Les violences qui ont accompagné dans la capitale et en province les manifestations de gilets jaunes l’ont bien montré : police et gendarmerie n’ont plus les moyens techniques et humains de gérer des groupes évoluant tactiquement, sous protection (masque à gaz, combinaison de survêtement) et avec de quoi faire de grosses blessures (marteaux, vis et boulons projetés par des frondes, etc.). 49 unités mobiles (4 600 mobiles) étaient pourtant réservées au 1er décembre rien que pour Paris, où « seulement » 3 000 casseurs ont été recensés, selon la préfecture de police. Mais les casseurs étaient en force à l’Étoile, là où les unités mobiles étaient trop dispersées, notamment autour de points jugés névralgiques (Matignon, Élysée). Résultat : 14 000 grenades ont été tirées, en partie en pure perte, car les casseurs étaient protégés par des masques à gaz devenus assez courants. En une seule journée, CRS et compagnies d’intervention auraient tiré à elles seules 1 040 grenades de désencerclement, contre 796 sur toute l’année 2017. Ce même 1er décembre, 1 193 tirs de Flash-Ball et 339 de GLI-F4 ont également été requis.

En 2017, et du fait des manifestations de la loi travail, 511 policiers et gendarmes ont été blessés dans la capitale, contre « seulement » 150 deux ans plus tôt, rappelle une étude de l’Hétairie sur ce sujet. Seulement, les unités mobiles ont été dépecées par les réformes ces dix dernières années : il ne reste que 106 escadrons de gendarmerie mobile (EGM), 60 compagnies républicaines de sécurité (CRS) et 6 compagnies parisiennes (CI). 15 EGM avaient disparu dans la réforme générale des politiques publiques (RGPP) ; un seul, le 20/1 de Rosny, a été recréé depuis. La cadence reste extrêmement élevée, avec 199 jours en mission.

12 des 40 CRS mobilisables quotidiennement sont accaparées par la lutte contre l’immigration, 12 autres sont en sécurité parisienne (notamment du Premier ministre) et autant en police de sécurité du quotidien en Corse et à Lille, Lyon, Marseille, Toulouse.

Les EGM restent très mobilisés outre-mer sur des théâtres là aussi violents (Guyane, Nouvelle-Calédonie, Mayotte) tandis qu’ils sont, en plus, obligés de réaliser des services statiques pour les palais de justice et des transfèrements (que les ERIS du ministère de la Justice devaient, initialement, se charger). 44 EGM, soit 68 % du potentiel, sont utilisés quotidiennement dans les missions outre-mer (21 EGM), la lutte contre l’immigration (5,5), les sécurisations d’institutions parisiennes (3). On constate aussi que 8 unités mobiles sont utilisées pour des missions statiques.

L’action sur les ZAD, notamment Notre-Dame-des‑Landes (25 EGM et plusieurs CRS) a rempli les infirmeries. Et l’année 2019 ne promet pas d’être plus calme sur le front social. En point de mire, la sécurisation d’un G7 sans doute à Biarritz, qui va consommer un beau volume de forces mobiles et, très certainement, militaires. La COP21 avait mobilisé à elle seule 100 unités mobiles, soit 60 % du potentiel français

Ces carences en effectifs valent aussi pour les équipes d’interpellation mêlées aux manifestants et qui procèdent au recueil du renseignement et au « saute-dessus » sur les meneurs violents : BAC civiles, brigade de recherche et d’intervention (BRI-PP), brigades d’information de voie publique (BIVP, relevant de la Direction de l’ordre public et de la circulation).

Le 1er décembre, la préfecture de police a manqué de camions-pompes, une partie était manifestement en entretien. Un moyen simple consisterait à détourner des engins des pompiers ; c’est d’ailleurs ce qui est utilisé dans les bases aériennes pour repousser des manifestants. La gendarmerie elle-même manquerait de moyens, car une partie de ses 71 VBRG et 20 VAB (rachetés à l’Armée de terre) ne saurait suffire aux besoins ultramarins et métropolitains.

Publié le

Photos

Ministère de l'Intérieur