Suite au scandale de l’annulation du « contrat du siècle » prévoyant la livraison de douze sous-marins français à l’Australie, une soirée de gala qui devait ce tenir le 17 septembre soir à la résidence de l’ambassadeur de France à Washington a été annulée.

C’est un classique de la liste des sanctions « énergiques » que prend généralement Paris pour montrer son mécontentement vis-à-vis d’un pays tiers : il est privé de petits fours et de champagne français qu’il affectionne tant. Cette réception donnée par l’ambassadeur de France aux États-Unis devait marquer l’anniversaire de la bataille de la baie de Chesapeake (aussi connue sous le nom de bataille des caps de Virginie).

Elle a opposé le 5 septembre 1781 la flotte de l’amiral britannique Thomas Graves à celle du lieutenant-général des armées navales François Joseph Paul de Grasse. Pour une fois, la Marine française a vaincu son homologue britannique. Elle a participé à la victoire finale des armées coalisées de George Washington, Rochambeau et La Fayette contre les Britanniques et ouvert la voie à l’indépendance américaine.

Il faut reconnaître de le « coup dans le dos » dénoncé par le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian, a été sévère. Non seulement ce contrat est annulé sans semonce préalable mais le président américain Joe Biden en a profité pour annoncer le 15 septembre la création d’un partenariat stratégique avec le Royaume-uni et l’Australie (incluant la fourniture de sous-marins américains à propulsion nucléaire à Canberra) baptisé AUKUS. Paris et l’Union européenne ont affirmé ne jamais avoir été prévenus de la création de cette nouvelle alliance qui pourra s’apparenter dans l’avenir à un « OTAN » du Pacifique si d’autres pays la rejoignent (Corée du Sud, Japon, Taiwan, etc. (1)). Bien sûr, la Chine prend aussi très mal la mise sur pied de cette nouvelle organisation militaire qui est clairement dirigée contre elle.

Le secrétaire d’État Antony Blinken a eu beau faire preuve de « ronronthérapie » en tentant de rassurer Paris affirmant devant la presse américaine que la France est « un partenaire vital » des États-Unis dans la région indo-pacifique. Il a ajouté : « Il n’y a pas de division régionale entre les intérêts de nos partenaires atlantiques et pacifiques […] ce partenariat avec l’Australie et le Royaume-Uni démontre que nous voulons travailler avec nos partenaires, y compris en Europe, pour assurer une zone indo-pacifique libre et ouverte ».

En matière de politique étrangère, il serait peut-être temps que les responsables français se rappellent de la citation du général Charles de Gaulle disant : « les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts ».

Bien sûr, les sanctions pourraient aller plus loin (par exemple bouder les réceptions données par les ambassades américaines à l’étranger) mais il est fort probable que cela va s’arrêter à ces signes de mauvaise humeur. La France est trop liée politiquement, économiquement et stratégiquement aux États-Unis pour faire plus qu’une colère de cour de récréation. D’ailleurs, d’autres événements s’inscrivant dans la célébration de ce 240e anniversaire de la bataille de la baie de Chesapeake ont été maintenus comme l’escale de navires français à Baltimore et à Norfolk.

Par contre, il serait très intéressant de savoir quelle est la vision des futurs dirigeants français quant à la politique qu’ils comptent mener vis-à-vis de Pékin dans les années à venir.

1. La Nouvelle-Zélande qui se veut totalement anti-nucléaire va certainement hésiter avant de rejoindre cette alliance. Cela dépendra de sa vision de la menace réelle que fait peser la Chine sur elle.

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Alain Rodier

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