Alors que le pèlerinage juif annuel de Djerba allait se terminer, le 9 mai vers 20 H 00, un agent de la garde nationale maritime tunisienne a ouvert le feu devant la synagogue de la Govid.

C’est la deuxième fois que ce pèlerinage pouvait avoir lieu depuis la levée des restrictions qui avaient suivi la pandémie de Corvid-19. Une grande partie des pèlerins vient de pays européens, des États-Unis ou même d’Israël, mais leur nombre a considérablement diminué après l’attentat-suicide du 11 avril 2002 contre le même lieu qui avait fait 21 victimes.

L’attaque

Selon les autorités tunisiennes, l’attaque a eu lieu en deux temps. Le gendarme maritime auteur des tirs a d’abord tué avec son arme de poing Glock un de ses collègues sur le port de Djerba afin de s’emparer de son fusil d’assaut Steyr AUG et de ses chargeurs.

Ainsi armé et équipé d’un gilet pare-balles, il a ensuite rejoint à vélo les abords de la synagogue distante d’une quinzaine de kilomètres. Là, il a ouvert le feu sur les forces de l’ordre assurant la sécurité du lieu avant d’être abattu.

Il a tué deux fidèles, Aviel Haddad, un citoyen israélo-tunisien et son cousin français Benjamin Haddad résidant à Marseille. Selon les autorités, quatre autres personnes ont été blessées ainsi que six gendarmes. Deux d’entre eux ont succombé à leurs blessures. Au total, cinq morts sont à déplorer plus le tireur.

Dans une interview accordée à la radio Mosaïque FM, l’ancien ministre tunisien du Tourisme, René Trabelsi, une figure de la communauté juive tunisienne présent dans la synagogue au moment de l’attaque dit : « sans l’intervention rapide des forces de sécurité, un carnage aurait eu lieu car des centaines de visiteurs se trouvaient sur les lieux. »

Le ministère tunisien des Affaires étrangères a déclaré dans un communiqué : « l’enquête est en cours pour déterminer les responsabilités engagées dans cette attaque lâche. »

Mais le 11 mai matin, les enquêteurs n’avaient pas encore déterminé si cette action s’inscrivait dans le cadre d’un acte isolé ou d’un attentat terroriste. Aucune revendication crédible n’avait encore été diffusée.

Plusieurs pays ont qualifié cette tuerie d’attaque antisémite, comme le président Emmanuel Macron. Rome a dénoncé « un lâche attentat contre la communauté juive tunisienne. »

Matthew Miller, le porte-parole du département d’État US a condamné cette action en ces termes : « nous exprimons nos condoléances au peuple tunisien et saluons l’action rapide des forces de sécurité tunisiennes. »

Les conséquences

Cette attaque est survenue au moment où le tourisme enregistrait une nette reprise en Tunisie après les ralentissements dus, d’abord à l’attentat de 2002, puis par la situation sécuritaire qui s’est fortement dégradée après les révolutions arabes de 2011 et les attentats qui s’en sont ensuivi le 18 mars 2015 au musée du Bardo (24 morts, 45 blessés) à Tunis puis le 28 juin 2015 contre un hôtel de Sousse (39 morts, 39 blessés). Sur ce, la pandémie Covid 19 est venue parachever la crise dans le domaine du tourisme.

Le ministre du Tourisme, Mohamed Moez Belhassine, a bien tenté de calmer les choses en déclarant le 10 mai depuis Djerba « comme tous les autres pays, la Tunisie n’est pas épargnée de ce genre de tentatives de déstabilisation […] Nous sommes mobilisés pour faire réussir la saison touristique. ».

La situation risque de replonger alors que la crise politico-économique perdure dans le pays depuis que le président Kais Saied s’est emparé des pleins pouvoir en juillet 2021 rejetant l’opposition islamique représentée par le parti En Nahda dans l’opposition. Son leader de 81 ans, Rached Ghannouchi, avait été arrêté 17 avril. Cet ancien président du parlement dissout en juillet 2021 par M. Saïed, est l’opposant le plus en vue à être arrêté depuis le coup de force.

Il serait reproché à M. Ghannouchi d’avoir déclaré dans les médias que la Tunisie serait menacée d’une « guerre civile » si l’islam politique n’était plus représenté.

 

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Texte

Alain Rodier