Les 10 mars et 11 mars, le nouveau pouvoir emmené par Ahmed al-Charaa a signé des accords avec les minorités kurde et druze prévoyant l’intégration complète de ces dernières dans l’État syrien.

Kurdes

Ainsi, selon la présidence du pays, les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance de milices dirigée par les Kurdes qui contrôle le nord-est de la Syrie a conclu un accord pour intégrer toutes les institutions militaires et civiles dans l’État syrien.

L’accord stipule les clauses suivantes :
1. la garantie du droit à la représentation et à la participation de tous les Syriens, quelle que soit leur origine religieuse et ethnique, au processus politique et à toutes les institutions de l’État ;
2. la communauté kurde est une communauté autochtone de l’État syrien, et l’État syrien garantit ses droits de citoyenneté et tous les droits constitutionnels ;
3. un cessez-le-feu est à mettre en œuvre sur l’ensemble du territoire syrien ;
4. l’intégration de toutes les institutions civiles et militaires du nord-est de la Syrie, y compris les points de passage de la frontière, les aéroports et les gisements de pétrole et de gaz naturel, sous la houlette de l’État syrien ;
5. veiller à ce que tous les Syriens déplacés retournent dans leurs villes et villages et soient protégés par l’État syrien ;
6. soutenir la lutte de l’État syrien contre toute menace par les restes du régime d’Assad, ainsi que contre les menaces à la sécurité et à l’unité ;
7. rejeter les appels visant à créer des divisions entre les composantes de la société syrienne, les discours haineux et les tentatives de répandre la discorde ;
8. les comités exécutifs continueront de s’employer à assurer l’application de l’accord d’ici à la fin de l’année.

Le commandant des FDS, Ferhad Abdi Şahin alias Mazlum Abdi, a appelé l’accord qu’il a signé à Damas – qu’il aurait rejoint avec l’aide des États-Unis – aux côtés du président par intérim Ahmed al-Charaa, de « véritable opportunité de construire une nouvelle Syrie. »

L’accord représente un pas important vers l’objectif de Charaa d’unir le pays fracturé après la chute du président Bachar el-Assad en décembre.
L’ampleur de ce défi a été clairement soulignée par les violences récentes survenues dans l’ouest de la Syrie, où les attaques contre les forces de sécurité par les loyalistes d’Assad ont déclenché des représailles au cours desquelles plus de 1.000 civils auraient été tués, pour la plupart des membres de minorité alaouite (1).
L’accord vise également à désamorcer le conflit des FDS avec la Turquie voisine et les anciennes factions rebelles syriennes soutenues par la Turquie, alliées au gouvernement, qui tentent de chasser les forces kurdes des zones le long de la frontière nord.
À noter que le leader du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Abdullah Öcalan, vient de lancer un appel historique à la dissolution de la formation et à l’abandon de la lutte armée(2)…

Entre 25 et 35 millions de Kurdes vivent une région montagneuse chevauchant les frontières de la Turquie, de l’Irak, de la Syrie, de l’Iran et de l’Arménie. Ils constituent le quatrième groupe ethnique du Moyen-Orient, mais ils n’ont jamais obtenu d’État-nation permanent.
Les Kurdes syriens, qui représentent environ 10 % de la population, ont été réprimés et privés de droits fondamentaux sous le régime de la famille Assad.
Marginalisés et réprimés sous le régime de la famille Assad, les Kurdes ont été privés, pendant des décennies, du droit de parler leur langue, de célébrer leurs fêtes et, pour un grand nombre d’entre eux, de la nationalité syrienne. Mais pendant la guerre civile déclenchée en 2011, ils ont mis en place une administration autonome dans le nord-est du pays avec leurs propres institutions éducatives, sociales et militaires.

Druzes

La chaîne qatarie Al-Jazeera, proche du nouveau pouvoir à Damas, a rapporté que le gouvernement syrien aurait conclu un accord avec les Druzes du gouvernorat de Soueïda dit aussi « Jabal al Druze ou Mont Druze (où ils sont majoritaires.)

Cet accord prévoit également l’intégration complète de cette région proche d’Israël aux institutions de l’État syrien. Il stipule que les mécanismes de sécurité du gouvernorat de Soueïda seront rattachés au ministère de l’Intérieur syrien et que les forces de police locales seront issues de la population de la province. Le gouvernement syrien nommera un gouverneur et un chef de police qui ne seront pas nécessairement originaires de la province.

Ces ententes avec les communautés kurde et druze marquent la volonté du nouveau régime d’asseoir son autorité sur l’ensemble du territoire syrien.
Toutefois, dans les deux cas, un certain mystère demeure sur les intentions réelles de deux grands intervenants extérieurs : la Turquie au nord et Israël au sud.

Le président Erdoğan a salué l’accord conclu le 10 mars entre le président syrien Ahmed al-Sharaa et Mazlum Abdi, chef des FDS. Il a appelé à la pleine mise en œuvre de l’accord de lundi (qui devrait être finalisé avant la fin de l’année.

De son côté, le ministère israélien de la Défense a annoncé la semaine dernière se préparer à accueillir des dizaines de travailleurs druzes de Syrie qui seront employés dans les secteurs de l’agriculture et de la construction. Selon le communiqué du ministre Israël Katz : « dans un premier temps, plusieurs dizaines de travailleurs seront employés dans les villages druzes du plateau du Golan. »
Le ministre s’est également engagé : « Israël protégera les Druzes en Syrie contre toute menace. » Cette décision fait suite à des appels officiels des dirigeants de la communauté druze israélienne au Premier ministre Benjamin Netanyahou et au ministre de la Défense, demandant une aide pour leurs coreligionnaires de l’autre côté de la frontière. En effet, aucune information ne fait état du sort des populations druzes du gouvernorat de Quneitra frontalier du Golan.

(1) Voir : « Le président syrien appelle à l’unité nationale » du 10 mars 2025.

(2) Voir : « Le problème kurde dans la nouvelle Syrie » du 14 février 2025.