Le 30 décembre alors qu’un avion de ligne à bord duquel se trouvaient des membres du nouveau gouvernement légal yéménite (dont le Premier ministre Maeen Abdulmalik Saeed) nommés par le président Abed Rabbo Mansour Hadi la semaine dernière venait de se poser sur l’aéroport d’Aden, un bombardement a eu lieu provoquant la panique et la mort d’au moins 26 personnes (une cinquantaine de personnes auraient été blessées). Au moins deux missiles balistiques ont frappé l’aéroport et en particulier le terminal. Les membres du gouvernement n’ont pas été touchés mais ils ont été évacués dans le plus grand désordre vers la résidence de la présidence (le Mashiq Palace) situé en ville. Il semble que ce complexe ait ensuite été visé par un drone qui aurait été détruit par la défense anti-aérienne.

L’envoyé spécial de l’ONU Martin Griffiths a condamné cette action comme un « acte intolérable de violence […] cela rappelle tragiquement combien il est urgent de ramener le Yémen dans la voie de la paix ».

C’était le début du retour au Yémen du gouvernement légal réfugié à Riyad depuis 2015 grâce à un accord conclu avec les groupes séparatistes sudistes(1) rassemblés au sein du Conseil de Transition du Sud (CTS) qui contrôle de fait Aden et qui est soutenu par les Émirats Arabes Unis (EAU). Ces derniers sont membres de la coalition emmenée par l’Arabie saoudite (qui est derrière le président Hadi) dirigée contre les rebelles Houthis depuiis 2015. Des négociations quadripartites avaient lieu depuis un an entre Riyad, les EAU, le CTS et le président Hadi pour arriver à consituer ce gouvernement de 24 membres. Certains des 24 ministres proviennent du CTS.

Les Houthis utilisent fréquemment des missiles sol-sol ainsi que des drones armés qui visent très majoritairement des objectifs en Arabie saoudite. Mais, ils sont parfois employés en interne. Ainsi en décembre 2019, c’est un défilé militaire d’une milice sudiste faisant partie de la « Ceinture de Sécurité », la branche armée du CTS (cité plus avant) ayant lieu dans la ville de Dhalea située au nord d’Aden qui avait été ciblé faisant des dizaines de victimes. Cette technologie héritée de la Garde républicaine yéménite qui avait rejoint les Houthis au début de la guerre civile est opérationnelle grâce à l’aide technique de Téhéran. Par contre, un point essentiel n’est jamais assez souligné : les Houthis bénéficient de bons renseignements au Yémen comme en Arabie saoudite, ce qui leur permet de frapper avec précision des cibles très symboliques, le côté opérationnel étant secondaire.

Cela dit, les Occidentaux arment sans états d’âme les Saoudiens (certes, les Houthis sont fondamentalement anti-Occidentaux, anti-Américains et anti-Israéliens). Ainsi, l’administration Trump a fait adopter par l’agence US chargée des exportations d’équipements militaires la livraison en 2021 de 3.000 bombes GBU-39 SDB à l’Arabie Saoudite pour un montant estimé à 290 millions de dollars. L’Armée de l’air saoudienne qui bombarde quasi quotidiennement les régions tenues par les Houthis en a cruellement besoin. En 2020, le président Trump avait vendu pour 8,1 milliards de dollars de matériels militaires à Riyad. Il est toutefois possible que cette dernière livraison soit retoquée par les représentants et les sénateurs américains en raison de l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche. Ce dernier veut donner une nouvelle image de marque mais il n’est pas certain qu’il y parvienne. Washington a vitalement besoin de Riyad pour permettre son désengagement du Proche-Orient tout en préservant la sécurité d’Israël.

Cette guerre oubliée a de multiples facettes tant les acteurs sont divers et variés, les Houthis, les ex-militaires de la Garde républicaine présents dans tous les camps, le gouvernement légal de Hadi soutenu par Riyad, les Sudistes par les EAU, Al-Qaida dans la Péninsule Arabique (AQPA) et Daech. Elle a fait plus de 120.000 victimes dont majoritairement des civils. Il en découle une des crises humanitaires les plus importantes de la planète mais, c’est désormais le lot de nombreuses régions…

1. Ces milices espèrent pouvoir revenir au “Yémen du Sud” qui a existé de 1967 à 1990. Elles contrôlent la province d’Aden et l’île de Socotra. La capitale Sanaa est aux mains des rebelles Houthis qui contrôlent le nord-ouest du pays et qui continuent de grignoter du terrain vers l’est..

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Texte

Alain Rodier

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