La guerre en Ukraine a indéniablement marqué un tournant depuis l’attaque du pont reliant la Russie à la Crimée le 8 octobre(1).

En effet, Moscou avait tenté depuis le 24 février d’épargner autant que faire ce peut les installations civiles – avec le fol et vain espoir de parvenir à gagner l’opinion publique ukrainienne à sa cause ; même le président Joe Biden a reconnu ce que tous les analystes disaient depuis des mois : Vladimir Poutine s’est trompé dans son estimation initiale -. Le Kremlin a décidé de frapper les infrastructures qui permettent d’assurer la vie normale aux populations ukrainiennes avec pour objectif clair de leur faire passer l’hiver le plus rude possible afin de tenter de créer des dissensions en son sein qui pourraient ébranler le gouvernement à Kiev.

Ainsi, Moscou a procédé à des frappes dans toute la profondeur de l’Ukraine. Les bombardements des 10 et 11 octobre visaient des « infrastructures militaires, énergétiques et de communications ». Ainsi, l’’opérateur électrique qui dessert Kiev (DTEK) a annoncé que, faute de puissance, « dès mardi » des coupures de courant allaient affecter différents quartiers. Globalement, les Ukrainiens risquent de subir des pénuries d’eau, de chauffage et d’électricité.
D’ailleurs, selon Berlin, un tiers des installations énergétiques ukrainiennes auraient été impacté par les bombardements.

Cette nouvelle stratégie va se poursuivre mais l’Histoire a démontré dans le passé que ces souffrances unissaient plutôt ceux qui en étaient les victimes derrière leurs gouvernants que l’inverse (excepté après les bombardements atomiques du Japon en 1945).

Le G7 réuni en urgence le 11 octobre a assuré qu’il « demandera des comptes » au président Poutine pour ces « attaques aveugles contre des populations civiles innocentes » qui constituent « un crime de guerre ». Le G7 a également prévenu la Biélorussie que la création d’une force militaire conjointe avec la Russie constituait « l’exemple le plus récent de (sa) complicité » avec Moscou dans la guerre contre l’Ukraine.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky lors de son allocution journalière a déclaré mardi soir : « depuis ce matin, 28 missiles ennemis ont été lancés, dont 20 ont été abattus. Plus de 15 drones, principalement des drones d’attaque iraniens. Quasiment tous ont été abattus » Par ailleurs, il a dit espérer « des progrès de nos partenaires sur la question des défenses antiaériennes et antimissiles ». Plus tôt dans la journée, il avait demandé de « créer un bouclier aérien » au dessus de l’Ukraine prévenant que « le dirigeant russe, qui est en fin de règne, a encore les moyens d’une escalade ».
Il semble que les Russes utilisent de nombreux missiles qui ne sont pas destinés à cibler le sol. Ainsi, la localité de Zaporijjia (au sud du pays) aurait été visée le 11 octobre par douze missiles S-300 causant la mort d’un civil. Or, les S-300 sont des systèmes de défense anti-aériens. À noter qu’une batterie qui avait été donnée aux forces légalistes syriennes mais qui n’a jamais servi sur place a été rapatriée cet été en Russie(2)
Selon Kiev, de nouvelles frappes russes ont atteint la même région en soirée causant la mort de sept personnes et faisant sept blessés.

Selon les mêmes sources, de « sévères destructions » ont été enregistrées sur des installations énergétiques dans la région de Dnipro privant de courant « de nombreux villages ».

La guerre se poursuit au sol, les forces ukrainiennes étant toujours à l’offensive et leur ennemi russe tentant de se réorganiser avant que la situation ne se fige du fait de la météo post-hivernale qui bloque les grands déplacements et les ravitaillements. Il est probable que les renforts des 300.000 réservistes mobilisés ne seront pas réellement opérationnels avant la fin de l’année.

Au milieu des déclarations bellicistes qui fusent de par et d’autre, la Turquie marque toujours sa différence appelant par la voix de son ministre des Affaires étrangère, Mevlut Cavusoglu, à un cessez-le-feu « dès que possible ». De plus, Vladimir Poutine et le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, devrait se rencontrer le 13 octobre au Kazakhstan. Mais, pour l’instant, Moscou et Kiev estiment que la négociation est impossible. Mais aucun de deux camps ne pouvant remporter gagner la guerre et imposer sa volonté au perdant, il faudra bien arriver à des négociations.
Les deux capitales le savent bien et leur objectif est d’arriver à la table des négociations en position de force. Ensuite se posera la question de la reconstruction de l’Ukraine mais aussi du rétablissement des relations internationales sur un autre modèle – à définir -.

1. Voir « Sabotage du pont reliant la Russie à la Crimée ? » du 8 octobre 2022.
2. Voir : « les Russes rapatrient les S-300 syriens » du 30 août 2022.

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Texte

Alain Rodier

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