Bruits de bottes, déclarations menaçantes, appel de réservistes, déplacement de matériels, exercices militaires sans fin et combats prolongés entre l’armée ukrainienne et les séparatistes prorusses du Donbass : tous les ingrédients sont là pour que la guerre reprenne en Ukraine.

Ces dernières semaines, dans la région du Donbass, les affrontements, d’abord sporadiques avec de l’armement léger puis continus avec de l’artillerie lourde, entre les deux adversaires ont pris une ampleur nouvelle, brisant le cessez-le-feu largement respecté pendant toute la deuxième moitié de 2020.

Début avril, le président ukrainien Volodymir Zelensky déclarait que la situation s’était gravement détériorée et désignait Moscou comme responsable, assurant que la Russie massait des troupes et de l’armement à la frontière russo-ukrainienne sous couvert d’exercices à répétition. Selon les observateurs, la Russie a accru effectivement ses pressions à la frontière avec l’Ukraine, mais pas uniquement dans le Donbass, également en mer Noire et en mer d’Azov.

Une flotte de canonnières et de barges de débarquement est arrivée des mers Baltique et Caspienne. Toujours début avril, les forces américaines en Europe étaient placées en phase de surveillance renforcée pour faire face « à une crise imminente potentielle ».

Selon les spécialistes, Moscou testerait le noueau président américain, qui a toujours soutenu l’Ukraine. Les relations entre les deux capitales sont au plus bas depuis que Joe Biden a traité Vladimir Poutine de « tueur ». Et aussi depuis que le président ukrainien a appelé l’OTAN à accélérer l’adhésion de son pays afin d’envoyer un « vrai signal » à la Russie. Moscou a aussitôt réagi, déclarant que l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN « aggraverait le conflit entre séparatistes prorusses et forces ukrainiennes ».

De son côté, l’armée américaine a annoncé que, mi-avril, plus de 4 000 soldats russes étaient encore présents très près de la frontière – alors que les exercices étaient officiellement terminés – et que des « citoyens » russes circulaient dans les territoires séparatistes. Et de préciser que la Russie n’avait pas massé autant de troupes face à l’Ukraine depuis 2015. L’un des proches de Vladimir Poutine, Dmitri Kozak, a été très clair : « La Russie sera obligée de défendre les citoyens du Donbass si cela s’avère nécessaire. Et cela dépendra du niveau de violence dans la région. » Moscou évoque la protection de la population locale à laquelle elle a distribué des passeports russes et accuse Kiev de se préparer à la confrontation et d’aggraver volontairement la situation. Ce que réfute l’Ukraine, qui, elle, accuse les séparatistes d’être à l’origine des multiples violations du cessez-le-feu.

Dernièrement, on s’agitait beaucoup, du côté des séparatistes, où de l’armement lourd est arrivé en nombre. Mais, selon les prorusses, l’armée ukrainienne se préparerait pour une grande offensive en mai… En réalité, le Kremlin cherche à pousser Kiev à la faute et à rejouer le scénario géorgien de 2008 où, en quelques jours, il avait mis à genoux cette ancienne république soviétique qui s’était rapprochée de l’OTAN. Moscou n’a pas grand-chose à craindre des Occidentaux.

Ces derniers n’ont rien fait, en 2008, pour aider les Georgiens ; en 2014, la prise de la Crimée les avait sidérés ; ils ont laissé les Russes intervenir en Syrie en 2015 et faire gagner Bachar el-Assad ; et ils ont assisté à l’arrêt des combats au Haut-Karabagh en 2020, quand Vladimir Poutine l’a décidé…

Bonne lecture.
Eric Micheletti

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