BARKHANE OU SENTINELLE ?
À terme, même si l’épidémie du Covid-19 occupe la France entière et même si les forces armées sont très sollicitées, le gouvernement devra choisir le renforcement de l’opération Barkhane et le démontage progressif de la mission intérieure Sentinelle. Car le sommet de Pau en janvier 2020 et les annonces d’un renforcement des effectifs (soit 600 hommes) des forces déployées au Sahel ne sont pas sans conséquence sur la gestion des ressources humaines au sein de l’armée de Terre, qui assure le gros des effectifs de Barkhane, mais aussi de l’opération Sentinelle. Certes, Sentinelle a beaucoup évolué depuis 2015 quand elle a été lancée avec 10 000 hommes dans les rues, pour devenir petit à petit une mission intérieure « mobile et réactive ». Toutefois, le nombre de soldats « sur le papier » n’a pas changé. Ils sont répartis en trois niveaux : le premier correspond au dispositif permanent ; le deuxième, à un « renforcement planifié » ; le troisième échelon, à une réserve stratégique de 3 000 hommes pouvant intervenir si le besoin le commande. Malgré cet artifice qui permet de ne plus engager réellement 10 000 éléments, la marge de manoeuvre de l’armée de Terre est plus que réduite avec ce renforcement au Sahel. Le problème a d’ailleurs été soulevé par le sénateur Cédric Perrin lors de l’audition du CEMA, le général François Lecointre, à propos de la situation au Sahel. La question était simple : « Comment concilier notre capacité à projeter en opération des soldats en nombre de plus en plus important, avec d’une part l’opération Sentinelle qui mobilise entre 3 000 et 10 000 hommes et, d’autre part, les difficultés croissantes de nos soldats à s’entraîner et s’aguerrir ? » On se souvient qu’au plus fort de Sentinelle, l’armée de Terre avait été obligée d’annuler 70 % des rotations d’unités dans les différents centres d’entraînement… Et il n’est toujours pas question de réduire les effectifs engagés dans les autres opérations extérieures au Liban, au sein de la FINUL, et en Irak avec Chammal… Revenant sur le renfort de Barkhane, le général Lecointre a assuré que cet effort supplémentaire « est tout à fait soutenable, y compris dans la durée ». Par contre, concernant la sécurité intérieure, le CEMA a ajouté : « La question Sentinelle sera posée, car nous avons besoin de plus de souplesse sur cette opération, mais je ne souhaite pas l’ouvrir aujourd’hui. » Assurément, Sentinelle pose un gros problème à l’armée Terre, et son démontage progressif encore plus à l’étatmajor des Armées. Toutefois, la pandémie actuelle rebat les cartes, les forces armées et les forces de l’ordre étant totalement mobilisées pour assurer le maintient de l’ordre sur le territoire national.
Éric MICHELETTI
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