Une nouvelle vidéo de la wilayat Sinaï a été diffusée au début janvier 2021. La dernière datait de décembre 2019. Cette « production » met en avant l’emploi d’Engins explosifs improvisés (IED), de snippers, la fabrication locale d’armes telles des lances roquettes portables (et des IED), les enlèvements et l’assassinat de militaires et de collaborateurs du pouvoir dont des chefs de villages ou de tribus. A la différence des films précédents, celui-ci fait ouvertement référence à la coopération d’Israël à la lutte antiterroriste menée par l’Égypte.
Les possibilités de déplacement sont limitées car les véhicules 4×4 sont interdits de circulation dans le Nord-Sinaï depuis juillet 2015. Bien qu’ils aient constitué un véritable arsenal provenant majoritairement de Libye, les jihadistes bricolent de nombreuses armes et engins explosifs improvisés (IED) tout en récupérant armements et munitions lors de raids lancés contre l’armée égyptienne.
Un peu d’Histoire
Le mouvement islamique radical Ansar Baït al-Maqdis (les partisans de Jérusalem) ou Ansar Jerusalem est né dans les années 2000 mais a surtout pris de l’importance lors des printemps arabes de 2011. Surtout constitué de Bédouins à l’origine, il a initialement cantonné ses opérations au Sinaï en s’attaquant aux Israéliens, en particulier en sabotant les gazoducs passant par cette région. Sur le plan idéologique, les Bédouins se considéraient comme marginalisés par le Caire et avaient reçu le renfort d’activistes des Frères musulmans qui leur avaient expliqué que la cause islamique était la seule issue possible. Le printemps arabe et l’arrivée des Frère musulmans au pouvoir ont été accueillis avec enthousiasme. Mais le 3 juillet 2013, le général Abdel Fattah al-Sissi a renversé le président Mohamed Morsi. Élu président en mai 2014, le nouveau « maréchal-président » a considéré que les réseaux jihadistes dans le Sinaï menaçaient la sécurité nationale. En effet, une vague de violences sans précédent s’est emparée de la région, les jihadistes se retournant contre les forces gouvernementales en désignant les militaires comme des « mécréants » et al-Sissi comme « apostat » (traître à l’islam). Depuis, c’est une véritable guérilla qui s’est mise en place. Le 27 juillet 2013 a obtenu l’autorisation d’Israël de se déployer en force au Sinaï. Elle a notamment isolé le Nord-Sinaï de la bande de Gaza en détruisant les tunnels qui y conduisaient et créant une zone de sécurité d’un kilomètre de large le long de la frontière.
Ansar Baït al-Maqdis a prêté allégeance à Daech le 10 novembre 2014 et a pris l’appellation de « wilayat Sinaï ». Un de ses cadres important, un ancien des forces spéciales égyptienne, Hesham Ali Ashmawy , a refusé cette allégeance et crée son propre mouvement « al Mourabitoune » (qui porte le même nom que celui de l’Algérien de Mokhtar Belmokhtar) tout assurant de sa fidélité al-Qaida « canal historique ». Arrêté à Derna (Libye) par les forces du Maréchal Haftar, il a été extradé vers l’Égypte où il a été exécuté le 4 mars 2020. Depuis la représentation d’Al-Qaida en Égypte est surclassée par la wilayat Sinaï.
Elle s’est fait connaître à l’international par deux grands coups d’éclat : l’assaut sur Sheikh Zuweid le 1er juillet 2015 (30 militaires tués) et du vol russe Metrojet 9268 le 31 octobre 2015 (224 morts). Depuis, elle s’est s’installée dans le paysage du Nord-Sinaï contrôlant une partie des campagnes, des villages pour enfin pénétrer les quartiers périphériques des villes situées au sud de Rafah. La grande crainte des autorités israéliennes est que la wilayat Sinaï ne prenne le pouvoir dans la bande de Gaza mais, pour le moment, le Hamas l’en a empêché.
La présence de la wilayat Sinaï semble moins pesante pour les populations que celle de l’armée égyptienne qui est considérée comme une force d’occupation par les Bédouins. Selon des analystes spécialisés sur la région « Ils (les jihadistes) font bien attention à épargner les civils, sans pour autant se mêler à la population. Quant aux cadres, ils sont en majorité bédouins […] Tous les cheikhs ont fui le Nord-Sinaï, l’armée étant incapable de les protéger. L’organisation espère rallier le soutien des jeunes générations, plus sensibles aux thèses salafistes-jihadistes qu’au système tribal considéré comme dépassé ».
La wilayat Sinaï est l’une des « provinces » de Daech les plus active sur le terrain. Elle est parvenue à prendre le dessus sur les groupes concurrents dépendant d’Al-Qaida « canal historique ». Malgré la très grande supériorité de l’armée égyptienne, elle parvient à maintenir un climat d’insécurité permanent tout en ne se mélangeant pas à la population, ce qui est une singularité par rapport à ses homologues sur d’autres théâtres de guerre. Autre particularité, elle n’accueille que peu de volontaires étrangers. Ce sont des gages de sécurité, les services de renseignement ne bénéficiant ainsi pas de sources humaines à même de les informer. Son combat reste principalement local mais les jihadistes ne parviennent pas à descendre vers le Sud du Sinaï pour s’y implanter durablement (en dehors de coups de main et d’attentats rapidement exécutés). Au nord, ils sont bloqués par les Israéliens et … le Hamas (qui est un mouvement surtout nationaliste et peu religieux). La crainte actuelle est la multiplication des attentats sur l’ensemble du territoire égyptien.
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