Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, est extrêmement mécontent des « performances » de ses services spéciaux qui vont d’échec en échec dans tous les domaines et, plus particulièrement dans la guerre secrète menée contre Israël.

Ainsi, dans un message écrit lu lors d’une convention sur le renseignement qui s’est tenue le 22 juin, Khamenei a qualifié l’état des services de sécurité de « l’un des problèmes importants du pays ».

Le chef suprême a déclaré que « le manque de compréhension mutuelle » entre les services de renseignement iraniens « est l’une de leurs faiblesses ».

La convention a réuni les chefs du ministère du renseignement et de l’organisation parallèle du renseignement de l’IRGC-IO (IO pour « Intelligence Organisation »).

Alors que le ministère (MOIS anciennement Vevak puis Vaja) relève du président de la RII, ce dernier relève directement de Khamenei. Les deux entités sont souvent considérées comme des rivales.

L’appel à l’action de Khamenei pour remédier aux lacunes nationales a fait suite à la reconnaissance publique par les autorités iraniennes de l’étendue apparente de l’infiltration par les services de sécurité étrangers.

Le 13 juin, le ministère du Renseignement a envoyé un SMS à l’échelle nationale mettant en garde les Iraniens contre d’éventuelles tentatives de recrutement par l’agence d’espionnage israélienne Mossad.

 

La guerre contre le Mossad

Le SMS mettait l’accent sur l’exploitation présumée par le Mossad du manque de connaissances et de sensibilisation des gens sur le fonctionnement des agences de renseignement. Ce dernier a été décrit comme une tactique clé du Mossad dans la conduite d’ « opérations terroristes et criminelles » en Iran. « Si quelqu’un vous demande d’acheter un véhicule et de le laisser à un certain endroit en payant en espèces, considérez que vous pourriez être exploité dans un acte terroriste du Mossad » ajoute le message.

Il convient de remarquer que le ministère a envoyé le même message texte le 22 février de cette année, indiquant une connaissance possible des efforts en cours des agences d’espionnage étrangères.

Il est vrai que l’État hébreu parvient à obtenir des informations sensibles sur l’Iran que ce soit à domicile où à l’étranger.

En Iran, le Mossad parvient à identifier les responsables du complexe militaro-industriel qui participent à l’effort nucléaire et balistique du régime. Certains d’entre eux l’ont payé de leur vie lors d’opérations « homo » audacieuses comme Mohsen Fakhrizadeh Mahabadi assassiné le 27 novembre 2020 (1).

Mais les actions « arma » (qui consistent à neutraliser des installations et du matériel sensible) ont également lieu car les Israéliens sont particulièrement bien informés sur la position des sites sensibles.

L’Iran affirme avoir déjoué une attaque le 28 janvier 2023 contre un centre de recherche et développement pour la technologie des missiles à Ispahan en abattant des drones. Cependant, il semble qu’Israël considère l’opération comme un succès.

Souvent, les services israéliens passent par des intermédiaires mais il semble aussi que ses propres agents évoluent facilement en Iran en particulier pour y mener des opérations « action »(2). Le vol de très importantes archives concernant l’effort nucléaire iranien à Torquzabad près de Téhéran en février 2018 qui a été exploité ensuite par Benyamin Netanyahou alors Premier ministre est resté dans toutes les mémoires (photo ci-après).

À l’étranger, l’État-hébreu est aussi particulièrement bien informé des opérations iraniennes ce qui permet, par exemple en Syrie, à son aviation de cibler avec précision des objectifs sensibles dépendant de près ou du loin des pasdarans.

Plus humiliant encore pour le pouvoir en place à Téhéran a été le fait qu’il a été surpris par l’ampleur des manifestations en 2022 qui ont suivi la mort en détention de l’étudiante Mahsa Amini qui avait été arrêtée par la polices des mœurs pour port non conforme du voile.

 

Une paranoïa iranienne exacerbée

Dans ce contexte, le chef de l’organisation IRGC-IO qui a remplacé le mollah Hossein Taeb en juin 2022, Mohammad Kazemi, a accusé le 19 juin 2023 les agences d’espionnage de près de 20 pays de soutenir les récentes « émeutes » anti-establishment.

Kazemi a impliqué Israël, les États-Unis, le Royaume-Uni, les Émirats arabes unis (EAU), l’Arabie saoudite, la France, l’Allemagne, le Canada, la Belgique, l’Autriche, l’Albanie, l’Australie, l’Islande, l’Italie, le Kosovo, la Norvège, Bahreïn et la Nouvelle-Zélande.

Il a allégué que les services de sécurité de ces pays étaient impliqués dans la collecte de renseignements, le financement de grèves et de manifestations et la préparation d’assassinats.

Le même jour IRGC-IO a arrêté quatre « ressortissants étrangers » en lien avec un présumé « complot à la bombe ». Les médias iraniens ont rapporté la découverte d’un engin explosif de trois kilos près d’une sous-station électrique dans la province d’Alborz. Les nationalités des personnes qui auraient été arrêtées n’ont pas été divulguées.

Enfin, les services iraniens ne parviennent pas à venir à bout des mouvements séparatistes, particulièrement au Baloutchistan où le Jaish al-Adl (l’Armée de la justice)(3) a déclaré le 26 juin avoir exécuté trois « espions » prétendument liés au Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) iranien.

Le Jaish al-Adl est une émanation du groupe militant salafiste Jundullah. Il est apparu pour la première fois dans la province iranienne du Sistan-Baloutchistan, mais il opérerait aussi au Pakistan.

Le Jundullah fondé en 2003 a conduit des attaques à l’intérieur de l’Iran jusqu’en 2010, date à laquelle son chef, Abdolmalek Righi a été arrêté puis exécuté.

En 2011, certains restes de Jundullah se seraient liés à des séparatistes baloutches en Afghanistan et au Pakistan. Il coopère avec un autre mouvement jihadiste : le Ansar Al-Furqan.

Dirigé par Salahuddin Farooqui, le Jaish al-Adl a ciblé des soldats et des civils iraniens dans le prolongement des activités de Jundullah.

 

Ci-après, tableau représentant les organisations de renseignement iraniennes.

1. Voir : « IRAN : La chasse est ouverte par le Mossad à Téhéran ? » le 30 novembre 2020.
2. Voir : « IRAN : infiltration des services de renseignement par le Mossad » du 15 juin 2021.
3. Voir : « IRAN : la situation se détériore au Baloutchistan » du 6 octobre 2022.

Publié le

Texte

Alain Rodier