Selon des « officiels » américains, la Russie serait en train de négocier l’achat en masse de munitions à la Corée du Nord. Selon eux, cela prouverait de « graves manques capacitaires » dans le domaine des munitions, même celles qui sont les plus répandues dans l’armée russe.

Ainsi, Moscou aurait besoin de millions d’obus et de roquettes d’artillerie destinés à être employés en Ukraine. Sur le plan politique, le régime de Kim Jong-un fait déjà l’objet d’un maximum de sanctions internationales et ne risque donc rien de plus. Cela a permis à Pyongyang d’accuser les Etats-Unis d’être responsables de la guerre en Ukraine et d’accuser plus globalement l’Occident de poursuivre une « politique hégémonique » qui justifiait l’emploi de la force par la Russie.

La Corée du Nord a également reconnu l’indépendance des « républiques populaires du Donetsk et de Louhansk » et a souhaité approfondir l’ « amitié camarade » avec Moscou. En retour, selon la presse d’état nord-coréenne, Vladimir Poutine aurait déclaré que les deux pays allaient étendre leurs « relations bilatérales compréhensives et constructives ». Sur le plan même des armements, la Corée du Nord aligne le plus grand nombre de pièces d’artillerie avec plus de 20.000 unités.

Elles utilisent des munitions de type soviétique mais fabriquées sur place. En dehors de recevoir des devises mais, plus encore, des biens de consommation courantes, pour ces ventes, cela devrait permettre de faire tourner les stocks de munitions en fournissant les plus anciennes qui, comme les produits de consommation courante, ont des dates de péremption généralement de quelques dizaines d’années.

Pour le transport, la Corée du Nord partage une petite frontière terrestre de 19 kilomètres avec la Russie (le « point des trois frontières » Corée du Nord – Chine – Russie) ce qui éviterait à des cargaisons maritimes rejoignant Vladivostok d’être interceptées par des forces internationales voulant faire respecter les embargos décrétés dans le passé. Les munitions pourront ensuite être acheminées vers l’Ukraine en utilisant le légendaire transsibérien.

Selon de nombreux instituts de recherches occidentaux dont le Centre de recherche sur l’énergie et l’air pur finlandais, les sanctions occidentales ont eu peu d’impact sur les gains financiers dus aux exportations d’hydrocarbures. Ce dernier think tank affirme que durant les six premiers mois de l’invasion de l’Ukraine, Moscou a engrangé pour 158 milliards d’euros en paiement de ses exportations, l’Europe contribuant pour moitié à ces gains.

Mais de leur côté, les États-Unis pensent que les sanctions ont permis d’affecter notablement la puissance militaire russe, surtout en lui interdisant d’avoir accès à des matériels de haute technologie.

Si la nouvelle de l’achat de munitions nord-coréennes se confirme, cela voudrait dire que la Russie va pouvoir continuer à tirer plusieurs milliers d’obus et de roquettes par jour en Ukraine. Cela est certes significatif mais pas suffisant car cela ne permet pas de frapper dans la profondeur du dispositif adverse.

Parallèlement, Moscou tente d’obtenir des armements auprès de pays tiers. Il est beaucoup question de la fourniture de drones iraniens Mohajer-6 et Shahed dont un premier lot serait arrivé au début septembre. Si les échanges augmentent, l’Iran serait très intéressé par l’achat de chasseurs multirôles Su-35.

Enfin, il n’est pas exclu que Moscou fasse appel à l’Inde pour aider à la poursuite de la bonne marche de son complexe militaro-industriel. Mais Washington suit cela à la loupe et brandit la menace de sanctions qui peuvent se montrer dissuasives.

Il n’en reste pas moins que ces recherches erratiques d’armes et de munitions à l’étranger semblent être un aveu de faiblesse de l’armée russe qui, non seulement n’est pas parvenue à prendre le dessus en Ukraine malgré sa supériorité militaire théoriquement écrasante, mais elle subit actuellement des revers ponctuels importants qui obligent l’« opération spéciale » à adopter des postures défensives. Si le mérite en revient d’abord aux combattants ukrainiens puis, ensuite, aux Occidentaux qui les appuient dans de nombreux domaines, cela relève aussi – en dehors de tout jugement moral – d’une incompétence « crasse » du système politico-militaire russe. Cela dit, le « brouillard de la guerre »(2) rend peu visible la situation réelle sur le terrain et surtout, les évolutions possibles de ce conflit. Une solution à la « coréenne » est possible(3) mais il convient de ne pas oublier que la Russie avait perdu la première guerre de Tchétchénie (1994-96) sous Boris Eltsine pour gagner la seconde (1999-2000) sous Vladimir Poutine.

1. Voir « Des drones iraniens pour la Russie ? » du 12 juillet 2022.
2. et la désinformation ; tout le monde ment dans ce conflit, ce qui est parfaitement normal dans toute guerre.
3. Depuis le cessez-le feu de 1953, les deux Corées se font face le long de la ligne de démarcation alors qu’aucun traité de paix n’a été signé. Et pourtant, si les Russes et les Ukrainiens peuvent être qualifiés de « cousins », les Coréens sont théoriquement des « frères ».

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Texte

Alain Rodier

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