En l’espace de deux mois, la politique occidentale en matière d’aide à l’Ukraine a vraiment changé. La ligne de conduite première était d’aider Kiev et de lui donner les moyens de se battre pour qu’elle puisse résister face à l’invasion russe.

Désormais, il ne s’agit plus de lui donner de l’armement pour qu’elle stoppe les troupes de Moscou – ce qu’elle a fait sur plusieurs fronts –, mais bien qu’elle puisse à terme l’emporter !

On est ainsi passé de la fourniture de carburant et de munitions aux missiles antichars et antiaériens pour continuer avec des véhicules blindés et maintenant des chars de bataille, des canons automoteurs et des pièces d’artillerie de gros calibre. Des hélicoptères ont déjà été livrés. À terme, les avions de combat devraient suivre. Cependant, en attendant que les équipages des chars et les artilleurs ukrainiens soient totalement formés et équipés avec de l’armement occidental, les pays de l’OTAN fournissent des équipements de l’époque soviétique immédiatement utilisables par l’armée ukrainienne.

De mauvaises langues disent que les ex-pays de l’Est en profitent pour écouler, façon vide-greniers, leurs vieux matériels en échange d’un armement occidental moderne… Mais, sur le champ de bataille, la consommation est telle que les Ukrainiens auront vite fait d’écouler ces stocks du défunt pacte de Varsovie. D’ailleurs, les artilleurs ukrainiens sont déjà formés pour tirer des obus de 155 mm guidés par des radars de contre-batterie fournis par Washington avec des obusiers M777 (90 fournis), et pour utiliser les Caesar français (pris sur la commande marocaine) ainsi que les canons automoteurs Panzerhaubitze 2000 allemands et néerlandais (1). Le tout manœuvré à « l’otanienne » car, depuis 2015, dans le cadre de l’opération Orbital, Washington et Londres forment et entraînent l’armée ukrainienne. Étonnement, malgré le grand nombre d’agents russes dans le pays et souvent haut placés, le Kremlin a totalement sous-estimé la capacité de manœuvres et de résistance de cette armée humiliée dans le Donbass en 2014. Pour preuve, la capacité de délégation du commandement militaire ukrainien sur le terrain – à l’inverse de son adversaire, engoncé dans son carcan hiérarchique – qui permet aux unités de réagir en fonction des renseignements.

Toutefois, avec la « stabilisation » des fronts et l’élongation des lignes de ravitaillement, l’armée ukrainienne doit tenir jusqu’à ce que l’armement occidental arrive en nombre. À la différence des États-Unis, les pays européens ne veulent pas apparaître comme cobelligérants et assurent que Kiev décide tout seul de ses objectifs politiques et militaires. Car Moscou ne doit pas pouvoir accuser les Européens de fournir des armes qui serviront à frapper des objectifs en Russie. Le conflit pourrait alors changer de nature et basculer dans une confrontation armée entre l’OTAN et la Russie.

1. Sept ont été fournis par l’Allemagne et cinq par les Pays-Bas.

Bonne lecture
Eric Micheletti

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