Comme durant tous les conflits qui ont eu lieu en Europe ou à proximité (Liban) depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le crime organisé en a profité pour se livrer à de juteux trafics d’armes qui approvisionnaient essentiellement la pègre. Ce fléau trouve un second souffle avec la guerre en Ukraine.

Ainsi, le média finlandais « Yle » a rapporté le 30 octobre que le Bureau national d’enquête (NBI) de la Police criminelle avait découvert que des criminels du pays ont reçu des armes légères en provenance d’Ukraine. Le détective superintendant Christer Ahlgren a déclaré : « nous avons des indications que les armes fournies à l’Ukraine [par la coalition occidentale] sont déjà en Finlande. Des armes ont également été trouvées en Suède, au Danemark et aux Pays-Bas ».

Le ministère a évoqué des fusils d’assaut mais n’a pas souhaité s’étendre sur le sujet pour ne pas compromettre les enquêtes en cours. Toutefois, Ahlgren a précisé que « des routes de contrebande ont été établies entre l’Ukraine et la Finlande ».

Une organisation criminelle transnationale est particulièrement citée : le gang de motards « Bandidos MC ». Mais la Finlande accueille également de nombreux clubs de motards dont des Hells Angels, los Diablos, les Outlaws, les Red Devils, le Satudarah(1) et le club local Cannonball. Ces organisations très hiérarchisées s’inspirent des clubs de motards nés après la Seconde Guerre mondiale aux États-Unis par des militaires démobilisés qui ne pouvaient pas se réinsérer dans la vie civile. Si tous les clubs ne sont pas criminels, la tradition affichée sur un de leurs « patchs » veut qu’1% le soit. Fondés aux USA, ils se sont étendus progressivement à l’Europe puis à tous les continents. Des guerres entre chapitres (clubs) surviennent régulièrement.

Les activités délictueuses les plus répandues sont la prostitution, la contrefaçon (particulièrement de pièces de rechange automobiles ou pour motos), les trafics de drogue et d’armes.
Or il se trouve que les Bandidos ont aussi beaucoup de représentants en Ukraine.

Les Occidentaux sont bien conscients du risque de détournement d’armements destinés aux forces ukrainiennes. Le crime(2) et la corruption dans ce pays ne datent pas d’hier et les profiteurs de guerre sont – comme dans toutes zones de conflits – très présents.

Ainsi, le 27 octobre, Washington a assuré avoir un plan pour empêcher les fuites d’armes livrées à l’Ukraine dans le cadre de l’assistance militaire. Cela implique la protection et la comptabilisation des armes et des munitions, l’augmentation de l’efficacité de la surveillance des frontières ainsi que le renforcement des capacités des structures compétentes de la région dans le domaine de la dissuasion, de la détection et de la répression du trafic illégal d’armes.

Auparavant, le 28 août, le journal britannique « The Sun » avait évoqué l’inquiétude de Londres concernant la contrebande d’armes parvenant au Royaume depuis l’Ukraine.

Le 22 juillet, EUROPOL aurait découvert des cas de contrebande d’armes vers l’Union européenne. Ce qui est inquiétant est dans le fait que cela ne concernerait pas que les armes légères mais aussi des missiles portables (comme le Javelin) qui commenceraient à être proposés sur le Darknet. Ces missiles pourraient intéresser des groupes terroristes.

Le 10 juin, Simon Viezeman, expert auprès de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), a prévenu que des armes fournies à l’Ukraine pourraient à terme disparaître sur le marché noir du fait que Kiev ne contrôle que très partiellement son territoire. Ses services de police sont totalement engagés dans la lutte contre les « saboteurs russes » et leurs agents ukrainiens. Le crime organisé n’est plus une de leurs préoccupations principale.

Les clubs de motards ne sont pas présents qu’à l’Ouest. Ils ont aussi prospéré en Russie dans la mesure où ils étaient « patriotiques ». Les « loups de la nuit » sont les plus connus et semblent avoir reçu l’aval du président Poutine en personne.

Mais pour le moment, le problème semble rester relativement limité. Les cas précédents ont montré que c’est surtout quand un conflit se termine et que les armes en grand nombre sur le théâtre deviennent moins utiles que les trafics vers l’extérieur se développent comme cela a été le cas dans les Balkans au début des années 2000.
Cela dit, le détective superintendant Christer Ahlgren souligne que les forces armées finlandaises ont vu leur budget augmenté en raison de la menace russe. Il rappelle qu’il y a aussi une menace criminelle qu’il convient de ne pas négliger.

1. Selon les autorités américaines, les clubs les plus puissants sont les Hells Angels, les Bandidos, les Mongols, les Outlaws, les Pagans, los Vagos, les Sons of Silence, les Warlocks et les Cossacks. Des chapitres (clubs) peuvent porter d’autres noms mais sont souvent rattachés à un des principaux groupes.
2. Les Ukrainiens, comme tous les pays de l’ex-URSS, ont leur Vory v zakone (bandits dans la loi). Leur code d’« honneur » leur interdit tout contact avec les représentants de l’autorité légale. En conséquence, ils ne sont pas autorisés à servir dans l’armée.

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Texte

Alain Rodier

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