L’ancien « Homme d’honneur » de la mafia Cosa Nostra, Giovanni Brusca dit « l'égorgeur de chrétiens » ou « le porc » âgé de 64 ans a été libéré le 31 mai de la prison de Rebibbia à Rome après avoir purgé une peine de 25 années d’incarcération.

Membre de la famille de San Giuseppe Jato, il avait été un « soldat » au sein du clan des Corleonesi (opposé au Palermitains). Arrêté en 1996 quatre ans après avoir participé directement à l’assassinat du juge Giovanni Falcone qui luttait énergiquement contre la mafia sicilienne (il a déclenché l’explosion de la charge qui a également tué l’épouse du magistrat et trois policiers d’escorte) sur instruction du « Capo di tutti capi » (le chef de « la Coupole » qui coiffe toutes les familles mafieuses siciliennes) Salvatore Riina alias Totò Riina.

Il avait ensuite confessé son rôle de tueur dans le meurtre, selon ses déclarations d’« environ 150 personnes – mais en tous cas, moins de 200 – » dont celui de Giuseppe Si Matteo, le fils d’un indicateur de police. Cet adolescent avait été tué puis sont corps dissout dans de l’acide. À noter que Riina, décédé en prison le 17 novembre 2017 n’était lui-même crédité que d’une soixantaine d’assassinats.

Toutefois, Brusca emprisonné avait accepté de devenir un « collaborateur de justice » (appellation française pour « repenti ») ce qui avait permis à la police italienne de démanteler nombre de clans mafieux siciliens et d’élucider beaucoup d’affaires. Il avait aussi dévoilé les liens troubles existant entre les autorités politiques de la Démocratie chrétienne et Cosa Nostra pour mettre fin à la campagne de violences ayant eu lieu entre 1980 et 1990.

Depuis 2004, Brusca avait déjà eu des « permissions carcérales » pour bonne conduite. Aujourd’hui, il va bénéficier d’une libération sur parole pour une période de quatre ans. Mais comme cela était prévisible, cette mesure attire les critiques des familles des victimes affirmant qu’il ne s’était « mis à table » que par intérêt personnel. Toutefois Maria Falcone, la sœur du juge assassiné, se dit « attristé » par la situation mais « comprend » que la loi permet à Brusca d’être élargi.

Cosa Nostra, l’organisation mafieuse italienne la plus popularisée – en particulier par les films « le Parrain » (où le mot « mafia » n’est jamais prononcé) – a laissé ses sœurs – la ‘Ndrangheta, la Camorra, la Sacra Corona Unita – prendre le relais en étendant leur influence sur toute l’Italie puis en Europe et au continent américain dans son ensemble. Il n’empêche que Cosa Nostra est toujours vivante ayant diversifié ses activités. Actuellement, trois de ses chevaux de bataille (1) sont les trafics de migrants venant du continent africain, l’écologie (avec des nombreuses tractations immobilières frauduleuses d’achat de terrains pour le développement de champs d’éoliennes hypothétiques) et l’industrie de la santé. La Covid-19 est une bénédiction pour Cosa Nostra. C’est bienvenu au moment où le Pape menace d’excommunication les mafieux.

Pour revenir à Brusca, il est placé sous protection policière car sa position de repenti est inadmissible pour Cosa Nostra et pour les autres mafias italiennes. Elles pourraient être tentées de « faire un exemple ».
Depuis des dizaines d’années, l’État italien lutte comme il le peut contre « la pieuvre ». Une loi a crée le nouveau délit de « conspiration mafieuse ». Cela permet de taper là où cela fait mal, l’argent, car son objectif est de confisquer les avoirs de mafieux, même avant leur condamnation (2). Elle avait été présentée par Pio La Torre, le secrétaire du parti communiste italien pour la Sicile mais il avait été assassiné le 30 avril 1982. Le 3 septembre de la même année, c’était au tour du général de carabiniers Carlo Alberto dalla Chiesa – le « vainqueur des brigades rouges » venu en Sicile combattre Cosa Nostra – d’être abattu en compagnie de son épouse et de son garde du corps à Palerme. En réponse à ces deux gifles publiques, la loi La Torre avait été définitivement adoptée 10 jours plus tard.

 

1. Sans laisser tomber les grands classiques que sont les trafics de drogues d’armes et la prostitution (qui dépend du « trafic d’êtres humains »).
2. Des prévenus se sont ainsi vus confisquer villas, appartements, terres, restaurants, voitures, etc. Si d’aventure certains étaient par la suite étaient reconnus innocents des faits incriminés, la justice devait leur restituer les biens confisqués – ou la somme équivalente -. La parade des mafieux a consisté à ne plus rien posséder en propre.

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Texte

Alain Rodier

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