À l’occasion de la présentation le 9 mars du rapport annuel d’évaluation des menaces qui pèsent sur la situation internationale devant le comité du renseignement sénatorial américain, la directrice nationale du renseignement, Avril Haines, a donné la vision des différentes agences US à ce sujet.

La Chine

Le rapport annuel sur l’évaluation des menaces fait largement référence à celles représentées par la Chine et la Russie. Il y est précisé que Pékin va continuer à intimider ses rivaux en Mer de Chine méridionale.
Pour Haines, la Chine va continuer à approfondir sa coopération avec la Russie afin de tenter de s’opposer aux États-Unis malgré la condamnation internationale de l’invasion de l’Ukraine. Elle pense que cela pourrait avoir comme conséquence de diminuer le « soutien affiché » dont elle bénéficie auprès de nombreux autres pays.
Haines a insisté : « il est inutile de rappeler que la République Populaire de Chine qui accroît constamment sa compétition avec les États-Unis sur les plans économique, technologique, politique et militaire dans le monde entier reste notre priorité sans égale ».
Pour atteindre la vision du président Xi Jinping qui souhaite transformer la Chine en une puissance dominante, le Parti communiste chinois (PCC) « est de plus en plus convaincu que cela ne peut se faire qu’à la condition de s’opposer à la puissance et à l’influence des États-Unis ».

Toutefois, les services de renseignement US estiment que Beijing croit qu’il est pour le moment à son avantage de maintenir des relations internationales stables malgré les dernières critiques acerbes du président Xi à l’égard de Washington.
En effet, le 6 mars, Xi a blâmé l’Occident pour les difficultés économiques rencontrées par Pékin en accusant les États-Unis de mener une politique internationale destinée à « contenir » la Chine.

Répondant à une question lui demandant si les relations sino-russes étaient une « histoire d’amour », Haines a répondu qu’« elle hésiterait à employer ces termes car il y a quelques limitations dans ces relations […] Nous ne pensons pas qu’ils vont devenir des alliés de la même manière que nous le sommes avec les pays membres de l’OTAN, mais néanmoins, nous constatons un accroissement (de la coopération) dans tous les secteurs ».

Le Russie

Selon le rapport, la Russie ne cherche pas à entrer en conflit avec les États-Unis et l’OTAN mais toutefois la guerre en Ukraine constitue un « grand risque » [de dérapage]. Les échecs militaires russes répétés risquent d’affaiblir la position du président Vladimir Poutine à l’intérieur. Cela pourrait le pousser à se lancer dans une escalade militaire.

Haines qualifie le conflit en Ukraine comme « une grinçante guerre d’attrition ». La communauté du renseignement américaine ne prévoit pas que la puissance militaire russe puisse se reconstituer suffisamment cette année pour être en mesure de faire de nouvelles conquêtes de terrain significatives.

Évaluation

Washington affiche clairement sa politique : son premier adversaire, c’est la Chine.
Selon un tweet publié le 10 mars 2023 par Gérard Araud, ancien ambassadeur de France en Israël puis aux États-Unis, fervent partisan du retour de la France dans le dispositif intégré de l’OTAN : « La carte politique et militaire de l’Asie, avec, d’une part, l’alliance antichinoise de fait entre États-Unis, Japon, Australie et Inde, avec le soutien des Philippines, et de l’autre, la multiplicité des bases américaines, ne révèle pas vraiment une menace chinoise ».

En clair, la politique « agressive » ne vient pas de la Chine aux nuances près : le problème de Taïwan et les revendications maritimes de Pékin.

Il est totalement exact que la Chine compte un jour récupérer Taïwan qu’elle considère comme sa « 23ème province ». Sur le plan des lois internationales, c’est un point de vue qui peut se défendre. À savoir que si Taïwan bénéficie d’une indépendance administrative, politique, diplomatique et militaire par rapport au continent, cette dernière n’a jamais été officiellement proclamée ni par le gouvernement de l’île, ni par celui de Pékin.
Par contre, les revendications maritimes chinoises sont pour la plupart illégales au regard du Droit international.

Il n’empêche que Pékin est en train de prendre une importance sur le plan international qui ne fait pas l’affaire de Washington. Dernier exemple en date : les négociations qui doivent permettre le rétablissement dans les deux mois qui viennent des relations diplomatiques normales entre l’Iran et l’Arabie saoudite.

Il semble que les États-Unis souhaitent – dans leur plus strict intérêt – s’opposer à un nouvel ordre mondial multipolaire avec les « valeurs universelles » comme « religion » à diffuser. Pour cela, ils utilisent tous les moyens à leur disposition en tant que première grande puissance mondiale.

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Texte

Alain Rodier

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