Le 26 juillet, le Commandement militaire américain pour l'Afrique (AFRICOM) a confirmé par communiqué que ses forces avaient « mené une opération contre le réseau terroriste EI-S (État islamique en Somalie.)

Bien que l’AFRICOM n’ait fourni aucun détail particulier, des responsables des Forces de défense du Puntland (Puntland Dervich forces, PDF) qui luttent contre l’EI-S dans le nord de la Somalie.ont apporté quelques précisions. Ainsi, il y a été annoncé qu’Abdiweli Mohamed Aw Yusuf alias Abdiweli Walalac, chef des relations extérieures et des finances de la branche somalienne de l’EI-S avait été capturé lors d’une opération menée à Laag, au sud de Bosaso dans la région de Bari. Deux autres membres du groupe – vraisemblablement ses gardes du corps – auraient également été arrêtés.

Le lieu présumé du raid se situe loin des principales zones d’opérations des PDF principalement concentrées dans les montagnes de Cal Miskaad, au sud-est de la ville côtière de Bosaso.

En juin 2023, Yusuf avait été inscrit par le Département du Trésor américain sur la liste des « terroristes mondiaux spécialement désignés » dirigeant « la livraison de combattants étrangers, de fournitures et de munitions pour le compte de l’État islamique. » Le Département du Trésor a également déclaré que « Yusuf était en partie responsable de la gestion des revenus générés par l’EI-S et avait facilité les transferts pour l’État islamique. »

Des responsables du Puntland affirment aussi qu’il supervisait depuis 2019 les finances du bureau régional de « Maktab al Al Karrar » de l’EI (couvrant la Somalie mais aussi l’Afrique centrale et de l’Est). L’EI a créé ces centres de coordination et d’encadrement intermédiaires à travers le monde pour aider à gérer les « provinces » extérieures de l’EI.

Source : CTC Sentinel. À noter que le Maktab al-Anfal a disparu et a été intégré au Maktab al-Furqan.

Le Maktab al-Karrar était dirigé par Abdul Qadir Mumin, le premier émir de l’EI-S qui aurait été tué par un bombardement américain le 31 mai 2024 (mais sa mort n’a pas été confirmée.)

Il aurait été remplacé à ce poste par Abdirahman Fahiye’Isa (pas de photo disponible sur X.)

Cette structure apporte un soutien financier, technique et logistique à de nombreux autres groupes de l’EI, notamment à ses provinces d’Afrique centrale au Congo, en Ouganda et au Mozambique (EIAC ou ISCAP) et à diverses structures de soutien en Afrique du Sud, au Kenya, en Tanzanie et au Yémen…
Le bureau régional était auparavant dirigé par Bilal al Sudani, un vétéran soudanais du jihad somalien, neutralisé lors d’un précédent raid américain en janvier 2023. C’était le dernier raid terrestre américain dans le nord de la Somalie jusqu’à fin juillet 2025.

La capture de Yusuf constitue un coup dur porté à la direction de l’EI-S même si quelques commandants subalternes ont été tués par les PDF au début juillet. Les États-Unis ont également tué un dirigeant omanais de l’EI-S lors d’une frappe de drone plus tôt cette année.
Les États-Unis, ainsi que les Émirats arabes unis (EAU), soutiennent les PDF dans leur lutte contre l’EI-S depuis le début de l’année.

Outre leur aide logistique et leur assistance en matière de renseignement, les États-Unis ont mené au moins 32 frappes aériennes contre l’EI-S depuis le début de l’année.
Les Émirats arabes unis ont lancé au moins 19 frappes aériennes supplémentaires contre le groupe, mais ce nombre pourrait être plus élevé, car ils n’annoncent pas publiquement ces opérations.
Depuis son retour au pouvoir, le président Donald Trump a considérablement intensifié les opérations militaires américaines en Somalie.
Par ailleurs, 22 autres frappes ont visé les Shebaab, la branche est-africaine d’Al-Qaïda.

Bien que le raid visant à arrêter Abdiweli Yusuf ait été la première opération terrestre de ce type dans le nord de la Somalie sous Trump, il se pourrait bien qu’elle ne soit pas la dernière.
S’il est vérifié que Yusuf occupait une double fonction, celle de directeur financier de l’EI-S et le Maktab Al Karrar, son arrestation, et les informations qui peuvent en être tirées, pourraient avoir des répercussions sur l’État islamique dans la partie orientale de l’Afrique.

Le raid au Puntland a eu lieu le jour même où les forces américaines ont neutralisé dans la région d’Alep Dhiya Zawba Muslih al-Hardani, un haut responsable de Daech ses deux fils adultes affiliés à l’EI en Syrie.

Cela démontre, si besoin est, que la « guerre contre le terrorisme » est loin d’être terminée. Le continent africain est aujourd’hui le terrain de chasse le plus favorable que les mouvements affiliés à Al-Qaida et à Daech se partagent. C’est également la terre où globalement ils ne se combattent pas entre eux. Si le berceau syro-irakien de Daech semble relativement calme – si l’on excepte les violences orchestrées par des minorités et des mouvements liés à Téhéran -, Daech y est toujours implanté et y rêve d’une renaissance en recrutant de nouveaux adeptes dans la jeunesse délaissée. La Caucase est toujours une bouilloire où des activistes s’entrainent à de futures opérations locales mais aussi à l’extérieur avec comme cibles principale la Fédération de Russie puis l’Europe. L’Afghanistan(1) est le seul pays où Al-Qaida est accueilli favorablement par les talibans au pouvoir mais là Daech est entré en lutte ouverte avec Kaboul. Les activistes en Extrême-Orient paraissent pour le moment plus ou moins en sommeil mais ils peuvent se réveiller à tout moment.
Bien qu’ancienne, la carte ci-après reste d’actualité.

En ce qui concerne les déclarations martiales de certains gouvernants, il faut se rappeler que l’on ne combat pas un moyen de combat (le terrorisme(2)) mais une idéologie : là, le salafisme-jihadisme. Et c’est là où se trouve la plus grande difficulté car il faut proposer une autre idéologie qui soit suffisamment convaincante pour gagner « les cœurs et les esprits » afin d’avoir une chance de l’emporter. Il semble qu’on la cherche encore…

(1) Voir : « Le groupe État islamique toujours bien présent » du 22 janvier 2025.

(2) Voir : « La menace terroriste islamique » du 4 avril 2024.