Fin juillet, l'armée nigérienne a annoncé avoir renversé le président Mohamed Bazoum et a pris le pouvoir à Niamey. Si la France est la première visée par ce putsch, les États-Unis sont également entrainés dans la tourmente.
Washington a ordonné le retrait de personnels non essentiels de l’ambassade américaine au Niger, suspendu les vols de drones et d’entraînement et a contraint les troupes américaines à rester cantonnées sur ses bases.
Dans un premier temps Washington a pris garde de ne pas effaroucher les putschistes nigériens en ne parlant pas de « coup d’État ». Toutefois, il semble que leur objectif de conserver des points d’appui au Niger pour mener la guerre « antiterroriste » en Afrique de l’Ouest est contesté. En effet, les populations manifestent de plus en plus pour exiger, non seulement le départ des militaires français mais aussi celui de leurs homologues américains.
Mais selon Oumar Moussa, directeur adjoint du cabinet du président renversé Mohamed Bazoum – qui sait de quoi il parle ayant servi dans les arcanes du pouvoir nigérien – , les manifestations « spontanées » au Niger suivent toujours la même méthodologie : « on prend des jeunes recrues dans la gendarmerie, dans la garde, dans l’armée… On les habille en civil, on fait remplir le stade. Puis, il y a d’autres personnes, les badauds qui ne comprennent pas grand-chose, qu’on mobilise »… Il convient d’en déduire que le nouveau pouvoir est derrière ces manifestations ; la question est de savoir dans quel but…
Très logiquement, les autorités US préparent des plans pour un retrait possible de ses 1.100 militaires présents sur place. Il semble évident que leurs homologues français font la même chose de leur côté.
La centaine d’Allemands de la Bundeswehr présents sur une partie de l’aéroport de Niamey seraient également prêts à évacuer sur ordre.
Le général de l’armée de l’air James Hecker, le porte-parole du Pentagone, a déclaré le 18 août que des préparatifs étaient en cours au cas où les troupes recevraient l’ordre de partir : « nous faisons beaucoup de planifications par prudence […] Mais j’espère que cette affaire se règlera politiquement et diplomatiquement sans effusion de sang ». Il a aussi estimé qu’une évacuation des troupes américaines aurait « évidemment » un effet sur la capacité de l’armée américaine à collecter des renseignements et à mener une surveillance au en Afrique de l’Ouest.
Hecker a toutefois précisé : « Pour le moment, il n’est pas nécessaire d’aller nulle part. Nos dirigeants civils disent simplement : “Hé, ne bougez pas mais continuez à planifier au cas où quelque chose se produirait” et nous serons prêts si quelque chose se passe ».
Le Pentagone avait déjà reconnu que la perte d’accès au Niger serait importante et difficile à remplacer.
Sabrina Singh, attachée de presse adjointe du Pentagone a déclaré : « Nous pourrons toujours avoir des capacités dans la région, mais le Niger est un partenaire et nous ne voulons pas que ce partenariat disparaisse […] Nous avons investi des centaines de millions de dollars dans des bases là-bas, entraînés l’armée là-bas ».
L’armée américaine est présente sur cinq bases au Niger. Elle partage celle d’Aguelal avec les Français dans le Nord du Niger. Elle jouit de facilités sur les aérodromes de Niamey et de Zinder au Sud du pays (depuis cet endroit, ce sont les islamistes radicaux actifs au Nigeria qui sont dans le collimateur ).
La plus grande base américaine en Afrique après celle de Djibouti se trouve à l’extérieur d’Agadez. La base 201 dispose d’une piste de 1.900 mètres pour les drones MQ-9 Reaper mais aussi pour les gros porteurs.
Enfin, la CIA a sa propre base sur l’aérodrome de Dirkou dont la piste a été rallongée pour la mise en œuvre de ses drones Reaper. Il est vraisemblable que nombre d’opérations « homo » menées en Afrique de l’Ouest par des drones US partent de cette base.
La raison en est simple : les drones de l’US Air Force agissent dans la légalité, donc dans le cadre d’accords conclus en amont avec les autorités politiques des pays concernés. Ceux de la CIA effectuent leurs missions – clandestines – uniquement sur ordre de la Maison-Blanche. Les moyens des uns et des autres sont identiques, seule la clandestinité (pour ne pas dire l’illégalité au regard du Droit international) de l’action fait la différence.
Les États-Unis ont déployé des troupes pour la première fois au Niger en 2013 lorsque cent militaires ont été envoyés à Niamey pour aider les forces françaises à mettre en place des opérations de drones de surveillance non armés pour combattre les salafistes-jihadistes d’Al-Qaida et ses affiliés au Mali – pudiquement appelés « Groupes Armés Terroristes », GAT -.
Le pays était devenu un élément essentiel de la lutte contre les groupes terroristes au Sahel, une région d’Afrique où le militantisme islamiste radical est en hausse.
Le 4 octobre 2017, quatre soldats américains, leur interprète et quatre militaires nigériens avaient été tués dans une embuscade menée par un groupe de l’« État islamique dans le Grand Sahara » à Tongo Tongo dans le désert nigérien. Cela avait été considéré comme une « grande victoire » par Daech qui s’implantait de plus en plus sur zone en faisant « concurrence » à son rival d’Al-Qaida.
Mais le Niger restait globalement le moins touché par la terreur jihadiste dans la région connaissant moins d’attaques dirigées contre des civils que ses pays voisins.
De plus, selon l’organisation non gouvernementale « Armed Conflict Location & Event Data Project », moins de personnes ont été tuées au Niger au cours des six premiers mois de 2023 qu’au premier semestre de n’importe quelle autre année depuis 2018. La raison invoquée du renversement du président Bazoum parce que la situation sécuritaire au Niger se dégradait semble donc un prétexte pratique à des règlements de comptes et ambitions personnelles.
Cela ne retire pas le fait que la présence de l’armée française en Afrique est de plus en plus mal perçue par les populations locales. Ce sentiment bien réel est systématiquement exploité par les nouvelles générations de responsables politiques et militaires.
Les Américains ne souffrent pas, à la base, de ce sentiment de rejet (qu’ils connaissent par ailleurs en Amérique latine) car ils n’ont jamais été une puissance coloniale. Par contre, ils sont confrontés à réapparition de la Guerre froide qui a fortement impacté indirectement le continent africain dans le passé.
S’ils doivent partir, ils emmèneront armements et tout le matériel sensible mais ils seront obligés de laisser des cantonnements à disposition de nouveaux occupants. Cela pourrait bien être des Russes…
Evgueni Prigojine a publié sa première vidéo depuis le putsch raté depuis quelque part au Sahel… il y dit qu’il va « rendre de nouveau la Russie “grande encore” en Afrique […] que la température de 50°C ne l’incommode pas » … à suivre…
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