À l’occasion de la réunion au sommet qui a eu lieu à Washington du 9 au 11 juillet pour célébrer le 75ème anniversaire de la création de l’OTAN, plusieurs annonces ont été faites. Ainsi, le Danemark et les Pays-Bas auraient commencé à livrer des avions F-16 de fabrication américaine à l’Ukraine - respectant ainsi une promesse faite l’année dernière à Kiev. Beaucoup plus important sur le plan politico-militaire, il a été annoncé que les États-Unis allaient déployer « épisodiquement » des missiles à longue portée en Allemagne à partir de 2026.

C’est une première depuis la fin de la  guerre froide et la crise des euromissiles qu’une décision de ce type est prise.

Pour mémoire, les Soviétiques avaient remplacé en 1977 ses missiles nucléaires SS-4 et SS-5 par des modèles à moyenne portée SS-20. Les États-Unis avaient répondu en installant des Pershing II et BGM-109 G dans plusieurs pays de l’OTAN.

Cette crise s’était terminée en 1988 avec la signature du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF).

En 2014, le président Vladimir Poutine a estimé que ce traité était trop restrictif et les Américains l’avaient accusé d’avoir violé l’accord avec le déploiement de missiles 9K720 Iskander, particulièrement dans l’enclave de Kaliningrad.

Les États-Unis s’étaient finalement retirés du traité en 2019 et la Russie avait suivi.

Ainsi, Washington et Berlin ont déclaré le 10 juillet que des missiles de croisière Tomahawk SM-6  seraient déployés de manière « épisodique » à compter de 2026. De plus ce déploiement deviendrait ultérieurement « permanent » dans le cadre d’un engagement américain envers l’OTAN et la « dissuasion intégrée » de l’Europe.

Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius a expliqué que l’idée était d’encourager l’Allemagne et d’autres pays européens à investir eux-mêmes dans le développement et l’achat de missiles à longue portée. Seule différence avec les Américains : ces armements ne pourront être dotés de têtes nucléaires qui pourraient être activées sur décision nationale…

Les politiciens des Verts allemands ont critiqué l’accord du chancelier Olaf Scholz d’autoriser le déploiement des missiles américains sur le sol allemand. Les Verts font partie de la coalition au pouvoir de M. Scholz et leur porte-parole en matière de sécurité, Sara Nanni, a clairement exprimé sa frustration de ne pas avoir été consulté sur la décision prise.

Selon l’accord INF de 1988, de tels missiles seraient interdits mais, comme expliqué plus avant, il n’est plus en vigueur depuis cinq ans.

Comme cela était à prévoir, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Ryabkov, a déclaré que Moscou réagirait par une « réponse militaire à la nouvelle menace. »  Il a précisé que « ce n’est qu’un maillon dans la chaîne d’une escalade » accusant l’OTAN et les États-Unis de tenter d’intimider la Russie. Si ce projet connaît un commencement d’exécution, la tension montera encore d’un cran car il est probable que des batterie Iskander seront rapprochées de la frontière allemande.

Le sommet de l’OTAN

Les termes de la déclaration officielle du sommet de l’OTAN du 10 juillet 2024 est particulièrement ferme :

«  … la Russie demeure la menace la plus importante et la plus directe pour la sécurité des Alliés […] nous prenons de nouvelles mesures destinées à renforcer notre dissuasion et notre défense, à intensifier notre soutien à l’Ukraine sur le long terme afin qu’elle puisse remporter son combat pour la liberté, et à approfondir les partenariats de l’OTAN […] La menace que la Russie représente pour l’OTAN dans tous les domaines subsistera sur le long terme. La Russie s’attache à reconstituer et à développer ses capacités militaires, et elle continue de violer l’espace aérien et de se livrer à des provocations. Nous sommes solidaires de tous les Alliés qui subissent de tels agissements. » En clair, l’ennemi de l’OTAN, la Russie, étant menaçante, l’Alliance fera tout pour faciliter l’intégration future de l’Ukraine en son sein…

Les pays tiers (Chine, Inde, etc.)°ne sont pas épargnés : « Nous exhortons tous les pays à se garder d’apporter à la Russie une aide de quelque nature que ce soit dans le cadre de l’agression de l’Ukraine. Nous condamnons tous ceux qui facilitent et, par conséquent, prolongent la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine. »

Ce passage a déjà été qualifié de provocation par Pékin…

Un seul aparté va dans un sens plus apaisant : «  L’OTAN ne cherche pas la confrontation et ne représente aucune menace pour la Russie. Nous restons disposés à maintenir ouverts les canaux de communication avec Moscou pour réduire les risques et prévenir toute escalade. »

En privé, de nombreux dirigeants de l’OTAN craignent qu’une victoire de Donald Trump à l’élection de novembre change de nombreuses choses. En effet, dans le passé, ce dernier a vivement critiqué l’Alliance et « le fardeau injuste » qui pèse selon lui sur les États-Unis. Aujourd’hui, il s’ingénie à maintenir un certain flou sur le soutien américain à l’Ukraine.

À l’évidence, si le texte de l’OTAN ne constitue pas formellement une déclaration de guerre à la Russie et un avertissement aux puissances tierces que sont la Chine et l’Inde, cela semble la dernière marche avant d’y arriver.

Il est intéressant de noter que les « docteurs Folamour » modernes se trouvent surtout dans les petits pays (pays baltes, Pologne…) et en Grande-Bretagne dont la russophobie est l’un des piliers de sa politique étrangère.

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Texte

Alain Rodier