« L’heure est venue de mettre fin à la plus longue guerre de l’Amérique », a déclaré le président Joe Biden à la mi-avril, confirmant le retrait de toutes les troupes étrangères d’Afghanistan.

Pourtant il y a vingt ans, en 2001, la guerre d’Afghanistan avait été lancée pour chasser les talibans et mettre en place une démocratie dans ce pays sortant à peine de trente ans de conflits armés. Mais c’était totalement ignorer les différentes invasions qui, au cours de l’histoire, s’étaient toutes mal terminées. Ces échecs auraient dû servir d’exemple.

Rapidement, les Américains et leurs alliés ont compris qu’il n’y avait pas de solution militaire et encore moins politique. Aussi, dans un premier temps, les présidents américains successifs ont été tentés de sortir du « bourbier afghan » en glissant le problème sous le tapis.

Ils se sont focalisés sur la guerre en Irak, puis ont réduit progressivement les effectifs, tout en engageant un « processus de paix » avec les talibans, et cela dans le dos du gouvernement de Kaboul. Mais ce n’est qu’à partir de la mort de Ben Laden en 2011 que le « terrorisme afghan » n’est plus la priorité.

Des négociations secrètes sont alors engagées avec les talibans à Doha, mais qui ne sont, en fait, qu’un jeu de dupes et un dialogue de sourds. C’est un jeu de dupes, car les Américains parlent au nom du gouvernement de Kaboul, sans que ce dernier en soit informé ; et les talibans jurent devant leur dieu qu’ils vont respecter le cessez-le-feu, alors que sûrs de leur force, selon les observateurs, ils contrôlent quasiment la moitié du territoire afghan (mais pas les grandes villes) et attendent que les forces étrangères quittent le pays pour déclencher leur grande « offensive de printemps ».

Selon les experts, aujourd’hui ce n’est qu’une question de temps avant que les talibans ne prennent totalement le contrôle de l’Afghanistan. Après – et les Afghans le craignent – une guerre civile comme celle qui avait suivi le retrait soviétique à la fin des années 1980.

C’est un dialogue de sourds, car la direction unifiée des talibans ne reconnaît pas le gouvernement à Kaboul (désuni), ni les accords de cessez-le-feu, ni les élections présidentielles.

Les talibans veulent uniquement revenir à un émirat, comme lorsqu’ils étaient au pouvoir entre 1996 et 2001. Et ils restent d’autant plus inflexibles que le retrait américain, donc de toutes les troupes étrangères, a été avancé par Washington au 4 juillet.

Ce qui a provoqué la fureur du gouvernement afghan et la stupeur des troupes de l’OTAN et de son secrétaire général, Jens Stoltenberg. De fait, le départ précipité des Américains contraint les quelque 10 000 hommes de la coalition internationale, très dépendante pour la logistique des États-Unis, à plier bagage rapidement.

Les attaques et attentats-suicides se sont multipliés, les négociations sont au point mort, et les talibans aux portes du pouvoir. Vingt ans après le début du conflit, des milliers de militaires morts et 1 000 milliards de dollars dépensés, ce départ sonne comme une retraite.

Bonne lecture
Eric Micheletti

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