Dernier régiment à opérer les AUF1, le 40e RA est aussi un régiment d’artillerie généraliste, avec ses mortiers de 120 mm et ses Caesar, ses moyens de guidage des feux, de surveillance, mais aussi des Masstech et des HK416 qui arrivent en dotation. RAIDS est allé au-devant de ses artilleurs, de retour d’opex (Côte d’Ivoire, Irak2) et en Sentinelle.

Le 40e RA est un régiment qui cultive les traditions, comme en témoignent une salle d’honneur plutôt riche, le bâtiment-PC où l’on retrouve le poids de l’histoire, ou bien les matériels qui ont traversé les temps comme ces obusiers d’après-guerre.

L’étendard du régiment est décoré de la croix de la Valeur militaire pour ses mandats en Afghanistan entre 2008 et 2012. Le 9 juin 2012, le régiment y avait perdu trois des siens : le brigadier BRI Yoann Marcillan, le maréchal des logis Pierre-Olivier Lumineau et le maréchal des logis-chef Stéphane Prudhom, insérés au sein du Battle Group « Acier ».

Le 40e RA revient du Mali, d’Irak, mais aussi de Côte d’Ivoire, des Emirats arabes unis, de Guyane et du Sénégal. 700 artilleurs ont été déployés sur une année glissante. Actuellement, des personnels sont à Djibouti (1re batterie ou B1) et surtout en Vigipirate sur Paris (sept sections et un état-major tactique, soit 280 militaires du régiment). Il va commencer sa préparation opérationnelle avec le cycle CENTAC (centre d’entraînement tactique) et CENZUB (centre d’entraînement en zone urbaine) début 2019 pour être engagé ensuite sur tous les théâtres dans le courant de l’année. 500 artilleurs seront projetés, mais la programmation n’est pas encore dévoilée. 

Effectif et matériel

Le régiment emploie (hors réserve) 51 officiers, 243 sous-officiers et 572 engagés volontaires, soit 866 hommes et femmes. Six formations initiales (FGI), qui concernent entre 120 et 160 artilleurs, sont menées chaque année. Une bonne partie des arrivants provient des Hauts-de-France et de l’Ile-de-France. Le régiment emploie 8 % de femmes, ce qui est un peu en dessous de la moyenne ; par contre, il avait le plus grand nombre de commandants d’unité féminins jusqu’en juin : trois batteries d’active et la batterie de réserve.

La batterie d’acquisition et de surveillance (BRAS) est la plus récente (2016) : elle emploie 108 artilleurs (dont huit femmes), commandés encore en juin par la capitaine Jessica (qui a rejoint, depuis, l’état-major du régiment). Elle reprend les missions tenues, un temps, par les batteries de renseignement brigade (BRB) qui ont disparu, en l’occurrence la BRB de la 2e brigade blindée à laquelle appartient le 40e RA. Elle dispose d’un radar BOR-A récent, acquis dans le cadre des urgences opérations de l’Afghanistan, et deux RASIT plus anciens. Le radar MURIN, qui succédera au RASIT en augmentant les performances (il peut servir au guidage d’artillerie et au renseignement), doit arriver fin 2018-début 2019. Le BOR-A sera conservé.

Le 40e RA dispose de deux systèmes à quatre drones de reconnaissance au contact (DRAC). Les vols sont réalisés à Mourmelon, Bitche, Grostenquin, Canjuers et Vouziers. 50 vols DRAC ont été effectués depuis juillet 2016. 

Une équipe DRAC regroupe trois personnels : deux télépilotes et un chef d’équipe. L’un se charge de la caméra et l’autre de la gestion du vecteur aérien. Mais le DRAC est « sensible au vent et à la chaleur », rappelle un des membres de l’équipe. Il ne fonctionne pas de -5°C à 40°C à cause des batteries ; ce qui, dans le contexte sahélien, peut trouver ses limites. Avec une caméra jour, l’autonomie s’élève à 75, voire 90 minutes de fonctionnement, mais entre 45 et 60 minutes seulement avec le module infrarouge. 

Les personnels sont formés au 61e régiment d’artillerie de Chaumont, le régiment drones de l’Armée de terre, puis à Dax, dans l’aviation légère, pendant un mois. La formation dure deux mois pour un militaire du rang, quatre mois pour un chef d’équipe. Les pilotes doivent réaliser des vols de remise en carte s’ils sont restés inactifs trop longtemps, puisqu’ils doivent voler 20 minutes tous les trois mois. Actuellement, ils volent une ou deux fois par mois, nous ont-ils confié. 

On l’a vu plus haut, le DRAC a de fortes restrictions sur ses batteries, que ce soit les températures ⇐ d’emploi ou leur endurance. Donc, le régiment attend « avec impatience » le SMDR (système de minidrone de reconnaissance), annoncé en 2019. Développé par Thales, le SMDR promet une endurance doublée (une spécification qui a connu quelques déboires pendant le développement, à cause des… batteries) et une portée plus importante pour la liaison de données.

Actuellement, une équipe drone est motorisée sur deux PVP. Sur le terrain, deux équipes peuvent travailler de concert, en mode « perroquet » dans lequel une première équipe déploie son drone en vol, l’autre la devance de 5 km pour qu’il y ait en permanence un enfin en vol. Et ainsi de suite.

« On développe la culture rens à la cellule acquisition surveillance ciblage », explique un de ses cadres. Une des justifications est l’arrivée prochaine du radar MURIN, plus évolué qu’un RASIT actuel. Il sera également possible de détecter et d’acquérir les objectifs avec la caméra télescopique Margot, dont plusieurs exemplaires avaient été achetés dans le cadre des urgences opérations de l’Afghanistan. Actuellement, chaque base de l’opération Barkhane détient au moins un de ces équipements, utilisable en poste fixe dans la FOB, ou hors de la FOB, sur des points hauts, lors d’opérations. 

Dans le cadre des réflexions de la 2e brigade blindée, le 40e RA a mis sur pied une section légère d’appui spécialisée (SLAS) pour constituer un échelon de couverture des futurs modules Scorpion, même si elle est déjà, dans les faits, opérationnelle. Pour « attaquer l’ennemi par-derrière, on doit pouvoir projeter rapidement des équipes légères », explique un officier. C’est ce que le régiment a déjà fait à Barkhane en déployant BOR-A, RASIT, Margot (4 km de détection, 9 km de primo-détection), DRAC, et en réalisant du réglage de tirs avec ces moyens. La SLAS utilise tous les capteurs disponibles pour la manœuvre, au sein d’un escadron de reconnaissance blindé ou pour guider des tirs d’artillerie depuis les hauts d’une zone urbaine, par exemple. Dans une certaine mesure, reconnaît-on, c’est une revisite des éléments d’observation dans la profondeur (EOP) qu’avait connus l’artillerie dans les années 90 (avec moins de matériels néanmoins).

Fin janvier dernier, une expérimentation a permis à un JTAC (spécialiste du guidage des appuis) ⇐ d’autoriser un tir d’artillerie. Il faut rappeler que le DRAC était notamment prévu dans ce rôle il y a plus de… 10 ans lors de sa mise en service.

La BAS détient aussi deux des cinq équipes JTAC régimentaires, chaque batterie de tir en détenant également une. 520 guidages ont été engrangés depuis 2016. Ces équipes utilisent trois VAB OPS pourvus d’un tourelleau doté d’une voie électro-optique avec trois grossissements à 2,5, 5 et 10, d’une voie optique infrarouge et d’une dernière voie laser télémétrique uniquement (portant à 10 km, avec une précision de 5 m). Globalement, la précision est de 20 m. La détection peut être réalisée à 5 km, la reconnaissance à 2,5 km, et l’identification à 1,8 km. Armé par quatre artilleurs, il a servi au Kosovo, en Afghanistan, au Liban et au Sahel.

Des VOA (sur châssis AMX10) vont être reversés au régiment, ils ont les mêmes fonctionnalités que les VAB OPS. Le personnel peut aussi utiliser des jumelles multifonctions JIM LR. Raccordée à une Vector, la JIM LR permet de constituer un kit Viper utilisable notamment pour du guidage aérien. Le régiment peut profiter de la proximité des avions de chasse de Nancy (Mirage 2000D) et de Saint-Dizier (Rafale) pour réaliser de très nombreux entraînements au guidage ; ce qui en fait vraisemblablement un des régiments les plus privilégiés dans ce domaine.

La nouvelle station météo

 

La station d’élaboration des profils atmosphériques radiosondages pour l’artillerie a été développée par Ineo sur une base PVP. Le véhicule dispose d’une circulaire pour mitrailleuse ANF1 ou MAG‑58. La station est répartie sur deux PVP : l’un a le système météo, et l’autre est un véhicule d’allègement pour les consommables et l’hélium. Le matériel est arrivé le 17 juillet 2017 et c’est, de fait, le matériel majeur le plus récent du régiment. Il a été projeté par la STAT, après validation, en Irak. S’il est toujours possible d’obtenir en opérations un bulletin météo, le radiosondage permet d’avoir une perspective plus fine car plus locale. Il emploie un ballon et une sonde biodégradable. Le ballon de 200 g peut voler jusqu’à 10 km d’altitude et sur 36 km de distance. Il permet de procurer à la station un graphique en ligne météo. Il est aussi possible de procéder à un sondage optique.

En Irak, les pressions étaient données à 24 heures, par des sites internet par exemple. Mais la station peut le faire sur de l’instantané, il est même possible de faire un sondage en roulant grâce à la liaison hertzienne entre le ballon et le PVP. Ce dernier dispose d’un poste Atlas, qui transmet les données à l’ensemble de la chaîne artillerie. Un seul ensemble PVP est fourni par régiment d’artillerie. 

Selon le sous-officier qui nous l’a présenté, « c’est un matériel très bien pensé », avec, notamment, des porte-palans pour les charges lourdes. 

La batterie sol-air

 

Le 40e RA a été le dernier régiment à être doté de missiles sol-air Mistral de MBDA, avec une montée en puissance à partir de 2016, et des radars NC1, avec des moyens de Liaison 16. Les trois sections disposent de 18 postes de tir Mistral, un missile guidé par infrarouge portant à 6 km en couche basse. 

Les opérateurs sont formés en trois mois, et sont biqualifiés sur canon de 20 mm. Ceux qui tirent les missiles sont sélectionnés parmi les meilleurs pour les écoles à feu qui se tiennent au centre d’essais des Landes ou au Levant. 18 missiles ont été tirés lors de la dernière école à feu, contre quatre missiles en général. Les postes de tir Mistral disposent d’une nouvelle caméra sol-air, utilisable également en sol-sol, aussi bien en optique qu’en thermique.

Elle permet l’extraction de coordonnées. Une section à six pièces a été déployée pour la mission Lynx en Estonie pendant un mois, pour un total d’une trentaine d’artilleurs, avec un détachement de liaison, d’observation et de coordination (DLOC). Une section sol-air est rentrée de Guyane en février, où elle protégeait le Centre spatial guyanais au sein du 3e régiment étranger d’infanterie (REI). Une section à quatre pièces doit être envoyée au Liban en 2019.

Depuis son entrée en service en 1988, le Mistral est un des rares matériels de l’armée française qui n’a pas eu à servir, sauf à l’entraînement.

La batterie de réserve 

 

La batterie de réserve (B5) est à 140 hommes et femmes, et ces réservistes font entre 37 et 40 jours par an. 48 réservistes étaient affectés à Sentinelle en août 2018, au sein d’un groupement d’environ 250 artilleurs du régiment. La B5 est une des batteries commandées par une femme, enseignante dans le nord de la France. La batterie assure deux formations initiales de réserve (FMIR) annuelles. Dans son emploi, on trouve évidemment Sentinelle, mais aussi des OPFOR (opposing forces) lors d’exercices, par exemple. 

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Jean-Marc TANGUY