Pour l’analyste que je suis, dix ans ont passé depuis la mort d’Oussama Ben Laden à Abbottabad au Pakistan lors de l’opération « Neptune Spears » (le Trident de Neptune) menée par les Navy Seals américains dans la nuit du 1er au 2 mai 2011 et dirigée par l’amiral William H. McRaven. Cela semble être avant-hier !

Même si des esprits complotistes ont émis des doutes, il était bien derrière les attentats du 11 septembre 2001 qui ont frappé les tours jumelles du World Trade Center et le Pentagone. Le cinquième avion de ligne, le vol United Airlines 93, qui devait frapper la Maison-Blanche ou le Capitole (en deuxième objectif) n’est pas parvenu à destination grâce au courage et à l’esprit de sacrifice des passagers du vol qui avaient été avertis par téléphone portable de ce qui venait de se passer à New York.

A partir de 2001, il était l’ennemi public numéro Un aux États-Unis, tout renseignement permettant sa capture (ou sa neutralisation) étant rémunéré jusqu’à 25 millions de dollars. La traque menée par la CIA pendant dix ans a conduit les enquêteurs jusqu’à Abbottabad, ville de garnison tranquille située à deux heures d’Islamabad. Trois autres personnes dont l’un de ses fils âgé de 24 ans, ont également été neutralisées lors du raid. Les commandos sont repartis avec la dépouille de Ben Laden et des documents, des ordinateurs et autres clefs USB qui ont ensuite été précieux pour connaître les ressorts de la nébuleuse Al-Qaida. Cet épisode a été popularisé par de nombreux livres, films et autres séries. Il est donc inutile de revenir sur les détails maintenant largement connus.

Toutefois, il est utile pour l’Histoire d’apporter quelques précisions.
. Lors du conflit afghan contre les Soviétiques, Ben Laden n’a jamais été « traité » directement par la CIA ou un autre service de renseignement américain. Il avait été recruté par le prince saoudien Turki al-Fayçal qui dirigeait les services saoudiens du General Intelligence Presidency (GIP) qui, en coopération avec leurs homologues pakistanais de la Direction pour le renseignement inter-services ou Inter-Services Intelligence (ISI) se chargeaient d’encadrer le jeune millionnaire pour qu’il apporte son aide aux moudjahiddines étrangers via le Maktab al-Khadamāt (MAK, Bureau de services) qui, contrairement à la légende, n’a recruté que quelques centaines de combattants contre monnaie sonnante et trébuchante.

. Il a très peu participé à des combats directs même si la propagande lui a taillé un costume de moudjahiddin héroïque qui aurait récupéré le fusil d’assaut AKS-74U avec lequel il aimait à se faire photographier.
. Même le KGB et le GRU ne lui ont pas attribué une grande importance à l’époque. Il était vraisemblablement présent dans leurs fichiers, mais sans plus…
. Al-Qaida qui veut dire la « base » n’a pas été créé durant la guerre contre les Soviétiques mais au moment où Ben Laden était réfugié au Yémen (1992-96) sous la protection d’Hassan al-Tourabi qui était vraiment l’homme qui a fondé l’« internationale jihadiste ». Certes, les fichiers du MAK (d’où le nom de « base… de données ») ont été utiles pour retrouver d’anciens moudjahiddines.
. Ben Laden s’en est d’abord pris à la monarchie saoudienne qui n’avait pas reconnu ses mérites de moudjahidine et qui, de plus, avait rejeté sa proposition de mise à disposition de ses volontaires lors de l’invasion du Koweït par l’Irak en 1991. Riyad avait préféré l’aide des Américains et des Occidentaux.
. Sa haine contre ces derniers date de cette époque : des « mécréants » qui étaient venus souiller le terre des lieux saints…
. Les premières opérations marquantes d’Al-Qaida ont été les attentats du 7 août 1998 contre les ambassades américaines de Nairobi et de Dar es Saalam. Curieusement, Washington n’a pas accordé l’importance nécessaire à ces actions terroristes alors que ses alliés – Français en premiers – sonnaient le tocsin.
. Malgré les difficultés dues à la clandestinité suite à l’invasion de l’Afghanistan en 2001, Oussama Ben Laden est resté aux commandes de sa « nébuleuse » qu’il ne faut évidemment pas comparer à une organisation occidentale avec de beaux organigrammes, des objectifs à atteindre à court terme, etc…

Sans tomber dans le pessimisme, Al-Qaida « historique » existe toujours dix ans après. Sauf confirmation du contraire, le second de Ben Laden, le docteur Ayman al-Zawahiri est toujours aux manettes, des branches d’Al-Qaida sont très actives au Sahel (où la France est en première ligne), en Somalie, en Afghanistan, en Syrie et plus discrètement dans le Caucase et en Extrême-Orient.

Son premier adversaire est Daech, l’ancienne branche irakienne de la nébuleuse qui a fait sécession.
Les deux mouvements partagent la même idéologie, le salafisme-jihadisme.

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Texte

Alain Rodier

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