Ce dernier situé entre Taïwan et les Philippines, mesure environ 354 km de large à son point le plus étroit. Il s’agit d’une artère maritime essentielle et d’un canal militaire d’une importance capitale, notamment pour la flotte chinoise.
C’est de là que les forces basées en mer de Chine méridionale peuvent accéder à la mer des Philippines et au Pacifique, et inversement.
Cela inclut la flotte croissante de sous-marins nucléaires chinois dont ceux constituant la force nucléaire de dissuasion du pays.
C’est également une voie d’accès essentielle pour la marine américaine en mer de Chine méridionale. Si la Chine tentait d’envahir Taïwan, cette région serait une zone privilégiée de guerre navale.

Le lieutenant-général des Marines James Glynn, directeur de l’exercice Balikatan de cette année, l’a décrit comme un « véritable test de combat […] Ils visent à prendre en compte tous les défis de sécurité régionale auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui, à commencer en mer de Chine méridionale […] L’exercice Balikatan pourrait probablement contribuer à dissuader une attaque de Taïwan. »
Le général de division Francisco Lorenzo des forces philippines a déclaré pour sa part : « pour nous, il ne vise qu’à dissuader toute coercition ou invasion éventuelle de notre pays. » ne citant pas le problème de Taïwan.
Si l’ampleur de ces exercices est impressionnante, c’est surtout le déploiement par les États-Unis de missiles terre-mer capables de fermer le détroit de Luçon qui constitue une nouveauté dans le contexte de la tension croissante entre Pékin et Washington.
Ce déploiement intervient alors que l’Armée populaire de libération (APL) chinoise accentue la pression sur Taïwan en manœuvrant régulièrement autour de l’île avec une puissance militaire multi-domaines tout en investissant dans le développement de sa marine.
Plus de 14.000 soldats des Forces armées des Philippines et du Commandement indo-pacifique des États-Unis devraient unir leurs forces, ce qui en fait l’un des plus grands.
Selon le porte-parole de Balikatan, le Brigadier-général Michael Logico, un total de 19 pays, ont été invités à suivre ces manœuvres. Parmi les principaux partenaires figurent le Japon et l’Australie, les deux participants actifs, ainsi que des observateurs viennent du Canada, d’Allemagne, du Royaume-Uni, de Pologne, d République tchèque et de Colombie.

Le 3ème Régiment littoral des Marines déploiera dans le nord de Luçon et sur les îles Batanes situées presque au milieu du détroit des systèmes d’interdiction NMESIS (Navy Marine Expeditionary Ship Interdiction System ), une plate-forme de missiles antinavires mobiles à haute technologie utilisant le missile d’attaque navale NSM (Naval Strike Missile) armé d’une tête explosive de 125 kilos pour cibler les navires ennemis en mer.

Le NSM est un missile norvégien de conception Kongsberg Defence, actuellement produit pour les États-Unis en collaboration avec Raytheon. Ses caractéristiques furtives contribuent à sa survivabilité.
Il utilise un autodirecteur infrarouge à imagerie pour le guidage en phase terminale. N’émettant pas d’énergie radiofréquence (RF) radar, le missile évolue sans alerter l’adversaire.
Ce type de missile équipe aussi certains navires de combat côtiers et destroyers de la marine américaine, et les frégates de classe Constellation devraient également intégrer des NSM à leur armement.
C’est la première fois que le NMESIS est utilisé dans les exercices de Balikatan.
Un communiqué de l’USMC fournit des détails supplémentaires sur les capacités qui seront intégrées à l’exercice : « Le NMESIS sera utilisé lors des opérations maritimes de sécurité terrestre clés dans le nord de Luçon et les îles Batanes. Lors de cet événement, les Marines américains de la batterie de missiles à moyenne portée du 3ème Bataillon de combat littoral et les Marines philippins de la 4ème Brigade de Marines utiliseront le transport aérien de la 25ème Brigade d’aviation de combat de l’armée américaine et du 29ème Escadron de transport aérien tactique de l’armée de l’air américaine pour transporter plusieurs lanceurs NMESIS du nord de Luçon vers plusieurs îles de l’archipel des Batanes. Une fois sur place, les Marines américains et philippins collaboreront pour établir une base expéditionnaire avancée de tirs.
Toutefois, ce déploiement sera temporaire car le préambule de l’exercice précise que les deux parties « partagent l’accord selon lequel les États-Unis n’établiront pas de présence ou de base militaire permanente sur le territoire des Philippines. » Le préambule conclut : « Tout accès et utilisation des installations et zones par les États-Unis se fera à l’invitation des Philippines et dans le plein respect de la Constitution et des lois philippines. »
Mais, les forces armées philippines ont confirmé qu’elles étaient ouvertes à la possibilité de prolonger le maintien du système NMESIS en fonction de l’évolution des besoins des exercices dans les mois à venir…
Déjà en 2023, l’administration Biden et l’administration Marcos avaient finalisé un accord autorisant l’accès de l’armée américaine à quatre bases militaires philippines supplémentaires dans le cadre de l’EDCA (Accord de coopération renforcée en matière de défense.)
Cependant, les gouverneurs des îles d’Isabela et de Cagayan qui abritent trois de ces bases, ont exprimé leur consternation face à cet accord, déclarant qu’ils ne souhaitaient pas que leurs provinces paient trop cher pour les améliorations d’infrastructures ou deviennent des cibles potentielles d’une attaque nucléaire chinoise.
En février 2025, les Philippines et les États-Unis encore ont renforcé leur partenariat de défense en mer de Chine méridionale. Des avions de chasse américains et philippins ont effectué des patrouilles conjointes, soulignant leur engagement en faveur de la sécurité régionale.
L’armée américaine a récemment déployé d’autres missiles aux Philippines : des lanceurs Typhon de l’armée américaine, capables de tirer des missiles de croisière Tomahawk, ainsi que des SM-6 capables d’atteindre rapidement des cibles grâce à leur capacité de missile quasi balistique.

Bien que les Tomahawks et les SM-6 aient une portée plus longue, ils ne sont pas positionnés aussi loin en avant que le NMESIS et ses NSM. Aucun de ces missiles n’est aussi axé sur les opérations antinavires et de contrôle maritime que le NSM.
Au moment où les risques de déclenchement d’incidents violents pouvant dégénérer en conflits non maitrisables sont de plus en plus fréquents (voir l’escalade actuelle des tensions entre l’Inde et la Pakistan), il semble assez osé de venir défier la Chine dans ses approches maritimes. Mais Washington tient – comme ailleurs – à montrer que les États-Unis sont toujours la première puissance militaire mondiale.