échange de prisonniers palestiniens avaient cessé et qu’il n’y aurait pas d’autres échanges tant qu’Israël n’aurait pas mis fin à sa guerre dans la bande de Gaza.
Les réactions à sa mort
Le porte-parole du ministère iranien des affaires étrangères, Nasser Kanaani, a condamné l’assassinat « ignoble » d’Arouri : « Le sang de ce martyr va sans aucun doute provoquer une nouvelle poussée dans les veines de la résistance et motiver la lutte contre l’occupant sioniste, non seulement en Palestine, mais aussi dans la région et parmi tous les défenseurs de la liberté dans le monde entier ».
Le porte-parole du Premier ministre Benjamin Netanyahu pour les médias étrangers, Mark Regev a souligné que la frappe ne visait que des responsables du Hamas, dans une tentative apparente d’inciter le Hezbollah à limiter sa riposte : « il est évident qu’au Liban, il y a de nombreuses cibles du Hezbollah, mais cette frappe a été très chirurgicale et a visé une cible du Hamas parce qu’Israël est en guerre […] il ne s’agit pas d’une attaque contre l’État libanais. Ce n’est pas une attaque contre l’organisation terroriste du Hezbollah. Qui que ce soit, c’est une attaque contre le Hamas, c’est très clair ».
Lors d’une conférence de presse tenue le 22 novembreà Tel-Aviv avec les membres du cabinet de guerre, le Premier-ministre Netanyahu avait déclaré qu’il avait « déjà donné l’ordre » au Mossad de cibler les chefs du Hamas « où qu’ils se trouvent ».
Lors de la même conférence de presse, le ministre de la défense Yoav Gallant avait déclaré que tous les dirigeants du Hamas étaient « en sursis […] La lutte est mondiale : qu’il s’agisse des hommes armés sur le terrain ou de ceux qui profitent des jets de luxe pendant que leurs émissaires agissent contre des femmes et des enfants, ils sont destinés à mourir »…
Et encore plus parlant : Le chef du Mossad Dedi Barnea a déclaré à l’occasion des obsèques d’un de ses prédécesseurs Tzvi Zamir, patron des services secrets israéliens durant la Guerre de Kippour de 1973: « Que chaque mère de terroristes écoutent bien ce que je vais dire: Tout ceux qui ont pris part au massacre du 7 octobre peuvent se considérer comme des hommes morts ».
La question qui se pose donc est : quel va être le suivant ?
De gauche à droite, et de haut en bas : Mohammed Deif, Yahya Sinouar, Marwan Issa, Ismaïl Haniyeh, Khaled Mechaal, Saleh al-Arouri. © AFP/AP/Wiki
2/ Attaque meurtrière en Iran
Une double explosion a eu lieu le 3 janvier près de la mosquée Saheb al-Zaman dans la ville de Kerman située dans le sud de l’Iran à proximité de la sépulture du major-général Qassem Soleimani, alors qu’était célébré le quatrième anniversaire de sa mort.
Le ministre iranien de la santé, Bahram Eynollahi, a déclaré que 95 personnes avaient été tuées, 211 avaient été blessées dont 27 dans un état critique.
Aucun groupe n’a revendiqué immédiatement ce qui constitue l’attentat le plus meurtrier commis en Iran depuis 42 ans.
Les spécialistes tournent leur regards vers les séparatistes arabes (comme l’ASMLA – Mouvement arabe de lutte pour la libération d’Ahvaz-), les Kurdes et les groupes salafistes-jihadistes, en particulier l’État Islamique (Daech) qui tous ont mené des attaques contre des civils et des forces de sécurité dans le pays ces dernières années.
Les médias iraniens ont rapporté que la première bombe a explosé vers 15h00 heure locale à environ 700 mètres du cimetière du Jardin des Martyrs autour de la mosquée Saheb al-Zaman dans la banlieue est de Kerman.
La deuxième explosion a eu lieu environ 15 minutes plus tard, à un kilomètre du cimetière, ciblant les personnes qui avaient fui la première déflagration. C’est la méthode du « sur-attentat » souvent employé par les jihadistes pour causer un maximum de victimes.
Globalement, les autorités iraniennes désignent les États-Unis et l’« entité sioniste » comme responsables de cette tuerie. Elles utilisent cette sinistre affaire pour nier les problèmes que connaît le régime iranien à l’intérieur tout en se retournant contre le « grand et le petit Satan ».
L’ayatollah Ali Khamenei a publié une déclaration dans laquelle il a déclaré : « Les ennemis maléfiques et criminels de la nation iranienne ont une fois de plus provoqué une catastrophe et ont martyrisé un grand nombre de personnes chères à Kerman […] Qu’ils ont du sang d’innocents sur les mains ou ceux qui ont conduit à cette atrocité, ils seront confrontés à une répression ferme et à un juste châtiment, commençant immédiatement […] Ils devraient savoir que cette catastrophe aura une réponse sévère, si Dieu le veut ».
Le dirigeant du Hezbollah libanais a déclaré que les victimes étaient des « martyrs qui sont morts sur la même route, la même cause et la même bataille » faisant allusion à la guerre contre Israël et vraisemblablement à la mort du numéro deux du Hamas évoquée en en-tête de cet article.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a fermement condamné cette action et a exprimé ses « profondes condoléances aux familles endeuillées et au peuple et au gouvernement » » de l’Iran.
L’UE a déclaré qu’elle condamnait l’attentat « dans les termes les plus forts » et exprimait sa « solidarité avec le peuple iranien ».
Le président Vladimir Poutine a qualifié l’attaque de « choquante dans sa cruauté et son cynisme ».
Qui était Soleimani
Exécuté le 3 janvier 2020 lors d’une une attaque de drone américain le ciblant à la sortie de l’aéroport de Bagdad(1), Qassem Soleimani était considéré comme l’homme clé du régime iranien, ainsi que l’une des personnes publiques les plus populaires dans son pays. Il était vu comme un héros pour son rôle dans la défaite du groupe jihadiste État islamique en Irak et en Syrie.
En effet, il avait été le responsable des missions clandestines de la Force Al-Qods (le « Service Action » des Pasdarans) particulièrement actif en Irak, en Syrie et au Liban. Il s’appuyait sur des milices locales comme le Hezbollah libanais mais aussi sur des unités pakistanaises et afghanes. Il avait soutenu les mouvements palestiniens en les conseillant, les finançant et en les armant.
Le président de l’époque, Donald Trump, qui a ordonné son élimination en 2020 l’avait qualifié comme « le terroriste numéro un partout dans le monde » et avait affirmé que les troupes sous son commandement avaient assassiné des centaines de civils et de militaires américains au cours des deux décennies précédentes.
Si Qassem Soleimani était effectivement un combattant de l’ombre impitoyable opposé aux intérêts occidentaux, il n’en reste pas moins que c’est sous sa houlette que le Hamas avait été chassé de Syrie pour s’être opposé au régime de Bachar el-Assad. Ce mouvement avait ensuite été mis à l’index par Téhéran et n’avait commencé à retrouver le soutien iranien qu’après la mort de Soleimani. Il est légitime de se demander si le Hamas aurait lancé son agression meurtrière contre Israël le 7 octobre si Soleimani avait été encore aux affaires car en tant que fin tacticien, il aurait mesuré la catastrophe générale que cela allait représenter.
En résumé, cette action terroriste ne correspond pas aux savoir-faire des services américains et israéliens qui font dans le « chirurgical » même s’il peut y avoir des pertes collatérales non souhaitées. Elle est vraisemblablement l’œuvre d’un mouvement armé d’opposition que Téhéran combat durement – mais discrètement – (2).
1. Voir : « L’Iran ne se remet pas de la mort du général Qassem Soleimani » du 14 janvier 2021.
2. Voir : « Pendaison d’un opposant en Iran » du 9 mai 2023.
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