Lors d’une interview accordée à la chaîne de télévision TRT Turk dimanche, le président Recep Tayyip Erdoğan a révélé que le « calife » de Daech, Abou al-Hussein al-Husseini al-Qourachi, avait été neutralisé lors d’une opération menée par les services secrets turcs (le MIT) le 29 avril dans la région de Jinderes, dans le nord-ouest de la Syrie.

Il a précisé « cet individu a été neutralisé dans le cadre d’une opération de l’organisation nationale de renseignement turque en Syrie hier […] Nous continuerons notre lutte contre les organisations terroristes sans aucune discrimination. »

Des sources syriennes locales et de sécurité ont déclaré que le raid avait eu lieu à proximité de la ville de Jinderes, dans le nord de la Syrie, qui est contrôlée par des groupes rebelles – en particulier par l’Armée nationale syrienne – soutenus par Ankara.

Cette localité qui avait été conquise par l’armée turque en 2018 avait été très touchée par le tremblement de terre du 6 février 2023.

Il n’y a pas eu d’annonce de Daech, ce qui est normal car le mouvement prend son temps pour désigner un nouveau calife.

Pour l’instant, l’Armée nationale syrienne (ANS) n’a fait aucun commentaire.

Un correspondant de l’AFP présent dans le nord de la Syrie a déclaré que des membres des services de renseignement turcs et la police militaire locale soutenue (et formée) par la Turquie, avaient encerclé le 29 avril une ferme abandonnée qui servait d’école islamique à la périphérie de Jinderes.

L’assaut aurait été donné la nuit venue et les échanges de tirs ont duré environ une heure avant que ne soit entendue une grande déflagration, sans doute au moment ou le chef terroriste a préféré se faire exploser plutôt que d’être pris vivant.

La zone a ensuite été bouclée par les forces de sécurité pour empêcher quiconque d’approcher.

Ce qui avait été marquant avec ce « calife » dont aucune photo n’a été officiellement publiée et que dès janvier 2023, il avait reçu des serments d’allégeance de l’ensemble les provinces (wilayas) de l’État islamique de par le monde – en particulier d’Afrique – mais aussi divers soutiens dans quelques 40 pays. Cela avait démontré que le « califat » avait une capacité unificatrice de la lutte contre les « apostats et les mécréants. »

Abou Hasan al-Hachimi al-Qourachi, son prédécesseur avait été annoncé mort par Daech en novembre 2022. Il avait été tué « au combat », vraisemblablement en octobre. Le CENTCOM de l’armée américaine avait précisé que le responsable terroriste avait trouvé la mort le 15 octobre en précisant : « cette opération a été menée par l’Armée syrienne libre (ASL) dans la province de Deraa  en Syrie. » Washington s’est alors gardé de dire que ces milices de village avaient pactisé avec le régime de Bachar el-Assad.

Des activistes  syriens impliqués dans l’affrontement ont déclaré à Reuters qu’Abou Hasan al-Hachimi al-Qourachi s’était fait exploser après que lui et ses assistants aient été encerclés par des combattants locaux dans la ville de Jasem.

Les deux prédécesseurs avaient pour leur part été neutralisés par des membres des forces spéciales américaines :

-Abou Ibrahim Al-Hachimi dans la nuit du 2 au 3 février 2022 dans la ville d’Atme située dans le gouvernorat d’Idleb ;

-Abou Bakr al-Baghdadi dans la nuit du 26 au 27 octobre 2019 dans une maison située à l’écart du village de Baricha dans la même région.

Il convient de rester prudent car la déclaration d’Erdoğan intervient dans la dernière ligne droite de l’élection présidentielle turque prévue le 14 mai. Mais si ce succès antiterroriste se confirme, cela appelle quelques remarques.

En dehors d’Abou Hasan al-Hachimi al-Qourachi qui a été neutralisé dans le sud de la Syrie, les trois autres « califes » l’ont été dans la région d’Idlib (dont deux par les Américains) située au nord-ouest du pays.

Cette zone est très étroitement surveillée par les Turcs – armée, MIT et combattants locaux « aux ordres » – depuis des opérations « Source de paix » (octobre 2019), « Rameau d’olivier » (2018) et « Bouclier de l’Euphrate » (2016-2017).

Comment se fait-il qu’ils ne soient pas intervenus directement contre Daech dans cette zone. Il est toutefois possible qu’ils aient préféré laisser agir les Américains qui ont peut-être pu bénéficier de renseignements collectés par le MIT.

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Texte

Alain Rodier