Le Président haïtien Jovenel Moïse a été assassiné par balles lors d’un raid lancé contre sa résidence privée Port-au-Prince le 7 juillet à 01 H 00. Les assassins se sont fait passer pour des agents de la DEA. Aucun membre de la protection présidentielle n’aurait été blessé…

L’épouse du président, Martine Moïse, a été blessée à l’abdomen et aux bras. Après avoir reçu des soins sur place, elle a été hospitalisée dans un hôpital de Miami. Elle a tweeté : «Des mercenaires ont assassiné le Président, d’autres mercenaires veulent tuer son rêve et sa vision du pays ». Le Président aurait été tué pour avoir tenté de mettre en œuvre une série de projets, et notamment d’organiser dans le pays un référendum le 26 septembre portant sur la constitution et devant accroître les pouvoirs du président au détriment du Premier ministre.
Bien que les chiffres ne soient pas définitifs, les autorités haïtiennes ont annoncé avoir arrêté 15 Colombiens – dont au moins six étant d’anciens militaires, information confirmée par Bogota(1) – et deux Américains d’origine haïtienne. 3 Colombiens auraient été abattus et huit seraient en fuite. Les détenus auraient déclaré avoir été recrutés comme agents de sécurité pour assurer la protection de hautes personnalités à Haïti par la société créée en 2019 à Miami « CTU Security » par un émigré vénézuélien, Antonio Emmanuel Intriago Valera. Cette société aurait tous les agréments nécessaires pour délivrer des formations anti-terroriste et pour que ces membres puissent porter des armes à feu. Les deux Américains d’origine haïtienne, James Solages, 35 ans, et Vincent Joseph, 55 ans, ont juste admis avoir été recrutés comme « traducteurs » par cette société.
Cela dit, de nombreux mystères entourent cette fin tragique. La première question est : qui est le commanditaire car chaque pistolero étaient payés de 2.700 à, 3.000 dollars/mois et certains étaient présent en Haïti depuis plus de trois mois. CTU Security doit en avoir une petite idée puisque c’est elle qui était la prestataire de services. Le FBI a du pain sur la planche. Comment se fait-il que les agresseurs semblaient connaître les lieux du crime et qu’il n’aient blessé aucun agent de sécurité ? Il semble que le président a subi des sévices avant d’être plombé de 17 impacts. Que cherchaient à savoir les agresseurs ? Ce meurtre ressemble beaucoup à une exécution de type criminel et moins à un règlement de comptes politique mais dans les Caraïbes, les deux sont souvent liés.

Liens avec le crime organisé

L’ancien policier Jimmy Cherizier (photo en bas d’article) , le plus important parrains de Haïti surnommé « barbecue » qui dirige la « G9 an Fanmi [et famille] » (qui regroupe 9 gangs) a déclaré le 10 juillet que ses hommes allaient descendre dans la rue pour protester contre le meurtre du président. Il s’en est pris à l’opposition et aux forces de police affiliées à une « bourgeoisie puante» pour « sacrifier Moïse ».

Il affirme que ses hommes vont utiliser la « violence légitime » et qu’il est temps pour que les « maîtres du système » – des magnats d’origine syrienne et libanaise qui dominent des pans entiers de l’économie – « rendent » le pays. S’inspirant du black lives matter, il situe son action dans un courant communautaire. Très puissant depuis 2020, il était un soutien de premier plan pour le président haïtien qui l’utilisait pour des missions de basse police sur ses opposants mais aussi sur des gangs parfois utilisés par ses opposants. Un certain nombre sont d’ailleurs convoqués le 12 juillet par la justice pour être entendus : Reginald Boulos, Steven Benoît, Youri Latortue, les hommes d’affaires Dimitri et Jean Marie Vorbe.

Haïti appelle une nouvelle fois à l’aide les États-Unis, la communauté internationale et l’ONU. Mais personne ne sait vraiment aujourd’hui qui détient le pouvoir et l’autorité qui va théoriquement avec, les premiers ministres et le président du Sénat (Claude Joseph – actuellement aux manettes -, Aryel Henry, Joseph Lambert …) se déchirant la succession du président assassiné – lui même objet de multiples controverses depuis des mois -.

 

1. Ce qui n’est pas une garantie d’honnêteté, particulièrement en Amérique latine où de nombreux anciens militaires et policiers se recyclent dans le crime organisé.

 

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Texte

Alain Rodier

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