En 2019, Oleg Tishchenko, un citoyen Russe a été arrêté sur instruction d’un tribunal de l’Utah pour « conspiration contre les États-Unis » pour avoir acquis des manuels techniques concernant le chasseur bombardier F-16 sur eBay.

Le suspect qui était détenu à la prison du comté de Weber a affirmé qu’il avait besoin de ces manuels pour développer un jeu vidéo ultra réaliste pour le compte de la société russe « Eagle Dynamics » qui a particulièrement développé le « Digital Combat Simulator » (DGS) sous la supervision de Matt « Wags » Wagner. C’est un studio de développement de jeux vidéo et de logiciels professionnels spécialisé dans la simulation de vols militaires. Cette société russe est domiciliée en Suisse.

L’affaire aurait débuté en 2011, Tishchenko ne pouvant se faire adresser les manuels concernant les F-16A/B directement en Russie, le vendeur n’autorisant pas l’exportation de ses documents à l’étranger. Il avait alors publié une annonce sur le forum de DGS. Un membre de ce forum localisé au Texas avait accepté d’effectuer l’envoi en Russie desdits documents. Bien qu’il n’était mentionné aucune clause de confidentialité – sans compter que ces documents étaient obsolètes -, cet envoi contrevenait aux lois américaines concernant l’exportation d’armements, documentation y compris.

Tishchenko a été inculpé en 2016 mais n’a été arrêté qu’en 2019 alors qu’il devait assister à un festival de danse en Géorgie. Il avait alors été extradé vers les États-Unis où il a répondu aux charges d’avoir : « conspiré contre les États-Unis, s’être livré à de la contrebande et d’avoir violé la loi sur le contrôle d’exportation d’armes ».

L’ambassade de Russie à Washington a avancé l’hypothèse d’une « provocation des services spéciaux américains ». Il est vrai que ces derniers ont saisi l’occasion pour contacter Tischenko via un agent spécial agissant sous couverture. Ils se sont aperçus qu’il avait collecté des documents concernant de nombreux avions (dont le A-10) et qu’il avait vendu aux enchères entre 2012 et 2015 des manuels concernant le F-16A à des acquéreurs domiciliés à Chypre, au Japon, aux Pays-Bas, en Australie, en Allemagne et à Taiwan.

Jusque là, rien de bien étrange. C’était un passionné de jeux vidéo d’aviation militaire qui en a fait son gagne-pain. Mais, curieusement il a demandé à l’agent spécial qu’il rencontrait s’il ne pourrait pas obtenir les dossiers techniques du F-35 et du F-22 (appareils beaucoup modernes que le vieux F-16). Plus étrange encore, il lui a assuré qu’ils ne seraient pas « transmis à une tierce personne et même pas montrés à qui que ce soit dans sa société [Eagle Dynamics] ».

Condamné en juin 2019 à un an et un jour de prison, il a été libéré l’année suivante et aussitôt été expulsé vers la Russie.

 

Un chef de char britannique Challenger 2 vraisemblablement servant au sein du régiment royal de chars à Tidworth en Grande-Bretagne, aurait décidé que préserver des secrets d’État était moins important que de prouver à une société de jeu de guerre qui publie « War Thunder » que les caractéristiques de son modèle digital du char Challenger 2 n’étaient pas appropriées car l’original était beaucoup plus moderne que sa copie informatique. Il aurait ainsi livré des informations dont une partie était encore classifiée.

Le modérateur du site a signalé ce fait au Ministère de la Défense (MoD) qui a confirmé la confidentialité de certaines informations du AESP (Army Equipment Support Publication, une sorte de manuel de l’utilisateur) qui ne devaient pas être divulguées sous peine d’une condamnation pouvant aller jusqu’à 14 ans d’emprisonnement. Il est à noter que le jeu « War Thunder » est développé et publié par la société « Gaijin Entertainment » qui a des origines russes. Lancée en 2002 à Moscou, elle a maintenant son siège à Budapest mais certains dirigeants sont de nationalité russe.

Dans les milieux du renseignement, il est connu que toutes les publications spécialisées sont épluchées par les services des Attaché de défense des pays accrédités puis par leur hiérarchie. Mais l’option des jeux informatique n’avait pas encore été exploitée à sa juste mesure. De plus, cela donne un bon prétexte pour aborder des professionnels qui ne veulent pas que l’on sous-estime leur travail ou les matériels qu’ils mettent en œuvre. C’est là  un levier classique des Officiers traitants (OT) qui jouent sur l’ego de leurs interlocuteurs … Voilà pourquoi il convient de toujours se méfier d’une phrase qui débute par : « vous qui êtes excellent dans ce domaine, que pensez-vous de … ».

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Texte

Alain Rodier

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