Régiment spécialisé dans les missions de renseignement et d’acquisition d’objectifs, le 185° Reggimento Ricognizione Acquisizione Obiettivi (RRAO) a participé à de nombreuses opérations au profit des troupes de la coalition. Plusieurs dizaines d’opérateurs ont notamment été déployés en Irak et en Afghanistan au cours des dix dernières années. Afin de vous faire découvrir les capacités opérationnelles de cette unité des forces spéciales italiennes, RAIDS a passé plusieurs jours sur le terrain au contact des commandos de l’Esercito.

Héritier du 185e régiment d’artillerie parachutiste « Folgore », le 185e RRAO a été constitué en 2004. Le but de l’armée de terre, à cette période, était de mettre à disposition des régiments conventionnels de l’Esercito (armée de terre italienne) des éléments spécialisés dans les patrouilles profondes, le renseignement et la désignation d’objectifs. Ce choix a principalement été dicté par un engagement fort du contingent italien en Afghanistan (depuis 2002) et en Irak (opération Antica Babilonia, 2003-2006). Il répondait également au besoin grandissant de disposer d’opérateurs spécialisés dans le renseignement et l’appui CAS (close air support). 

Depuis la création du régiment, plusieurs dizaines d’équipiers ont participé à plusieurs missions opérationnelles aux côtés des forces de l’OTAN. Ces missions, menées en opérations extérieures, ont permis au 185e RRAO d’acquérir une forte expérience au combat ces dix dernières années.

Les spécificités du 185e RRAO

 

Les commandos du 185e RRAO sont rattachés depuis 2013 au COMFOSE (Comando delle Forze Speciali dell’Esercito : Commandement des forces spéciales de l’armée de terre), l’équivalent du Commandement des forces spéciales terre (CFST) français. Ils sont, dans la plupart des cas, mandatés par le COFS (Comando interforze per le Operazioni delle Forze Speciali) pour rendre compte de ce qui se passe sur le terrain lorsque les intérêts de l’Italie sont menacés, au cours d’opérations militaires, ou pour des missions d’assistance (formation, mentoring…). Le COFS a été créé en 2004. A l’image du COS français, il est chargé de diriger et de mener les actions en opérations extérieures. Le COFS s’appuie pour cela sur les unités de l’armée de terre (9e régiment « Col Moschin », 185e RRAO, 4e régiment de chasseurs alpins « Monte Cervino », 3e REOS et 11e régiment de transmissions), de l’armée de l’air (17° Stormo Incursori), des carabiniers du Gruppo di Intervento Speciale (GIS) et des commandos Marine du Gruppo Operativo Incursori (GOI). 

En opérations extérieures, les personnels du 185e RRAO sont chargés de capter, de transmettre du renseignement, d’acquérir et de désigner des objectifs au profit des forces spéciales, de l’artillerie et du soutien aérien, quels que soient le lieu et les conditions d’intervention. Le régiment met en œuvre, pour cela, de petites unités autonomes et discrètes, à l’image du 13e régiment de dragons parachutistes (13e RDP) ou du 2e régiment de hussards (2e RH) français. Ces groupes sont formés et équipés pour intervenir sur tous les types de terrains (forestiers, désertiques, montagneux, urbains, nautiques…). 

Le 185e RRAO est capable de prendre en charge un large spectre de missions. Il dispose en effet de commandos formés et entraînés aux opérations spéciales. D’un point de vue structurel, le régiment a fait le choix de constituer des compagnies multi-capacités. Un schéma distinct de ce qui se pratique en France : les dragons du 13e RDP et les hussards du 2e RH regroupent leurs personnels au sein d’escadrons spécialisés. Cette organisation, qui diffère de ce qui se pratique dans l’Hexagone, est cependant parfaitement adaptée à la taille du 185e RRAO. On trouve ainsi dans les effectifs du régiment des commandos experts dans le ciblage (JTAC pour Joint Terminal Attack Controller), le renseignement, les transmissions, les patrouilles profondes en milieux hostiles (montagne, désert…), le tir à longues distances et les actions nautiques. Disposer de capacités spécifiques est primordial pour mener à bien les missions confiées aux Bérets rouges italiens. 

Le 185e RRAO s’attache cependant à entretenir certains fondamentaux. Les  hommes du régiment sont avant tout des commandos avant d’être des spécialistes de l’appui aérien, des chuteurs opérationnels, des tireurs d’élite ou des transmetteurs. L’endurance, la rusticité et la capacité à se fondre sur le terrain sont donc des qualités que doivent afficher les personnels de cette unité. Les missions sont longues, éprouvantes, et nécessitent la plupart de temps un engagement fort et soutenu.

Une sélection drastique

 

Le 185e RRAO, comme la plupart des unités de forces spéciales, est très attaché à la qualité de son recrutement. Il y a beaucoup de candidats, mais peu d’élus rejoignent le groupe. La sélection est drastique et, malgré des besoins grandissants, aucune concession n’est faite pour renforcer les effectifs au détriment de certains critères. 

Pour intégrer le 185e RRAO, les candidats doivent, dans un premier temps, passer plusieurs épreuves. Ces dernières sont organisées avec le concours d’autres régiments de forces spéciales de l’Esercito (185e RRAO, 9e « Col Moschin », 4e Ranger, 26e REOS), ce qui permet de rationaliser les moyens. Pour postuler au sein des forces spéciales italiennes, il faut au minimum avoir passé une année dans un régiment conventionnel de l’armée de terre. 

La sélection débute par des tests d’aptitudes physiques qui doivent être effectués à un rythme soutenu. Les postulants présélectionnés rejoignent ensuite le RAFOS (Reparto Addestramento Forze Speciali : département de formation des forces spéciales) pour deux semaines intenses. Deux sessions sont organisées chaque année. Les instructeurs sont chargés au cours de cette période de tester la motivation ainsi que les capacités morales et physiques des candidats. Ces derniers sont alors confrontés au danger, au stress, à la pression et à la fatigue. Les temps de récupération sont extrêmement courts et ponctuent de façon intermittente les périodes d’instruction et de conditionnement physique. Nombre de candidats abandonnent ou sont éliminés au cours de cette période. Ceux qui réussissent ces épreuves sont admis au stage OBOS (Operatore basico operazioni speciali : formation basique des opérateurs) afin de se former aux rudiments des forces spéciales. Ces cours sont également dispensés au 9e « Col Moschin » par des instructeurs rattachés au RAFOS. Ils s’étalent sur 15 semaines. 

Durant cette période, les élèves enchaînent les semaines d’instruction. Ils travaillent la topographie, l’orientation et les techniques de repérage sur le terrain. Ils peaufinent également leur apprentissage au niveau des tactiques et des procédures d’intervention. Les techniques de progression, de camouflage, d’intervention et de réarticulation au combat sont aussi travaillées. C’est également au cours du stage OBOS que les futurs commandos apprennent à opérer en toute autonomie sur le terrain. Quelques formations spécifiques sur les transmissions et les procédures de secours au combat sont aussi dispensées durant ces 15 semaines. 

Le stage OBOS se termine par une période de synthèse de deux semaines. L’objectif pour les stagiaires est de mettre en œuvre tout ce qu’ils ont appris au cours de leur formation pratique et théorique. Un exercice complexe sur plusieurs jours et des tests de synthèse viennent alors clôturer la fin des épreuves. Seuls 50 % des candidats (environ 30 militaires) terminent avec succès le parcours OBOS. 

Les postulants qui décident de rejoindre le 185e RRAO après l’OBOS démarrent quelques semaines plus tard une formation à Livourne, axée sur les spécificités opérationnelles du régiment. Celle-ci est articulée autour de plusieurs phases et s’étale sur 45 semaines. 

Au cours de cette spécialisation, les commandos participent à sept stages distincts. Le premier est consacré à la planification et à la mise en œuvre de patrouilles profondes en territoire hostile. Les apprentis commandos apprennent à évoluer sur le terrain en toute autonomie durant plusieurs jours et testent leurs capacités à survivre, à résister à la captivité et à mettre en œuvre des techniques d’évasion pour s’extraire d’une situation difficile. Le deuxième stage (Terminal Guidance Operations Course) est consacré à la maîtrise des procédures d’acquisition d’objectifs et à la gestion des appuis feux (aériens, artillerie terrestre et navale). 

Le troisième stage porte sur les techniques de renseignement (Intelligence Course). C’est au cours de cette étape que les élèves s’initient aux techniques de camouflage, d’observation, d’identification, et apprennent à utiliser les matériels spécifiques pour capter du renseignement (prises de vue jour/nuit, caméra thermique, échange de données par liaison satellite…). 

A l’issue de cette phase, la formation se poursuit par un quatrième stage axé sur les techniques d’insertions amphibies. Les stagiaires y apprennent comment s’insérer et s’extraire depuis une embarcation ou un hélicoptère CH-47 Chinook (parachutage, récupération de personnel en mer…).

Le cinquième stage est consacré à la progression hivernale en montagne, au ski et aux procédures de survie en milieu arctique.

Deux stages viennent conclure la formation de base des opérateurs du 185e RRAO : l’un d’entre eux est consacré à la chute libre et au matériel utilisé pour ce type de mission ; le dernier est axé sur l’apprentissage de l’alpinisme.

Moyens opérationnels 

 

Spécialisés dans les missions de renseignement et de désignation d’objectifs, les commandos du 185e RRAO doivent être en mesure d’évoluer sur n’importe quel terrain pour observer ou détruire un objectif. Ces derniers sont donc formés pour s’infiltrer ou s’extraire à pied, en véhicule, en bateau ou avec l’appui d’aéronefs. 

Le renseignement d’origine humaine de reconnaissance (ROHUM-R), qui consiste à observer l’ennemi sans effectuer de contact direct, fait partie des prérogatives des commandos italiens1. Le régiment utilise pour cela des matériels informatiques (PC durcis), optiques (dispositifs de vision longue distance Steiner, Swarovski…), optroniques (jour/nuit, thermique de type Sophie et Coral…), photographiques, vidéo, ainsi que des dispositifs de transmissions sécurisées par satellite. Les capacités du 185e RRAO devraient également s’étoffer à moyen terme avec l’acquisition de plusieurs drones d’observation. 

Côté ciblage et désignation d’objectifs, le 185e RRAO compte dans ses effectifs plusieurs JTAC très expérimentés pour mener à bien des missions TGO (terminal guidance operations). En Italie comme en France, l’Afghanistan a permis au régiment de développer de véritables compétences dans le domaine. Le 185e RRAO est aujourd’hui reconnu comme un centre d’expertise. Il entretient les qualifications de son personnel et de plusieurs unités FS italiennes. Le régiment dispose à Livourne d’un simulateur d’entraînement similaire aux modèles qu’on peut trouver au centre de formation de Guidonia2. Les JTAC sont dotés de désignateurs laser ELOP PLDR-II avec dispositifs See-Spot3, de marqueurs laser et de jumelles Sophie (Thales), Coral (Elbit) et Mk VII (Northrop Grumman) pour la télémétrie et l’extraction de coordonnées GPS. Parfaitement rodés aux procédures OTAN, les JTAC du 185e RRAO ont la capacité de diriger des frappes d’artillerie et aériennes avec une grande précision. Les Italiens restent très discrets sur les missions menées à l’extérieur du pays, et rien ne filtre sur le sujet.

Pour atteindre un objectif isolé, les commandos du 185e RRAO peuvent s’infiltrer de différentes façons. Pour se déplacer en véhicule sur les terrains opérationnels, ces derniers disposent d’Iveco VTLM Lince et de VM-90. L’utilisation de 4 x 4 blindés multirôles correspond aux besoins actuels du régiment et permet aux équipes de se fondre dans la masse lorsqu’ils sont imbriqués avec des unités conventionnelles italiennes. 

Les commandos italiens utilisent également les moyens aériens qui sont mis à leur disposition pour se projeter loin de leur base. Ils peuvent être déployés depuis des CH-47, des UH-90A et des HH-412A ou avec l’appui d’avions de transport de l’Aeronautica Militare. Ils maîtrisent la descente en corde lisse et l’extraction par grappe. En tant que commandos et chuteurs opérationnels, les équipiers peuvent également être parachutés en mer ou à terre, de jour comme de nuit.

Afin de compléter les capacités opérationnelles du régiment, chaque compagnie aligne également un contingent de personnels formés aux actions nautiques. Au sein de chacune d’entre elles, on trouve ainsi plusieurs nageurs-palmeurs et des pilotes d’embarcation. Ces derniers mettent en œuvre plusieurs types de semi-rigides (Zodiac Hurricane Mach-2 avec deux moteurs de 370 chevaux), d’embarcations légères pliables (Zodiac FC-470) et de kayaks. Ils sont notamment formés pour être largués en mer avec leur matériel à partir d’avions ou d’hélicoptères. Les vecteurs nautiques sont essentiellement utilisés au régiment pour s’infiltrer ou exfiltrer du personnel. L’unité n’a pas, en effet, pour vocation de mener des actions offensives sous-marines. Ces missions sont aujourd’hui dévolues aux commandos Marine du COMSUBIN.

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Alexandre ALATI