Le 11 décembre, le pétrolier M/T Strinda de la société Norwegian Hansa Tankers qui bat drapeau des îles Caïmans, a été touché par un missile antinavire lancé depuis une zone du Yémen sous le contrôle de rebelles Houthis. Il a subi des dommages et un incendie s’est déclaré à bord. Aucun blessé n’est à déplorer. Son propriétaire est le Mowinckel Chemical Tankers A S. À noter que ce navire avait une escale en Israël en janvier.

Le 9 décembre, les Houthis avaient amplifié leurs menaces (1) en affirmant que si « Gaza ne reçoit pas la nourriture et les médicaments dont elle a besoin, tous les navires en mer Rouge à destination de ports israéliens, quelle que soit leur nationalité, deviendront une cible ».

Ils semblent avoir mis leur menace à exécution avec le M/T Strinda qui a fait l’objet d’une « attaque complexe », associant un missile et un drone. La frégate mulitmissions [FREMM] française Languedoc qui patrouillait dans le secteur a intercepté le drone qui menaçait le pétrolier norvégien (mais pas le missile qui a atteint sa cible).

Selon l’État-major général des armées, la frégate Languedoc avait déjà été engagée : « le 9 décembre, la FREMM Languedoc […] a abattu deux drones qui se dirigeaient droit sur elle en provenance des côtes du Yémen. L’interception et la destruction de ces deux menaces caractérisées ont eu lieu vers 21h30 puis vers 23h30 [heures françaises] à 110 km des côtes du Yémen, à hauteur de Al Hudaydah ».

La Frégate se serait aussi mise en position pour empêcher une prise de contrôle du navire.

Il a été précisé qu’elle opérait en mer Rouge sous chaîne de commandement nationale.

En ce qui les concerne, les Américains ont indiqué que le destroyer de missiles guidés de classe Arliegh Burke USS Mason a répondu à l’appel d’urgence du M/T Strinda et qu’il avait rejoint le navire afin de relever la FREMM française pour le sécuriser puis l’escorter.

C’est la deuxième fois en deux semaines que l’USS Mason est impliqué dans une situation DE guerre. Le 27 novembre deux missiles étaient s’étaient abimés pas loin de lui en mer Rouge. À l’époque, il avait répondu à un appel de détresse du M/V Central Park, un navire de commerce qui avait lui-même été attaqué par un groupe de pillards armés qui avaient tenté de le monter à bord.

Déjà, le 3 décembre, trois missiles tirés à partir du territoire contrôlé par les Houthis au Yémen ont frappé trois navires commerciaux en mer Rouge. Le Commandement central de l’US Navy a déclaré  que le destroyer l’USS Carney avait répondu aux appels de détresse de deux de ces navires et a abattu trois drones qui l’ont approché.

Le 19 novembre, les Houthis se sont emparés par hélicoptère du Galaxy Leader, un porte-containers battant pavillon des Bahamas. Les Houthis détiennent toujours le navire et ses 25 membres d’équipage.

Les Houthis ont à de nombreuses reprises attaqué la navigation dans la mer Rouge et lancé des missiles et des drones sur le territoire israélien.

L’escalade des menaces contre la navigation le long des côtes yéménites, y compris en mer Rouge et dans le golfe d’Aden, est de plus en plus préoccupante depuis le début de la guerre israélo-hamas débutée en octobre. Étant donné que la région sert de route commerciale cruciale représentant 12 % du commerce maritime mondial, le canal de Suez étant son principal point d’étranglement, la sécurité des transports maritimes revêt une importance globale.

Conséquences économiques

Le trafic maritime au port israélien de la mer Rouge d’Eilat – troisième port israélien et seul donnant accès à la mer Rouge) a pratiquement cessé. Aucun navire ne devrait arriver dans le mois qui vient.

Le coût des primes d’assurance pour les transports maritimes israéliens a grimpé en flèche à la suite de l’attaque du 7 octobre lancée par le Hamas qui a déclenché la guerre israélienne contre Gaza.

Les répercussions pourraient être beaucoup plus larges si l’activité anti-navires des Houthis se poursuit indéfiniment ou s’intensifie.

Selon des données maritimes récentes, les attaques houthies contre des navires commerciaux en mer Rouge, en particulier celles qui ont des liens avec des Israéliens, ont conduit certaines compagnies à dérouter leurs navires du canal de Suez et le point d’étranglement stratégique du détroit de Bab-el-Mandeb. Ainsi, de plus en plus de navires suivent maintenant la route beaucoup plus longue et coûteuse autour du cap de Bonne-Espérance pour atteindre l’Europe et l’Asie, augmentant ainsi leur temps de transit.

En effet, la menace à la sécurité maritime a augmenté au cours des dernières années, particulièrement après l’intervention de la coalition sunnite (Arabie-saoudite, EAU, etc.) dans la guerre civile du Yémen (2015-16) puis l’invasion de l’Ukraine par la Russie (2022) et enfin après le déclenchement conflit Hamas-Israël.

Au départ, les Houthis ciblaient les navires liés aux pays impliqués dans la guerre de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite au Yémen. En 2018, par exemple, ils ont fixé leur objectif sur les pétroliers appartenant à Bahri, le transporteur maritime national d’Arabie saoudite, attaquant les navires alors qu’ils traversaient le détroit de Bab el-Mandeb.

En réponse, le ministère saoudien de l’énergie a suspendu en 2018 la route passant par la mer Rouge.

La vague actuelle d’attaques se concentre davantage sur les navires ayant des liens avers Israël mais même ce phénomène n’est pas nouveau. Entre 2021 et le début de 2023, des attaques de drones imputées à l’Iran ont pris pour cible quelques navires reliés à des entités israéliennes, y compris dans la mer d’Arabie près d’Oman (2).

La guerre de Gaza a toutefois fait augmenter la menace.

Les Américains accusent Téhéran d’être derrière les Houthis pour mener une entreprise de déstabilisation contre l’Occident et ses alliés. Il ne fait guère de doutes que Téhéran fournit aux rebelles yéménites la technologie nécessaire à la constitution et à l’emploi de ses armes sophistiquées, particulièrement les missiles navals et les drones.

La difficulté pour les Occidentaux et Israël pour répliquer et que les choix sont difficiles. Il y a peu d’objectifs cruciaux à frapper eu Yémen, les forces houthies étant dispersées et bombarder l’Iran n’est pas (encore) à l’ordre du jour de Washington.

Mais l’implication dans la guerre des Houthis téléguidés par l’Iran va vraisemblablement conduire à terme à un rapprochement entre Israël et l’Arabie Saoudite suivant le dicton : « l’ennemi de mon ennemi est mon ami »…

Avec les Émirats arabes unis (EAU) également engagés dans le conflit yéménite, c’est déjà fait avec les accords d’Abraham de 2020.

 

1. Voir : « YÉMEN : les rebelles houthis à la manœuvre contre Israël » du 28 novembre 2023.

2. Voir : « Attaque de drone contre un pétrolier israélien » du 17 novembre 2022.

Publié le