Il est beaucoup questions ces derniers temps de parler de la « mexicanisation » de la France pour évoquer le crime organisé. Mais dans les faits, qu’est ce que cela signifie ?
D’abord, il conviendrait d’étendre cette définition à l’ensemble du continent américain où la problématique du crime organisé est historique et générale, le Mexique n’étant qu’un de ces acteurs – certes l’un des plus violents -.
Le phénomène est connu des spécialistes et des responsables depuis longtemps. Tout lecteur intéressé peut se reporter à de multiples ouvrages dont celui de l’auteur : « le crime organisé du Canada à la Terre de feu » paru aux éditions du Rocher en décembre 2013. Plus de dix ans après sa publication, il reste toujours d’actualité…
Dans le crime organisé, il y a un certain nombre de constantes.
1/ Le premier principe est que les groupes criminels ne veulent pas prendre le pouvoir politique directement mais le contrôler au mieux de leurs intérêts.
Pour ce faire, l’arme première est la corruption qui s’étend sur toute l’échelle sociale jusqu’aux responsables de haut niveau. Une fois le processus engagé, il devient irréversible car les personnes impliquées peuvent être soumises au chantage si leurs collaboration criminelle – même passée – est dévoilée publiquement.
Toutefois, quelques mafieux comme le Colombien Pablo Escobar qui reste une « référence » se sont toutefois fait élire pour assurer leur « couverture » juridique.
2/ Le second principe est l’usage systématique de la violence. Elle n’est jamais gratuite ayant pour but d’« être exemplaire ». Elle permet de terroriser les populations, les fonctionnaires (qui n’ont le choix qu’entre « plata o plomo » – de l’argent ou du plomb pour eux et leurs proches -). Les personnels pénitentiaires, les policiers et les élus locaux, les journalistes sont les cibles prioritaires.
Dans ce domaine, les « sicarios » (sicaires) redoublent dans l’inventivité dans l’horreur faisant passer les activistes de Daech pour des enfants de cœur. Les démembrements – parfois effectués « in vivo » – et les pendaisons sous les ponts autoroutiers sont monnaie courante. Il faut « impressionner ».
Les sicarios – en dehors des volontaires, certains sont des enfants enlevés – sont littéralement « décérébrés » dès leur plus jeune âge : ils sont d’abord les premières victimes des pires violences avant d’être entrainés à effectuer les meurtres et tortures les plus sordides. Il est aisé de comprendre comment ensuite ils peuvent se livrer à toutes les exactions sans aucun sentiment car ils n’ont plus aucune conscience du bien et du mal.
3/ Ensuite, la notion de « territoire » est centrale pour les gangs. On se bat pour défendre le sien ou conquérir celui du voisin. Le « marquage » des frontières est présent dans toutes les agglomérations infestées par des gangs.
En échange du contrôle de ces zones, les populations qui y vivent font l’objet de tous les soins de groupes criminels. Ils remplissent alors le rôle social que les autorités de parviennent pas à fournir. Cela a été particulièrement visible lors des périodes de confinement décrétées suite à l’épidémie de COVID-19 (c/f photo montrant des dons à l’effigie d’« El Chapo » Guzman, un des plus célèbres chefs de cartel mexicain – aujourd’hui incarcéré aux USA -).
Cette manière de procéder leur apporte un soutien populaire qui leur permet d’évoluer en toute discrétion – souvent avec le soutien tacite des autorités locales qui voient là une solution aux problèmes sociaux endémiques -.
4/ Enfin, l’internationalisation est obligatoire car d’un côté il faut aller chercher la matière première (les drogues) et de l’autre la distribuer à une clientèle de plus en plus importante. Il serait d’ailleurs intéressant de définir ce besoin grandissant de consommer des drogues, mais c’est un autre sujet.
Internationalisation ne signifie pas soumission mais coopération, chaque groupe ayant sa tâche bien définie dans la chaîne des activités criminelles.
Si les drogues assurent la principale source de revenus, le crime organisé a considérablement varié ses activités pour profiter des nouvelles opportunités. Il se livre donc aussi aux trafics d’armes, d’êtres humains, aux escroqueries diverses et variées…
Il utilise les avancées technologiques, en particulier pour blanchir l’argent rapporté par ses activités criminelles.
Sur le Continent américain, en dehors des centres de détention de haute sécurité que l’on peut trouver en Amérique du Nord et au Salvador, les prisons sont plutôt les territoires de gangs, certain y étant même nés comme au Brésil.
Les solutions ?
Des débuts de solutions existent mais elles passent par une volonté politique intransigeante, une justice qui a les moyens, des forces de police entraînées et bénéficiant d’armes juridiques efficaces (au États-Unis, les « provocations » faite par des Agents sous couverture sont recevables).
Les témoins de justice (repentis) ont permis de comprendre le fonctionnement des grandes mafias italiennes même si ce système est moins efficace avec des groupes criminels décentralisés et peu hiérarchisés.
Surtout, il faut se rappeler que l’objectif du crime est de faire de l’argent.
L’attaquer au portefeuille est ce qui lui fait le plus mal. Pour cela, la confiscation des biens avant même toute condamnation semble être une technique qui fonctionne.
Et puis il y a des voies détournées pour s’attaquer aux caïds : Al Capone a été condamné pour ne pas avoir payé tous les impôts qu’il devait, pas pour ses activités criminelles…
Publié le
Texte